Agroécologie 4 min

Vacciner ou ne pas vacciner : cas d’une maladie infectieuse des bovins

La vaccination peut être très efficace pour lutter contre les maladies infectieuses. Mais de nombreux facteurs sont en jeu et il est parfois difficile de savoir si la vaccination est vraiment avantageuse. Un modèle de simulation de la propagation d’une maladie infectieuse des bovins a été développé par des chercheurs de l’UMR BIOEPAR (INRAE-Oniris) pour aider à la prise de décision de vaccination.

Publié le 02 mai 2022

illustration Vacciner ou ne pas vacciner : cas d’une maladie infectieuse des bovins
© INRAE

La vaccination : de nombreux paramètres à prendre en compte

La vaccination est l’une des principales stratégies de lutte contre les maladies infectieuses. La protection apportée peut prendre diverses formes : protection contre l’infection, contre la transmission de l’agent pathogène si infection, voire seulement contre les symptômes ; protection pérenne ou temporaire ; protection totale ou partielle selon l’efficacité du vaccin ; vaccin facile à conditionner et administrer, etc. Les contraintes peuvent aussi être sociales (adhésion à la vaccination, accessibilité du vaccin) ou financières. Ce dernier point est particulièrement important pour les animaux d’élevage qui sont élevés dans un objectif de production et  de rentabilité. Un éleveur a intérêt à vacciner ses animaux si leur bien-être est en jeu et si le coût de la vaccination est moindre que le coût des pertes de production et de bien-être attendues sans vaccination. Savoir quand il est judicieux de vacciner est une question ardue, les conditions requises pouvant varier selon les caractéristiques des élevages et au cours du temps selon l’exposition au risque d’infection.

Figure-Retour-sur-investissement-vaccination-BVD

Figure : retour sur investissement après vaccination contre la BVD selon le système d’élevage et le niveau de risque d’introduction du virus par le voisinage. Les barres représentent 80 % des valeurs obtenues pour chaque scénario répété 1000 fois, avec la médiane au milieu. Les résultats sont variables, car de nombreux événements sont aléatoires.

La diarrhée virale bovine, une maladie à l’origine de pertes économiques importantes

Au sein de l’Unité Mixte de Recherche BIOEPAR (INRAE-Oniris), et en partenariat avec GDS-Bourgogne-Franche-Comté (groupement de défense sanitaire de Bourgogne-Franche-Comté) et l’Institut de l’Élevage, des scientifiques de l’équipe DYNAMO ont contribué à répondre à cette problématique dans le cas d’une maladie endémique des bovins : la diarrhée virale bovine (ou BVD). Malgré de nombreux programmes régionaux ou nationaux mis en place pour maîtriser cette maladie, le virus de la BVD circule toujours, notamment en France, et provoque des pertes économiques importantes pour les éleveurs, surtout suite à son introduction dans un troupeau indemne. Ce virus se transmet par contact entre animaux d’un même troupeau ou avec ceux des troupeaux voisins, mais peut également être introduit dans la population par l’achat d’un animal infecté. Les animaux à vacciner en priorité sont les femelles reproductrices, car une infection pendant la gestation peut donner lieu à la naissance de veaux infectés de manière persistante (IPI), qui excrètent fortement le virus toute leur vie et meurent prématurément. La période la plus à risque d’introduction du virus dans un troupeau sera donc la période où les vaches gestantes sont au pâturage, exposées au risque de transmission par le voisinage. La manière dont le troupeau est géré influence le risque d’introduction et de circulation du virus, selon la concomitance entre périodes de mise à la reproduction et de pâturage, ainsi que l’existence ou non de contacts entre les vaches (à risque de s’infecter) et les veaux (parmi lesquels se trouvent la plupart des IPI).

Le modèle simule la propagation et permet de quantifier le bénéfice économique de la vaccination

 Un modèle de simulation de la propagation du virus de la BVD dans un troupeau bovin allaitant a été développé pour évaluer le bénéfice économique de la vaccination. Il prend en compte les caractéristiques de l’infection (taux de transmission, d’avortements, de mortalité des IPI, etc), de la vaccination (probabilités de protection contre l’infection, contre les symptômes, etc) et du système d’élevage (périodes de vêlage et de pâturage, nombre de femelles pour la reproduction, date de sevrage, etc). L’influence du système d’élevage a été testée en considérant trois systèmes  représentatifs d’une grande proportion des élevages allaitants français, regroupée au sein de trois bassins. Étonnamment, même avec des systèmes d’élevage proches (troupeau allaitant avec une saison de vêlage au pâturage), la vaccination est économiquement intéressante en bassin Charolais, mais ne l’est pas en bassin Limousin et en bassin Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon (figure). Ce résultat a été observé quel que soit le niveau de risque d’introduction du virus par le voisinage. Des travaux sont en cours pour déterminer quelles caractéristiques du système d’élevage influent sur ces observations. Compte tenu des avancées de l'éradication de la BVD en France et de l'évolution de la surveillance vers un dépistage sérologique dans plusieurs régions, il convient d'intégrer dans la réflexion la baisse de prévalence générale et le risque d'interférence de la vaccination avec le dépistage.

 

Ce travail met en évidence l’importance de la prise en compte des spécificités de chaque système d’élevage pour choisir de vacciner ou non. Des outils d’aide au conseil sont proposés par l’équipe DYNAMO, construits à partir de ces modèles de recherche.

Publication associée : Arnoux, S., Bidan, F., Damman, A., Petit, E., Assié, S., Ezanno, P., 2021. To Vaccinate or Not: Impact of Bovine Viral Diarrhoea in French Cow-Calf Herds. Vaccines 9, 1137. https://doi.org/10.3390/vaccines9101137
 

Partenaires scientifiques : GDS-Bourgogne-Franche-Comté - Institut de l’Élevage
 

Financement :  ce travail a été financé par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), Programme Investissements d'Avenir, projet ANR-10-BINF-07 (MIHMES), le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER Pays-de-la-Loire), le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union Européenne sous la convention de subvention No.101000494 (DECIDE), et l'INRAE. Ce travail a été réalisé en utilisant les ressources HPC du GENCI-[CINES/IDRIS/TGCC] (subvention 2021-[A0100312468]).

 

 

En savoir plus

Alimentation, santé globale

Un vaccin contre la toxoplasmose pour les singes Saïmiris

Les Saïmiris, petits singes d’Amérique du Sud, sont particulièrement sensibles à la toxoplasmose, une infection parasitaire due au protozoaire Toxoplasma gondii. Une campagne de vaccination de Saïmiris a débuté en septembre 2017 dans cinq parcs zoologiques français. Le vaccin contre T. gondii a été développé par l’équipe BioMédicaments Anti Parasitaires (BioMAP) de l'unité mixte de recherche Infectiologie et santé publique (UMR ISP, Inra-Université de Tours), en collaboration avec la société Vaxinano.

19 décembre 2019

Alimentation, santé globale

Charlotte Foret-Lucas, la virologie dans le sang

Qui pourrait « adorer » le virus de la grippe ? Charlotte Foret-Lucas, contaminée par la fascination pour un virus « mystérieux, changeant, sur lequel on ne saura jamais tout ». Depuis 2013, la jeune femme est technicienne de recherche spécialisée en virologie dans l’unité de recherche Interactions hôtes-agents pathogènes. Elle est également responsable adjointe du laboratoire de niveau 3 de l’École nationale vétérinaire de Toulouse.

16 janvier 2020