Réaliser un diagnostic de la santé des abeilles en traduisant leurs phéromones

Suivre la santé des abeilles en utilisant les messages chimiques qu’elles produisent

L’apiculture nous a appris que la qualité du miel reflétait radicalement la santé des abeilles. Une contamination par un polluant comme des pesticides ou des fongicides transforme profondément tous les produits de l’abeille, mais ce n’est que la conséquence. Or, aujourd’hui la filière apicole détient seulement des procédés indirects pour suivre la santé des abeilles. Les capteurs de poids, de température, d’humidité ou encore de géolocalisation sont notamment utilisés par la base connectée inventée par Label Abeille qui se positionne sous les ruches. Ces capteurs sont efficaces pour le bon suivi d’une ruche à distance, mais ne permettent pas encore de prévenir suffisamment les apiculteurs sur les maladies ou famines, malgré un suivi sanitaire régulier. Sans ces méthodes, l’apiculture reste rudimentaire et demande aux apiculteurs des déplacements réguliers.
Hormis ces procédés indirects, les seules solutions disponibles restent très intrusives et sont obtenues par des analyses en laboratoire spécialisé. Pour obtenir des résultats concrets, certaines abeilles sont sacrifiées, moyennant un coût financier important. Un comble pour les apiculteurs dont le métier est d’élever des colonies et de favoriser leur croissance dans un contexte économique souvent difficile, sans compter le temps nécessaire à ces analyses et de toute façon l’intervention reste toujours très en aval des problèmes rencontrés.
Une autre question ressurgit régulièrement : le manque de données dans la filière apicole qui est dû à plusieurs facteurs. L'apiculture en amateur se développe en France, mais les ruches ne sont pas toujours déclarées et la production de miel manque de traçabilité. De plus, l’apiculture d’aujourd’hui, forte de pratiques ancestrales, peine à faire sa transition numérique pour devenir une apiculture moderne bénéficiant des dernières avancées du numérique et des technologies de l’intelligence artificielle.

Ainsi, pour répondre à ce manque de données et à la mortalité des abeilles, Christophe Cordella a créé un dispositif électronique permettant de mettre à profit les messages chimiques produits au sein de la ruche par les abeilles pour en tirer une information utile à la prophylaxie apicole. Cette innovation ouvre de nouvelles perspectives pour exploiter l’information chimique issue des abeilles et l’impact de la qualité de l’environnement sur la santé de l’abeille.

Comprendre les abeilles sans méthode invasive

Rappelons qu’une phéromone est un composé sémiochimique qui transmet aux autres organismes des informations pouvant influencer la physiologie et les comportements d’une même espèce. Dans certaines situations, les abeilles subissent des changements physiologiques importants, notamment dus à des pathologies ou à des effets toxiques de l’environnement. Tout comme l'homme transpire en période de stress, les abeilles sécrètent des phéromones et d’autres composés chimiques. Cette production de composés organiques volatils est détectable, et a été prouvée en laboratoire par Christophe Cordella grâce à des analyses en chromatographie gazeuse qui est une technique permettant l’analyse de l’odeur. Par ailleurs, il a récemment publié une étude montrant que les effets des pesticides sur la physiologie de l’abeille pouvaient être détectés en spectroscopie de fluorescence. Ainsi, il a pu faire le lien entre les modifications physiologiques dues à la présence d’un pesticide et l’expression de cette intoxication à l’extérieur du corps des abeilles. Il a mené plusieurs études avec des capteurs gaz pour déterminer quelles molécules (dont les phéromones) sont émises, dans quelles situations. Par cette méthode, il a pu faire correspondre les types de molécules émises avec des situations incommodes voire critiques pour les abeilles comme la baisse de nourriture jusqu’à la dénutrition complète. Christophe Cordella, soutenu par INRAE et Label Abeille, est parvenu à déterminer à quel moment les abeilles manquent par exemple de nourriture ou font face à des maladies.

Ces résultats concluants en laboratoire combinés aux développements d’algorithmes du domaine de l’intelligence artificielle, ont permis de fabriquer un prototype de laboratoire. Dans les mois qui viennent, Label Abeille devra éprouver ce premier modèle directement sur le terrain. Ces expérimentations permettront d’affiner les résultats en prenant en compte l’environnement extérieur en milieu réel. 
L’innovation de Christophe Cordella alliée au savoir-faire du Label Abeille pourrait profondément étendre la compréhension de l’abeille.

Une solution technique innovante pour la filière apicole

L’objectif du partenariat entre Label Abeille et INRAE est de rendre accessible cette invention et de la commercialiser pour que les apiculteurs puissent réagir en amont d’un essaimage, d’une mortalité, d’une maladie ou d’une intoxication. Ces capteurs seront reliés à la base connectée commercialisée par Label Abeille pour assurer un suivi prédictif, précis et disponible via une application web et mobile. Pour les ruches installées en entreprises, les collaborateurs pourront mieux comprendre les enjeux de la sauvegarde de l’abeille via ces nouvelles données par l’accès à l’application. Pour aller encore plus loin, cette innovation combinée aux capteurs Label Abeille pourrait développer une intelligence artificielle alliant les floraisons, les messages transmis par les abeilles, et la géolocalisation pour prévoir la quantité des futures miellées.
Ce nouveau bio-indicateur qui ambitionne de révolutionner le monde apicole, peut avoir d’autres champs d’applications liés à l’environnement ou le médical, comme mesurer la qualité de l’air avec l’arrivée des pollens, la pollution… L’abeille étant très sensible au biotope, la bio-surveillance joue un rôle majeur pour vérifier la santé de ses ruches sur son smartphone et recevoir des conseils prédictifs.