Société et territoires 3 min

Territoire et alimentation : un exemple réussi de partenariat acteurs-chercheurs pour un projet alimentaire territorial

Dans le cadre du projet régional PSDR INVENTER (2016-2020)*, des chercheurs se sont penchés sur les façons dont acteurs des filières alimentaires, citoyens ou collectivités territoriales, s’emparent de l’enjeu alimentaire sur les territoires. En passant par l’analyse des facteurs d’émergence et de développement des initiatives auxquelles participent ces acteurs, les chercheurs ont produit des connaissances actionnables pour la mise en œuvre de systèmes alimentaires territorialisés.

Publié le 10 août 2020

illustration Territoire et alimentation : un exemple réussi de partenariat acteurs-chercheurs pour un projet alimentaire territorial
© INRAE

La territorialisation de l’alimentation, souvent considérée comme porteuse de développement durable des territoires, se réfère à l’idée de connexion des systèmes alimentaires à un territoire, soit par la qualification territoriale des produits (marques régionales, signes d’identification de la qualité et de l’origine), soit par la création d’une proximité entre la production et la consommation alimentaires (circuits courts, vente directe, …). Elle renvoie alors à une diversité d’actions collectives qui varient tant en termes d’acteurs porteurs et parties prenantes (acteurs publics, société civile, acteurs économiques), que d’échelles d’action, de ressources mobilisées ou encore d’objectifs poursuivis.

Des chercheurs du Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes (UMR Territoires), en partenariat avec les acteurs des territoires du Grand Clermont et du PNR Livradois Forez, ont étudié cette territorialisation, les dynamiques d’évolution des territoires ruraux et métropolitains, et notamment la question d’une gouvernance alimentaire locale adaptée aux territoires et à leurs enjeux.

 

De nouvelles connaissances sur les actions collectives relevant de la territorialisation de l’alimentation.

Une partie du projet INVENTER a consisté à interroger les processus de gouvernance dans les démarches relevant de la territorialisation de l’alimentation : qui sont les acteurs en présence ? Quelles ressources mobilisent-ils ? Comment se coordonnent-ils ? Pour répondre à ces questions, les chercheurs se sont intéressés à une diversité d’initiatives, en particulier en Auvergne. Certaines études ont porté sur des actions collectives de type « filière territorialisée », visant la valorisation d’une production locale en s’appuyant sur les ressources spécifiques du territoire. D’autres ont porté sur des démarches initiées par des acteurs de la société civile et/ou des acteurs publics, s’inscrivant dans un objectif de proximité entre producteurs et consommateurs (fête de la pomme de Massiac, projet alimentaire de Courpière (63), verger-test des Cheires (63), Ferme de la Mhotte (03), association de soutien au développement de monnaies locales complémentaires, pour n’en citer que quelque uns). Ces analyses ont permis de spécifier la contribution de différents types d’acteurs à la territorialisation de l’alimentation et, ce faisant, au développement territorial. Ainsi, l’analyse de la Filière Engagement Qualité Carrefour souligne le rôle de la Grande Distribution dans le développement territorial non seulement en utilisant et en induisant la création de nouvelles ressources sur le territoire (comme un réseau d’échanges de connaissances et de pratiques sur le ‘tout foin’), mais aussi en influençant la coordination des agents de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Concernant les citoyens, l’étude de l’association soutenant le développement des monnaies locales dans le Puy-de-Dôme a souligné la diversité des modalités de contribution à la territorialisation de l’alimentation : par la promotion des circuits courts, mais aussi par le soutien financier et logistique à d’autres projets alimentaires et agricoles (participation au montage de deux magasins citoyens par ex., ou soutien à l’association Terre de Liens).

A la lecture croisée des différents cas étudiés, pourtant très différents à la fois du point de vue des acteurs impliqués, des périmètres de leur action ou encore de la profondeur historique de leur démarche, des facteurs communs d’émergence et de développement sont apparus : l’adéquation du projet avec les enjeux du territoire (culturels, paysagers, de production..), la capacité des acteurs partie-prenante à allier les ressources du territoire avec les outils réglementaires et financiers ainsi que les réseaux disponibles à l’échelle nationale et européenne, ou encore la mise en place d’outils (d’animation par ex.) ou de modalités de coordination (articulant contrats formels et relations de confiance par ex.) favorables à l’engagement d’acteurs dans la durée.   

