Quelles actions pour une alimentation compatible avec des systèmes alimentaires durables en France ?
Entre septembre 2021 et juillet 2022, le groupe de concertation du Conseil national de l’alimentation a analysé les tendances en matière de comportements alimentaires à la lumière de la nécessaire transition vers des systèmes alimentaires durables. Présidé par Pascale Hébel, directrice associée de C-Ways, et vice-présidé par Fabrice Etilé, directeur de recherche INRAE et professeur à l’École d’économie de Paris, le groupe était composé de représentants de professionnels, de la société civile, de décideurs publics et d’experts. Son travail a permis de fixer des objectifs communs et de formuler une série de recommandations.
Publié le 18 juillet 2022

Les comportements alimentaires, à la croisée de multiples enjeux sociétaux, sanitaires et environnementaux, connaissent de fortes évolutions. En France, ils se sont largement transformés, notamment en raison des changements de mode de vie, de la mondialisation des échanges, des modifications de l’offre alimentaire. Les attentes de la société vis-à-vis de la qualité de l’alimentation et des modes de production agricoles sont plus fortes. Depuis une dizaine d'années, les citoyens prennent en compte les enjeux relatifs à la durabilité de l’alimentation et modifient leurs comportements alimentaires.
Une réflexion collective pour favoriser des comportements alimentaires durables
À l’origine de ce travail du Conseil national de l'alimentation (CNA) se trouve le besoin de mieux identifier les nouveaux comportements alimentaires et de comprendre les logiques sociétales qu’ils reflètent. Son but est de proposer des pistes d’action et des modalités d’adaptation permettant aux acteurs de l’alimentation de promouvoir les comportements en cohérence avec l’objectif général de transition vers une alimentation durable. Le travail du groupe de concertation s’est décliné autour d’un triple objectif :
- dresser un état lieux des « nouveaux comportements alimentaires » ;
- identifier les nouveaux comportements ayant un impact structurant pour la durabilité des systèmes alimentaires ;
- proposer des solutions opérationnelles permettant d'anticiper les évolutions des comportements alimentaires, de répondre aux attentes sociétales et aux besoins de régulation de ces comportements.
Une cinquantaine de recommandations pour répondre à quatre enjeux identifiés
Pour élaborer l’avis publié le 6 juillet 2022, le groupe de concertation du CNA a mobilisé une approche systémique de l’alimentation. Éclairé par des auditions de scientifiques de spécialités diverses, il a pris en compte l’influence de l’amont de la chaîne et de l’environnement alimentaire sur la durabilité des comportements alimentaires et sur leur évolution. Les notions d’« une seule santé » et de « système alimentaire durable » ont été centrales dans ce travail. Enfin, les dimensions économique, sociale, environnementale, éthique et nutritionnelle de la durabilité ont été considérées comme indissociables.
Quatre enjeux majeurs sont au cœur de l’avis du fait de leur influence sur la durabilité des comportements alimentaires et de la probabilité que leur importance s’accentue dans les années à venir :
- l’enjeu du rééquilibrage entre les catégories d’aliments d’origine animale et d’origine végétale, en particulier à travers la modération dans la consommation de viande ;
- l’enjeu du développement de modes de production et de logistique plus durables, équitables et limitant le gaspillage alimentaire ;
- l’enjeu de l’encadrement et du développement des outils numériques afin de favoriser des comportements alimentaires durables ;
- l’enjeu relatif aux contraintes (accessibilité, temps, prix, représentations culturelles, etc.) limitant les possibilités de transition vers des systèmes alimentaires durables.
Pour faciliter l’adaptation des acteurs de la chaîne alimentaire et des politiques publiques en faveur d’une alimentation compatible avec des systèmes alimentaires durables en France, le Conseil national de l'alimentation (CNA) propose des recommandations opérationnelles en réponse à ces 4 enjeux. Parmi celles-ci, 12 recommandations clés ont été priorisées.
Aperçu des 12 recommandations clés
A – Mieux éduquer et informer sur les pratiques alimentaires et les modes de production cohérents avec les objectifs de transition vers des systèmes alimentaires durables
A.I. Redéfinir les repères nutritionnels officiels adaptés à chaque âge de la vie et à l’activité physique de manière à prendre en compte les enjeux de durabilité.
