Agroécologie 2 min

Une protéine manipule une enzyme du système immunitaire de la plante pour mieux l’infecter

Les cultures agricoles subissent chaque année de lourdes pertes provoquées par des maladies comme le mildiou, un agent pathogène qui détourne habilement les défenses naturelles des plantes. Une équipe de recherche internationale a récemment étudié les interactions moléculaires entre les plantes et le mildiou afin de comprendre comment ce dernier parvient à neutraliser le système de défense des végétaux en injectant différentes molécules. Leur objectif : percer les secrets de ce redoutable « cocktail » moléculaire et ouvrir la voie à des solutions durables pour protéger les cultures.

Publié le 18 novembre 2024

© INRAE, Christine ABELARD

Le monde agricole subit régulièrement d’importantes pertes de récoltes à cause de maladies infectieuses provoquées par des micro-organismes. L’une des plus redoutables reste le mildiou de la pomme de terre, Phytophthora infestans, responsable de la terrible famine qui a ravagé l’Irlande au XIXème siècle. Pour lutter efficacement contre ce fléau, des chercheurs se sont intéressés à la stratégie moléculaire que cet agent pathogène utilise pour infecter les plantes.

Les agents pathogènes produisent et sécrètent un « cocktail » de molécules, appelées « effecteurs », capables de cibler les mécanismes de défense des plantes. Parmi ces effecteurs, le mildiou utilise la protéine PiE354 pour s’attaquer à une enzyme végétale nommée TOPGAP, essentielle pour l’acheminement des défenses immunitaires de la plante. Les chercheurs ont mis en évidence que PiE354 n’empêche pas TOPGAP de fonctionner ! Au contraire, elle la rend plus efficace, un processus qui finit par désorganiser le système immunitaire de la plante, en perturbant notamment un élément clé dans la défense de l’hôte. Coordonnée par l’Imperial College de Londres, cette étude publiée dans la revue Science Advances le 4 octobre 2024 est le fruit d’une étroite collaboration scientifique entre laboratoires américains, britanniques et français.

Pour mieux comprendre cette attaque moléculaire, l’équipe de recherche internationale a utilisé une plante modèle d’origine australienne, Nicothiana benthamiana, une espèce de tabac idéale pour les expériences en laboratoire. Grâce à des protéines fluorescentes, ils ont pu observer en temps réel au microscope la progression des infections et les interactions moléculaires dans les feuilles. Ils ont également eu recours à la modélisation informatique pour décrypter ces mécanismes et envisager par la suite le développement de solutions durables contre ces maladies des plantes qui menacent la sécurité alimentaire dans le monde.

Référence : Yuen et al., A pathogen effector co-opts a host RabGAP protein to remodel pathogen interface and subvert defense-related secretion. Sci. Adv.10, eado9516 (2024). DOI: 10.1126/sciadv.ado9516

Arnaud RidelRédacteurDépartement Santé des Plantes et Environnement

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