 

De la recherche à l’accompagnement au changement

Le cadre du projet PSDR, par les liens avec les partenaires qui se sont renforcés au fil du temps, a permis de rendre les connaissances produites par les chercheurs directement actionnables par les acteurs. Ainsi, les connaissances relatives aux cas d’étude cités plus haut, ont été traduites, dans le cadre de groupes de travail fédérant acteurs des territoires et chercheurs, et formalisées dans des plaquettes didactiques (disponibles sur le site https://www6.inrae.fr/psdr-inventer/). D’autres porteurs de projets peuvent ainsi s’en inspirer pour initier sur leur territoire la transition alimentaire. Par exemple, tout ce qui relève de l’analyse des processus à l’œuvre dans les initiatives a été formalisé, avec les partenaires, en clefs de réussite pour le développement de projets alimentaires durables, faisant de ces plaquettes des outils d’accompagnement au changement.

Par ailleurs, le projet PSDR aura été à l’origine de la mise en place d’un Projet Alimentaire Territorial (PAT) sur les territoires des deux partenaires principaux : PNR et PGC (Pays du Grand Clermont). Ce projet vise à offrir aux populations une alimentation saine, de qualité, accessible à tous, issue de circuits de proximité et contribuant au développement d’une agriculture rémunératrice pour l’agriculteur et respectueuse de l’environnement. Tous les types de produits alimentaires issus du territoire étaient concernés (maraichage, élevage, céréales…). Les chercheurs ont contribué à la fois à l’élaboration du PAT (entre 2017 et 2018) et à sa mise en œuvre (depuis 2018). En premier lieu, c’est bien dans le cadre du projet PSDR que les acteurs du PNR et PGC ont élaboré, ensemble et avec l’appui des chercheurs du PSDR, la réponse à l’appel à projet du Programme National de l’Alimentation de 2016[1]. La phase d’élaboration a ensuite consisté en une succession d’ateliers participatifs, visant à impliquer une diversité et un nombre d’acteurs de plus en plus importants. En observant ces différents ateliers, les chercheurs ont pu analyser les modalités de la participation, les controverses, l’évolution des enjeux, etc. et restituer cela aux maîtres d’ouvrage. Ils se sont également impliqués dans différentes actions concrètes comme la mise en place de groupes-projets (sur le foncier, la restauration collective par exemple), ou l’émergence de réseaux de jardins potagers initiés par un acteur du territoire (la Régie des territoires des deux Rives). Forts de ces échanges avec les chercheurs, les maîtres d’ouvrage (PGC et PNR) ont modifié leur approche du PAT, en abordant l’alimentation de manière globale, en s’appuyant sur d’autres acteurs complémentaires que ceux initialement identifiés pour le montage du projet, et finalement en élargissant la gouvernance du projet. Aujourd’hui le programme d’action est en cours, avec l’appui de la recherche, et un comité scientifique est mis en place pour que les apprentissages croisés produits précédemment puissent se poursuivre.

Finalement, la recherche-action mise en œuvre dans le cadre du PSDR INVENTER a assuré plusieurs évolutions : passage d’une multitude d’initiatives alimentaires présentes sur le territoire à une gouvernance inclusive de l’alimentation à l’échelle d’un large territoire, à la fois urbain et rural ; passage de l’identification d’enjeux relatifs à l’alimentation (enjeux foncier, de développement de réseaux de connaissances sur les pratiques agricoles, restauration collective, etc.) à des actions concrètes ;  passage des interactions Chercheurs-Acteurs à l’accompagnement des processus de production de connaissances et de connaissances pour l’action. C’est ainsi l’apprentissage collectif qui fonde les caractéristiques de ce projet et constitue le socle pour engager la transition des systèmes alimentaires sur les territoires. Les acquis de ce processus d’accompagnement et d’apprentissage collectif est en ligne sur le site du PSDR.

 

[1] Le Programme national pour l'alimentation (PNA) est le cadre dans lequel est élaborée la politique publique de l'alimentation. Plusieurs appels à projets nationaux ont été lancés depuis 2011. Avec la participation de l’ADEME pour la composante environnementale, ces appels à projets permettent de financer des projets relatifs aux thématiques du PNA (sécurité alimentaire et agriculture durable).

 

 

*Projet PSDR INVENTER : Inventons nos territoires de demain. Nouveaux modèles de développement des territoires ruraux et périurbains – 2016-2020 (https://www6.inrae.fr/psdr-inventer/)

Marie Houdart Chargée de rechercheUMR Territoires

Sylvie Lardon Coordinatrice du programmeUMR Territoires

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