illustration Sylvain Delzon, un génie branché
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Changement climatique et risques 6 min

Sylvain Delzon, un génie branché

Avec sa carrure de rugbyman australien et son allure de « farmer » nord-américain, Sylvain Delzon, est un écophysiologiste pure souche. Reconnu internationalement pour ses travaux en hydraulique et ses résultats sur la résistance à la sécheresse des arbres, ce robuste défenseur du sud-ouest fait évoluer à toute vitesse les recherches sur l’adaptation des forêts au changement climatique.

Publié le 08 novembre 2015

Un grand cru que l’année 2012 pour la recherche française en écophysiologie forestière ! Sylvain Delzon, jeune recrue de l’Inra Bordeaux-Aquitaine (unité Biodiversité, Gènes et Communautés), co-signe dans la revue Nature un article qui fera grand bruit. Une explication au dépérissement massif des arbres à travers le monde et la preuve qu’ils ont atteint leur limite face à la sécheresse. Ces résultats remarquables ont été obtenus à l’aide d’un engin bizarre : le cavitron.

Les lois de la cavitation

En à peine quelques années, ce grand gaillard brun très jovial a réussi à transformer le labo d’hydraulique de son unité en « hot spot » local de l’écophysiologie mondiale. Des chercheurs des quatre coins de la planète viennent au « caviplace » pour faire des mesures sur le matériel développé par cet hyperactif à l’esprit créatif. En moins de 20 minutes, un logiciel, le « cavisoft » couplé à une centrifugeuse « trafiquée » estime la courbe de vulnérabilité d’un conifère à la sécheresse. C’est ici qu’a été comparée la résistance à la cavitation de la moitié des 620 espèces de la planète et qu’est tombé le record du monde en 2015 : Callitris tuberculata, l'arbre le plus résistant est australien ! Depuis un an, un autre prototype unique, le « MegaCavitron», mesure les performances des arbres à vaisseaux longs (chênes et espèces tropicales) et des plantes cultivées comme la vigne.

Sur tous les fronts… de science

Le climat évolue à toute vitesse et fait bouger les lignes de  répartition des forêts. Au nord, le front de colonisation du chêne vert,  qui remonte inexorablement, « méditerranéise » le littoral atlantique. Au sud, le scientifique observe un déclin de croissance du hêtre : les populations du Piemont pyrénéen vivent déjà dans un climat plus chaud que leur optimum. Ces résultats, c’est dans le Sauternais, sur un ilôt le long de la Garonne, que Sylvain Delzon les récolte via des tests de provenances1 pour étudier le potentiel et la vitesse d’adaptation de populations de chêne, hêtre et sapin. « Ce qui est remarquable chez Sylvain, témoigne Christophe Plomion, directeur adjoint EFPA2, c’est qu’il est capable de fournir l’explication de la variabilité génétique des caractères d’intérêt adaptatif en interaction avec le changement climatique. C’est un leader d’une nouvelle discipline scientifique, l’écophysiologie évolutive ».

Mais pas de chemin tout tracé pour celui dont le prénom signifie « forêt » en latin... Fils d’agriculteur, lui-même fermier, passionné par les tracteurs, Sylvain aurait préféré étudier les plantes cultivées. Il tombe sous le charme de la forêt dans les montagnes rocheuses du Montana et dans les Pyrénées  pendant son post-doc avec le « Nobel » de la forêt et Laurier d’excellence Inra en 2011, Antoine Kremer. Le mentor ne cache pas sa joie de voir sa jeune pousse recevoir un Laurier : « Sylvain mobilise grâce à son enthousiasme, son dynamisme et son charisme. Il réussit à donner un souffle à ses recherches dans la continuité de l’esprit du labo. »

Transmission et relance

Comme quand il jouait arrière de rugby à Agen, Sylvain Delzon court partout. Déjà 71 publications scientifiques à son actif dont 50 depuis son arrivée à l’Inra ! Il impulse énergie et bonne humeur à cinq post-doc, quatre thésards, un ingénieur, plusieurs techniciens(nes). Avec  trente heures de cours à l’université, l’ex-maître de conférences est encore très investi dans l'enseignement. Il a fondé avec son collègue et complice Hervé Cochard une revue scientifique alternative Journal of Plant Hydraulics. Sourire large, regard franc, les bras croisés sur la poitrine, Sylvain avoue être impressionné de recevoir ce prix de l’Inra, « l’institut dans lequel je me sens à l’aise pour faire les recherches que j’aime, à l’interface entre écologie et agronomie. L’Inra privilégie la modernité, l’ouverture, l’innovation. Et l’appui technique permanent, c’est un point fort pour un chercheur ».  

 

Et après ?

Après avoir fait le tour du monde pour prélever la moitié des 620 espèces de conifères de la planète, Sylvain Delzon planche sur plusieurs nouveaux projets à développer dans son unité :

  • Déterminer pour les plantes cultivées (blé, vigne…), les herbacées prairiales (trèfle, dactyle, fétuque) et les arbres tropicaux les mécanismes de résistance à la cavitation. Et bien sûr, sur la plante modèle fétiche des scientifiques, Arabidopsis T.;
  • Un projet qui lui tient  à cœur est de publier la plus grosse base de données sur la résistance à la sécheresse des conifères afin de comprendre l'évolution de cette résistance au cours de l'histoire évolutive de ce taxon. Pour compléter cette base de données, le scientifique envisage encore de recenser d’autres espèces au Vietnam, Laos, Cambodge et Yunnan;
  • Quantifier les capacités adaptatives des populations mais également déterminer les vitesses d'évolution de traits fonctionnels liés à la reproduction et à la survie afin de prédire les réponses des forêts aux changements environnementaux.

Equipe Sylvain Delzon
Sylvain Delzon, laurier Espoir scientifique de l'Inra 2015, entouré de l'équipe de son unité Biodiversité, gènes et communautés (Biogeco), à l'Inra Bordeaux-Aquitaine.

 

Patricia LéveilléRédactrice

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