Changement climatique et risques 2 min

Santé des plantes : moderniser la surveillance phytosanitaire pour anticiper et atténuer l'émergence de maladies et de ravageurs

Le changement climatique, la mondialisation des échanges, l’évolution des règlementations phytosanitaires, peuvent favoriser l’émergence de nouveaux bioagresseurs de végétaux, qui menacent non seulement les cultures agricoles, mais aussi la sécurité alimentaire mondiale, les écosystèmes et tout un pan de l'économie. Un article publié récemment dans la revue CABI Agriculture and Bioscience par des chercheurs d'INRAE, du Cirad et de l'Anses, souligne l'urgence de moderniser et de renforcer les systèmes de surveillance phytosanitaire pour faire face à ce risque majeur et dresse un panorama des recherches à mener en la matière.

Publié le 21 août 2024

illustration Santé des plantes : moderniser la surveillance phytosanitaire pour anticiper et atténuer l'émergence de maladies et de ravageurs
© INRAE, Bertrand Nicolas

Les systèmes actuels de surveillance des maladies des plantes, souvent basés sur la détection de symptômes visibles ou de ravageurs connus, montrent leurs limites. Ils peinent à répondre rapidement aux nouvelles menaces, qui se propagent de plus en plus vite à l'échelle mondiale. De plus, ces systèmes traditionnels ne sont pas toujours adaptés pour détecter des symptômes peu visibles ou des ravageurs encore inconnus.

Un collectif de recherche composé de soixante-cinq scientifiques d'INRAE, du Cirad et de l'Anses propose, dans un article publié dans la revue CABI Agriculture and Bioscience, un programme de recherche pour une surveillance phytosanitaire améliorée et modernisée afin d'anticiper et d'atténuer l'émergence de maladies et de ravageurs. Samuel Soubeyrand, chercheur à INRAE et co-auteur de cette étude, précise que « notre approche a intégré un large éventail de domaines scientifiques et identifié les principales lacunes du système actuel. Parmi ces lacunes, la surveillance est souvent implémentée dans un cadre restreint, avec des silos de pensées, d’approches, d’organismes vivants. Nous avons au contraire voulu élargir le cadre en liant plus étroitement la surveillance, l'anticipation et l'évaluation des risques, l’acquisition de connaissances, la collaboration multi-acteurs, y compris au-delà de la sphère agricole et forestière ». Les chercheurs ont ainsi identifié quatre grands axes de recherche pour améliorer la surveillance des émergences de bioagresseurs des plantes. 

Il est d’abord primordial d'anticiper l'émergence des ravageurs et pathogènes en développant des capacités de prévision innovantes. Cela suppose, entre autres, de prendre en compte la diversité des sous-espèces et leur potentiel d'adaptation, ainsi que les effets des changements climatiques et des systèmes de culture.  

Ensuite, l'utilisation d'outils de surveillance polyvalents à large spectre pourrait permettre une détection plus large et plus précise. Il s’agit ici d’outils ou de dispositifs basés par exemple sur les diagnostics moléculaires, l’imagerie et le suivi des réseaux sociaux assistés par intelligence artificielle, ou sur l’échantillonnage de milieux et d’organismes vivants jouant le rôle de sentinelles de la santé des plantes, mais aussi de la santé de l’environnement, des animaux et des humains. 

Les chercheurs plaident également pour étudier les organismes déjà répertoriés comme nuisibles de quarantaine ou prioritaires sous de nouvelles perspectives et approches, y compris des approches visant à améliorer leur diagnostic au niveau infraspécifique (détecter les variants plutôt que simplement l’espèce) et leur caractérisation. 

Enfin, il est essentiel de mettre en place des systèmes de surveillance coopératifs et inclusifs, basés sur le partage des informations et des données, y compris des données non initialement dédiées à la surveillance de la santé des plantes, afin de développer une surveillance plus intense des territoires et améliorer les systèmes d’alerte face aux émergences. 

L’équipe de recherche préconise une approche de surveillance sanitaire intégrée dans le contexte « One health » (une seule santé), prenant en compte ensemble et non pas séparément les problèmes de santé des plantes, des humains, des animaux et de l'environnement. Cette modernisation du système de surveillance phytosanitaire est nécessaire et urgente pour mieux protéger plantes, cultures et forêts afin, notamment, d’assurer durablement et efficacement la sécurité alimentaire mondiale.

Référence :  
Soubeyrand, S., Estoup, A., Cruaud, A. et al. Building integrated plant health surveillance: a proactive research agenda for anticipating and mitigating disease and pest emergence. CABI Agric Biosci 5, 72 (2024). https://doi.org/10.1186/s43170-024-00273-8

Arnaud RidelRédacteurDépartement Santé des Plantes et Environnement

Contacts

Samuel Soubeyrand ChercheurBiostatistique et processus spatiaux (BioSP)

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