Agroécologie Temps de lecture 3 min
Reconnecter élevage et culture à l’échelle d’un territoire
Rapprocher agriculteurs et éleveurs au sein d’un même territoire pour une agriculture plus durable, telle est l’ambition du jeu sérieux Dynamix basé sur une démarche participative. Des scientifiques du laboratoire Agroécologie, innovations et territoires (AGIR) du centre de recherche INRAE Occitanie-Toulouse ont publié la première étude de cas basée sur une méthodologie allant de la co-conception jusqu’à l’expérimentation des scénarios d'intégration agriculture-élevage dans le sud-ouest de la France.
Publié le 18 octobre 2022
Reconnecter culture et élevage représente un idéal théorique pour une agriculture durable en maintenant le niveau de production tout en limitant les impacts environnementaux sur les sols et la biodiversité. Cependant, les exploitations agricoles associant culture et élevage, dites de polyculture-élevage, ont diminué en grand nombre au profit d’activités spécialisées notamment par manque de main d’œuvre. Une alternative pertinente consisterait à rapprocher des exploitations spécialisées voisines pour mettre en place des scénarios locaux d’achat-vente (céréales, fourrage, fumier…) voire même pour partager des terres et d'autres ressources comme des travailleurs ou des équipements.
Afin de relever les défis techniques, organisationnels, économiques ou encore juridiques à cette intégration, des scientifiques ont développé le jeu sérieux Dynamix avec une approche participative.
Co-conception de scénarios d'intégration culture-élevage
La méthode, composée de 6 étapes, a été appliquée à deux groupes d’agriculteurs du sud-ouest de la France. Après avoir défini la problématique lors d’une première réunion de groupe, des entretiens ont permis d’identifier les motivations des différents acteurs et de collecter les données techniques et économiques de chaque exploitation. Puis, à l’aide du jeu Dynamix, qui intègre une cartographie permettant aux agriculteurs de se projeter sur leur territoire, des scénarios organisationnels et logistiques ont été co-construits puis évalués. À travers des critères tels que la marge brute globale, le bilan azoté ou encore la charge de travail, les différents scénarios ont été simulés et comparés au niveau de l’exploitation individuelle et du groupe.
Concrètement, il est apparu que les agriculteurs souhaitaient diversifier leurs systèmes de culture et utiliser par exemple le fumier produit par le voisin pour améliorer la qualité de leur sol. Les éleveurs étaient intéressés par une alimentation locale et sans OGM pour leurs animaux. Le scénario retenu comprenait :
- L'insertion de mélanges de céréales et de légumineuses dans les rotations de cultures des exploitations agricoles pour être vendues aux exploitations d'élevage ;
- Le transfert du fumier des exploitations d'élevage vers les exploitations de culture.
Les compromis entre les avantages individuels des exploitations et ceux du groupe se sont traduits par une plus grande autonomie locale en matière d’engrais minéral et d’alimentation animale mais une autonomie moindre en matière de prise de décision. Ceci étant lié à la mise en place d’une organisation collective plus poussée et à la prise en charge de la logistique des flux de matière par les agriculteurs. Dans les deux groupes, les discussions ont amélioré la confiance, ingrédient clé pour la transition vers l'intégration agriculture-élevage au-delà d’une même exploitation.
Du scénario au terrain
Plusieurs groupes se sont constitués au fur et à mesure du processus selon les visions communes et les besoins identifiés grâce à cette approche participative. Dans chaque groupe, la vision collective et la solidarité autour de leur projet ont permis de prendre les décisions critiques à chaque étape.
Appuyés par des partenaires (instituts techniques, coopératives locales, etc.), les agriculteurs ont pu s’engager dans des expérimentations en testant notamment l’introduction de lupin (légumineuse) et de méteils (mélanges) céréales-protéagineux. Un soutien juridique a également été apporté pour le pesage des cultures et la rédaction des factures. De plus, l’implication d’agriculteurs locaux a joué un rôle moteur pour encourager d’autres agriculteurs à s’engager et rester impliqués dans le projet.
Fruit d’une démarche initiée en 2015, l'application de cette approche participative basée sur le jeu sérieux Dynamix à une étude de cas a révélé son fort potentiel pour aborder la question complexe de l’intégration culture-élevage sur plusieurs exploitations agricoles. Cette méthode a pu facilement être étendue à d'autres cas d'intégration agriculture-élevage comme les systèmes ovins-viticulture en France et en Californie. Elle sera bientôt adaptée à la production de biogaz au Danemark et au pâturage de couverts en Ecosse, ce pourquoi d'autres développements du jeu seront nécessaires.
Référence bibliographique :
Ryschawy J., Grillot M., Charmeau A., Pelletier A., Moraine M., Martin G., 2022. A participatory approach based on the serious game Dynamix to co-design scenarios of crop-livestock integration among farms. Agricultural Systems 201, 103414.