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Vers des solutions bio-inspirées pour dégrader les fibres végétales

Développer l'utilisation de ressources renouvelables suppose d'arriver à mieux tirer parti de nos déchets végétaux ou des co-produits de nos cultures. Or la dégradation du bois et des fibres végétales n'est pas si facile ! Les chercheurs d'INRAE investiguent des solutions en s'inspirant de celles développées par les champignons filamenteux qui sont des champions du recyclage de la matière organique dans nos forêts... Entretien avec Bastien Bissaro, chercheur à l'unité Biodiversité et Biotechnologie Fongiques (BBF), Centre Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Publié le 02 juillet 2020

illustration Vers des solutions bio-inspirées pour dégrader les fibres végétales
© INRAE

La dégradation de la lignocellulose reste encore un enjeu pour développer l’usage de bioressources végétales alors que de nombreux travaux de recherche ont déjà permis des avancées sur ce point ces dernières années. Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Les champignons filamenteux ont eu des millions d’années de coévolution avec les plantes pour élaborer des stratégies de dégradation de la biomasse végétale

Extraire les briques élémentaires de biomasse végétale - constituée principalement de cellulose, mais pas uniquement ! - constitue en effet un enjeu majeur pour le développement de la bioéconomie. L’organisation de ces briques de base est très récalcitrante à la dégradation, c’est un atout majeur développé par les plantes pour se défendre, mais un défi pour nous ! Les champignons filamenteux ont eu des millions d’années de coévolution avec les plantes pour élaborer des stratégies de dégradation de la biomasse végétale. Nous avons donc beaucoup à apprendre des stratégies de ces champignons pour développer des procédés biotechnologiques efficaces. Les champignons filamenteux dégradeurs du bois sécrètent une multitude d’enzymes qu’il nous faut identifier et étudier en détail pour comprendre leur mode de fonctionnement et nous en inspirer pour créer ainsi des procédés bio-inspirés plus efficaces. En effet, cette dégradation dans la nature est un processus très long.

Quels sont vos principaux résultats dans ce domaine ?

En 2010, de nouvelles enzymes, les monooxygénases polysaccharidiques lytiques (en anglais, Lytic polysaccharide monooxygenases ou LPMOs) ont été découvertes et ont révolutionné notre compréhension de la dégradation de la biomasse. Elles sont déjà utilisées dans des cocktails enzymatiques industriels. Lors de mon premier séjour postdoctoral, j’ai découvert que ces LPMOs n’agissaient pas selon le dogme établi, ce résultat avait des répercussions majeures sur notre façon de mettre en œuvre ces enzymes, en particulier dans les procédés de bioraffinerie et aussi dans notre compréhension du réseau enzymatique déployé par les champignons filamenteux.

L’ensemble de l’unité Biodiversité et Biotechnologie Fongique a été à l’origine de la découverte de plusieurs nouvelles familles de LPMOs. Nous sommes en train de nous apercevoir que le rôle des LPMOs pourrait aller bien au-delà de leur rôle initialement identifié dans la dégradation de la cellulose, avec des découvertes majeures à venir notamment dans les processus de pathogénicités.

Vous êtes un jeune chercheur, qu’est-ce qui vous a conduit sur le chemin de ces enzymes ?

La route vers le monde des oxydoréductases s’est d’abord dessinée grâce à un contrat Jeune scientifique par l’Inra pour ma thèse de doctorat, suivi d’un post-doctorat. Ce soutien m’a permis de rejoindre un laboratoire sur les LPMOs en Norvège, qui m’a volontiers accueilli sur la base de ma curiosité pour cette famille d’enzymes. Le projet a ensuite été soutenu par le programme AgreenSkills porté par Agreenium. Ces opportunités, basées sur la confiance de l’institut, ont très clairement été un tremplin pour moi. C’est aussi pourquoi j’ai souhaité revenir en France, et en particulier à l’Inra, désormais INRAE.

Référence :
B. Bissaro et al., Molecular mechanism of the chitinolytic peroxygenase reaction.

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COMMUNIQUE DE PRESSE - Une équipe internationale pilotée par INRAE vient d’identifier une nouvelle famille de métalloprotéines chez les champignons filamenteux. Ces protéines ressemblent aux enzymes appelées LPMOs connues pour dégrader la cellulose. Ce sont des enzymes à cuivre découvertes en 2010 chez des bactéries et des champignons filamenteux. Leurs travaux sur l’activité biologique de cette protéine, parus le 13 janvier dans Nature Chemical Biology, ont révélé que la fonction semble avoir divergé vers des mécanismes liés à l’homéostasie du cuivre. En parallèle, une équipe aux Etats-Unis a découvert que cette protéine joue un rôle important dans le mécanisme de pathogénicité du champignon responsable de la méningite chez l’Homme.

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