Agroécologie 4 min

La structure du paysage, alliée de la lutte naturelle contre les ravageurs

Bois, haies, bandes enherbées...la structure du paysage influence la présence des ravageurs mais aussi celle de leurs ennemis naturels, les auxiliaires de culture. Une piste à privilégier : organiser les parcelles à la manière d’une mosaïque et développer une plus grande biodiversité cultivée.

Publié le 02 juillet 2020

illustration La structure du paysage, alliée de la lutte naturelle contre les ravageurs
© Air Papillon

Les paysages, complexes par nature

Comment favoriser la présence des ennemis naturels des ravageurs des cultures ?

Dans quelle mesure la composition des paysages impacte-t-elle l’abondance des ravageurs des cultures et de leurs ennemis naturels, oiseaux, syrphes, carabes, coccinelles... ? Depuis quelques années, les chercheurs INRAE s’échinent à répondre à cette question fondamentale. Pourtant, malgré l’amélioration des modèles mathématiques et statistiques, malgré la somme de connaissances et de données acquises jusqu’à aujourd’hui, ils n’obtiennent pas de résultats clairs. Ils ont bien identifié certaines des raisons qui déterminent l’abondance des ravageurs et des ennemis naturels, mais les résultats en termes de recommandations pour la protection des cultures ne sont pas aussi tranchés qu’espérés.
On sait maintenant que la grande majorité des ennemis naturels sont dépendants des habitats non cultivés, ce qui n’est pas le cas de la plupart des ravageurs. Et les études successives le confirment, plus un paysage intègre bois, haies et autres bandes enherbées, plus la variété et la quantité d’ennemis naturels présents dans les parcelles sont importantes. Autrement dit, plus le paysage est complexe, plus il compte d’ennemis naturels (et les ravageurs dans les parcelles n’ont qu’à bien se tenir !).

L'agriculture biologique ne favorise pas la présence des ravageurs...mais pas non plus celle de leurs ennemis naturels

Le problème, c’est que parfois une telle configuration de paysage est aussi favorable à certains ravageurs, qui fréquentent les habitats semi-naturels au cours de leur cycle de vie. Dans ces cas précis, la protection des cultures n’y gagne pas. Autre enseignement, un paysage présentant une forte proportion de parcelles en agriculture biologique compte autant ou plus d’ennemis naturels, et autant ou moins de ravageurs, qu’un paysage essentiellement exploité en conventionnel. Dit autrement, l’augmentation du bio dans le paysage n’augmente pas le nombre de ravageurs, ce qui est une bonne nouvelle pour les agriculteurs... mais elle n’augmente pas forcément non plus celui de leurs ennemis naturels. Enfin, les études montrent que l’organisation spatiale d’un paysage impacte la présence d’ennemis naturels. Par exemple, ils pourront parcourir l’ensemble d’un champ en longueur bordé de haies ou traversé par des bandes enherbées, au contraire d’une vaste parcelle carrée ou circulaire, dont le centre, trop éloigné des habitats semi-naturels, ne sera jamais visité.

Une mosaïque de cultures

L'homogénéité des cultures favorise la propagation des agents pathogènes

La biodiversité cultivée disponible n’est pas suffisamment exploitée. Ainsi, pour des raisons économiques ou organisationnelles, les coopératives mettent souvent à disposition des agriculteurs, une sélection réduite de variétés, alors que le catalogue en compte un très grand nombre. Par ailleurs, on observe en France une importante spécialisation des bassins de production qui privilégient, ici les céréales, là l’arboriculture ou les cultures maraîchères. Tout cela conduit à une simplification de la biodiversité à l’échelle spatiale, de la parcelle au paysage, mais aussi temporelle, au niveau des rotations des cultures. Les grands gagnants, dans ce contexte, ce sont les agents pathogènes, qui profitent de cette homogénéité pour se propager et s’adapter très rapidement aux cultures. Pour pallier ce problème, on recourt à un usage important de produits phytosanitaires.

Des modèles pour tester l’impact de l’organisation spatiale des cultures sur l’évolution des agents pathogènes

En utilisant des concepts empruntés à l’écologie et l’évolution, les chercheurs d’INRAE développent des modèles destinés à tester l’impact de l’organisation spatiale des cultures sur l’évolution des agents pathogènes. Le but étant d’identifier les configurations les plus à même d’entraver leur potentiel d’adaptation et leur dynamique démographique. Dans un premier temps, les modèles ont été employés pour opposer un hôte donné, le blé, le colza ou un cépage viticole, à son agent pathogène de prédilection. Les résultats ont par exemple montré qu’il était possible de cultiver une même variété de blé aux différentes échelles spatiales, à condition d’organiser les parcelles à la manière d’une mosaïque, et d’y planter « aléatoirement » des cultivars sensibles à la maladie, et d’autres dotés d’un gène de résistance. Cette configuration s’avère efficace pour ralentir la progression du parasite, tout en limitant la pression de sélection et donc le risque d’émergence de souches plus agressives.
Bien sûr, la méthode est d’autant plus efficace que la biodiversité cultivée est importante. En parallèle de ces travaux, les chercheurs observent les interactions entre les cortèges de parasites et les auxiliaires qui les combattent, ou qui contribuent à stimuler les défenses de l’hôte. Ils s’efforcent notamment de comprendre dans quelle mesure le paysage impacte l’ensemble des communautés, leur dynamique et leur évolution. Avec là encore le souci de fournir des pistes de réflexion à l’ensemble des acteurs impliqués dans la chaîne de production.


Voir la rubrique "One Health, une seule santé"

Philippe FontaineRédacteur

Contacts

Claire LavigneUnité de recherche Plantes et Systèmes de Culture Horticoles

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