Alimentation, santé globale 5 min

Le système fourrager est une des clés de la spécificité des laits de montagne

La spécificité des laits de montagne est principalement attribuable à la nature de l’herbe présente dans les prairies permanentes, dont la composition et l’utilisation sont différentes de celles de la plaine. Pour maintenir cette spécificité, source de valeur ajoutée pour les éleveurs, il faut préserver la part importante du pâturage dans l’alimentation des troupeaux et la composition botanique spécifique des prairies de montagne.

Publié le 05 mars 2020

illustration Le système fourrager est une des clés de la spécificité des laits de montagne
© Bruno Martin

L’élevage de montagne : des contraintes qui engendrent des surcoûts importants…

Les zones de montagne recouvrent 19 % du territoire européen et abritent 11 % des exploitations laitières. Ces exploitations répondent à des enjeux environnementaux (prévention des risques naturels, entretien de la biodiversité) et contribuent à l’entretien des paysages construits par l’homme. Elles contribuent également largement à l’attractivité des territoires de montagne et au développement d’autres activités économiques, comme le tourisme. Malgré les soutiens publics dont elles bénéficient, le revenu des éleveurs laitiers de montagne est plus faible qu’en plaine, en raison des surcoûts importants de production et de collecte auxquels ils doivent faire face (contraintes climatiques, manque de terres arables).

…mais une qualité et une  image à préserver

L’utilisation du label « produit de montagne* » permet au consommateur de différencier les produits et est susceptible d’apporter une plus-value aux éleveurs constituant ainsi l’une des solutions permettant d’améliorer la viabilité de ces exploitations.
De nombreuses études ont permis de montrer que la composition du lait et du fromage de montagne est différente de celles des zones de plaine : lait plus riche en acides gras oméga 3 et plus pauvre en acides gras saturés et fromages aux profils sensoriels plus complexes par exemple. La promesse faite aux consommateurs, prêts à payer plus cher les produits de montagne, repose en partie sur ces différences.

L’intensification progressive des systèmes laitiers de montagne, incluant l'introduction d’ensilage de maïs, l'augmentation de la part d’aliments concentrés dans la ration des vaches, l'utilisation plus intensive des prairies et leur fertilisation, pourrait modifier les caractéristiques des produits. Cela pourrait remettre en cause leur avantage compétitif en dégradant l’image qu’ont les consommateurs des produits de montagne (utile au maintien de la biodiversité, à l’entretien du paysage et fournissant de nombreux services écosystémiques en général).

Grâce à des travaux impliquant un réseau de fermes de plusieurs pays européens, des chercheurs ont montré les mécanismes de différenciation de la composition des laits de montagne, en comparaison avec les laits issus des systèmes de production similaires en plaine. Ils ont pu également hiérarchiser les facteurs responsables de la singularité des laits de montagne.

Les tanks à lait de 55 groupes d'exploitations (264 exploitations au total, certains tanks étant collectifs), en France, Slovaquie et Slovénie ont été échantillonnés deux fois durant la période hivernale (lait produit par les vaches en stabulation) et trois fois en été (lait produit par les vaches au pâturage).
Les exploitations ont été sélectionnées dans chaque pays selon deux critères croisés : leur localisation (plaine ou montagne) et  la nature de l’alimentation : ensilage de maïs toute l’année ou herbe, soit pâturée, soit conservée sèche (foin) ou humide (ensilage).
A chaque prélèvement de lait, les conditions de sa production ont été enregistrées par le biais d’enquêtes dans les fermes.
La teneur plus élevée des laits de montagne en composés aromatiques (4-méthylpentylbenzène, 1-méthyl-2-n-hexylbenzène), en terpènes (β-caryophyllène) et en acides gras insaturés (acides linolénique et ruménique notamment)  a pu être reliée à la plus grande diversité botanique des herbages de montagne. Comparativement aux prairies de plaine, les prairies de montagne sont composées de plus de plantes apportant des métabolites secondaires qui sont transférés aux laits et qui modifient la digestion des lipides et in fine, la composition en acides gras des laits notamment quand les vaches sont au pâturage. Les laits de plaine sont quant à eux plus riches en β-carotène et plus jaunes. Cependant ces différences sont ténues.

Une spécificité due à la part du pâturage dans l’alimentation plus encore qu’à la composition botanique de l’herbe de montagne

 Cette étude met clairement en évidence qu’à l'exception  de ces petites différences, à système fourrager comparable, la composition des laits de montagne diffère finalement peu de celle des laits de plaine. En revanche, la composition fine des laits varie fortement selon la nature des fourrages utilisés (ensilage de maïs vs herbe utilisée sous forme de pâturage, de foin ou d’ensilage). Les laits de pâturage sont notamment particulièrement riches en vitamines liposolubles, en antioxydants, en acides gras d’intérêt et en composés phénoliques et volatils.

La composition spécifique des laits de montagne, souvent soulignée dans des études antérieures, est donc principalement attribuable à la nature des fourrages utilisés en montagne pour nourrir les troupeaux. En raison des contraintes climatiques et de la faible proportion de terres arables, les troupeaux de montagne sont principalement nourris avec de l’herbe, souvent issue de prairies permanentes. C’est ainsi la prédominance des prairies diversifiées de montagne qui est à l’origine de ces spécificités. A l’avenir, dans un contexte de changement climatique qui pourrait permettre la culture du maïs en montagne, les éleveurs devront veiller à conserver une part importante d’herbe de prairie permanente pour alimenter leur troupeau, s’ils veulent préserver la spécificité du lait qu’ils produiront.

 

*L’usage du terme « produit de montagne » est réservé aux produits alimentaires qui sont produits et transformés en montagne (règlement (UE) nº 1151/2012). Les zones de montagne sont définies en France depuis 1985 selon deux critères principaux : l’altitude minimale (600 m) et/ou la dénivellation (>400 m) au sein de la commune.

 

 

 

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