A.II. Mettre en place des campagnes d’information à destination du grand public pour encourager le rééquilibrage dans la consommation de produits animaux et végétaux.
A.III. Inscrire des actions éducatives sur l’équilibre alimentaire et l’alimentation compatible avec la durabilité des systèmes alimentaires en général, et notamment sur le rééquilibrage entre la consommation de produits d’origine animale et végétale, dans le programme de l’Éducation nationale et de formation des enseignants, en assurant l’allocation des moyens financiers et humains nécessaires pour les écoles.
B – Garantir l’information sur les qualités des produits et mieux informer les consommateurs
B.I. Mettre en place un dispositif d’affichage environnemental qui encourage le rééquilibrage entre la consommation de produits d’origine animale et végétale et la consommation des produits issus des modèles agricoles durables.
B.II. Renforcer l’encadrement de la publicité et le marketing alimentaire diffusés sur les réseaux sociaux et sites internet à destination des plus jeunes afin de limiter la promotion de produits peu compatibles avec des systèmes alimentaires durables.
C – Accompagner et donner les moyens à la restauration collective d’être un levier des transformations des pratiques alimentaires
C.I. Renforcer la formation continue et initiale des professionnels de la restauration collective publique et privée sur plusieurs aspects de durabilité et de nutrition.
C.II. Mettre en place, développer et réformer l’accompagnement économique de la restauration collective pour lui permettre d’atteindre l’objectif d’introduire au moins « 50 % de produits durables et de qualité dont 20 % de produits biologiques ».
D – Promouvoir les pratiques de production, de transformation et de commercialisation contribuant au développement d’une offre de produits issus de méthodes de production respectueuses de l’environnement, du bien-être animal et de la santé humaine, en limitant le gaspillage alimentaire
D.I. Rééquilibrer progressivement les aides et subventions publiques pour soutenir les modes de production en faveur de l’environnement, de la qualité nutritionnelle et du bien-être animal.
D.II. Défendre la mise en œuvre au niveau européen de mesures de protection des produits agricoles et alimentaires vis-à-vis de la concurrence des produits importés ne respectant pas les normes sanitaires et environnementales européennes ; et réduire les exportations des produits issus de modes de production non durables.
D.III. Développer l’offre commerciale de produits et plats à base d’aliments d’origine végétale, favorables à des systèmes alimentaires durables, peu transformés, de bonne qualité nutritionnelle et simples à cuisiner.
E – Développer la recherche sur les dynamiques alimentaires en cours pour lesquelles le CNA estime les travaux de recherche insuffisants
E.I. Développer la recherche publique pour mieux identifier les régimes combinant plusieurs caractéristiques de durabilité.
E.II. Développer la recherche publique sur l’impact des réseaux sociaux comme leviers pour diffuser une information vérifiée et régulée et sur leur rôle dans l’évolution des comportements alimentaires, en particulier chez les enfants et les adolescents.
Consulter les 12 recommandations prioritaires (résumé)
Consulter Avis N°90 – 07/2022 – Nouveaux Comportements Alimentaires
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Le Conseil national de l'alimentation est une instance consultative indépendante
Le CNA est une instance consultative indépendante, placée auprès des ministres chargés de l'Environnement, de la Santé, de la Consommation et de l’Agriculture. C'est un outil d'aide à la décision publique. Il est consulté sur la définition des politiques publiques de l'alimentation et émet des avis à l'attention des décideurs publics et des différents acteurs de la filière alimentaire sur des sujets tels que la qualité des denrées alimentaires, l'information des consommateurs, l'adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels, la sécurité sanitaire, l'accès à l'alimentation, la prévention des crises, etc.
« Parlement de l'alimentation », le CNA organise la concertation entre acteurs de la filière alimentaire et des débats citoyens
Positionné comme un « parlement de l'alimentation », le CNA développe depuis plus de 35 ans un processus de concertation intégrant les préoccupations des filières et de la société civile. Réalités du monde professionnel et attentes des consommateurs entrent ainsi en compte dans les débats.
Tous les avis du CNA sont consultables et téléchargeables sur le site www.cna-alimentation.fr