Alimentation, santé globale 5 min

Prendre en compte les effets des pesticides dans les procédures réglementaires

Ces dernières années ont été marquées par la montée des controverses liées à l’impact des pesticides sur la santé et l’environnement. Une étude récente d'INRAE met d'ailleurs en avant l'effet cocktail des pesticides sur des rats. Les procédures d’autorisation de leur mise sur le marché posent également question : comment améliorer la prise en compte des effets des pesticides sur la santé et l’environnement dans les procédures réglementaires ?

Publié le 01 juillet 2020

illustration Prendre en compte les effets des pesticides dans les procédures réglementaires
© INRAE

L’effet cocktail des pesticides

Pesticides : même exposition, effets différents sur les rats mâles ou femelles

On le suspectait, mais une nouvelle étude d’INRAE le confirme : l’exposition à un mélange de pesticides provoque des perturbations métaboliques chez les mammifères. Durant un an (soit l’équivalent de trente ans chez l’humain), les chercheurs ont nourri des rats à l’aide d’aliments contenant un cocktail de six pesticides utilisés dans les pommeraies, en France et en Europe. La surprise provient du fait que la réaction à l’exposition prolongée diffère suivant le sexe de l’animal. Tous les mâles, en plus de se retrouver en surpoids, ont développé un diabète de type 2 (hyperglycémie chronique) et une stéatose (accumulation de graisse dans le foie). Au contraire, les femelles ont montré des perturbations hépatiques se traduisant par un stress oxydant, ainsi qu’une modification de l’activité du microbiote intestinal, dont les conséquences restent à déterminer. Même exposition, effets différents, voilà qui pose question. En comparant l’expression des gènes qui codent pour les systèmes de détoxification, les chercheurs ont constaté que chez les mâles celle-ci s’effectuait principalement au niveau du foie, ce qui n’était pas le cas chez les femelles. Ils pensent que la détoxification pourrait dans ce cas s’effectuer au niveau intestinal, et peut-être par le microbiote. Autre hypothèse, les oestrogènes pourraient assurer un rôle protecteur vis-à-vis du développement de certaines pathologies métaboliques. Quoi qu’il en soit, ces résultats confirment ceux obtenus par l’étude NutriNet-Santé de 2017, qui montrent que les individus consommant une proportion importante d’aliments issus de l’agriculture bio, ont une probabilité moindre de présenter des maladies métaboliques. Les chercheurs poursuivent à présent leurs travaux afin de mesurer l’impact de l’exposition aux pesticides pendant la gestation et la lactation sur la santé de la descendance.

L’étude des pesticides à 360°

Éclairer les procédures de mise sur le marché des pesticides

Ces dernières années ont été marquées par la montée des controverses liées à l’impact des pesticides pour la santé et l’environnement, mais aussi sur les procédures d’autorisation de leur mise sur le marché. Pour tenter de les éclairer, des chercheurs d’INRAE et d’autres organismes ont constitué un consortium associant économie, agronomie, histoire, sociologie, toxicologie, écotoxicologie, épidémiologie et chimie, autour d’un cas d’étude sujet à controverse : les fongicides SDHI. Ces molécules empêchent le développement de champignons affectant les cultures, en bloquant la succinate déshydrogénase, une enzyme impliquée dans la respiration cellulaire. Mais ces SDHI ont aussi une action sur cette enzyme chez la plupart des êtres vivants, humain compris.
Dans le cadre de ce projet intégratif, le consortium pluridisciplinaire s’intéresse aux politiques publiques, en ciblant les procédures d’autorisation de mise sur le marché de pesticides. Il apparait en effet que les procédures réglementaires européennes n’évaluent pas directement le mécanisme des fongicides SDHI sur la respiration mitochondriale.
Quelles connaissances les procédures réglementaires mobilisent-elles pour évaluer les effets hors cible des pesticides ? Dans quelle mesure la recherche académique peut-elle apporter des données validées, dans quel délai et à quel coût ? Quelles stratégies adoptent les entreprises pour s’adapter aux procédures, et ces dernières influencent-elles le choix des produits présentés pour autorisation/homologation ?
En répondant à ces questions, les chercheurs espèrent identifier les moyens d’améliorer la prise en compte des effets des pesticides sur la santé et l’environnement dans les procédures réglementaires. L’étude comprend également un volet agroéconomique, qui vise à étudier les bénéfices de l’usage des pesticides pour les agriculteurs, et l’impact économique de la reconception des systèmes, dans le but de réduire leur usage.

Voir la rubrique "One Health, une seule santé"

Philippe FontaineRédacteur

Contacts

Laurence PayrastreUnité de Toxicologie Alimentaire

Le centre

En savoir plus

Agroécologie

Usages et alternatives au glyphosate dans l'agriculture française

Suite à la lettre de saisine des ministres de l’Agriculture et de l’Alimentation, de la Transition écologique et solidaire, de la Santé, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation du 2 novembre dernier, INRAE a remis le 30 novembre 2017 aux ministres concernés son rapport sur les usages et les alternatives au glyphosate dans l’agriculture française.

13 décembre 2019

Agroécologie

Alternatives aux pesticides chimiques : 24 organismes de recherche européens s’engagent sur une feuille de route ambitieuse

COMMUNIQUE DE PRESSE - Mobiliser les efforts de recherche pour accélérer la transition agroécologique répond à une forte demande des pouvoirs publics, des professionnels et de la société, en France comme en Europe. Pour faire face à ce défi majeur, repenser la manière dont la recherche doit être conduite et développer une stratégie commune de recherche et d’expérimentation non plus à une échelle uniquement nationale mais européenne est l’objet de la déclaration d’intention « Pour une agriculture sans pesticide chimique* ». Cette déclaration a été signée aujourd’hui par 24 organismes de recherche de 16 pays européens. Sous l’impulsion de l’institut français INRAE et de ses homologues allemands ZALF et JKI, cet engagement sans précédent permet la mobilisation de toute une communauté de recherche autour d’une vision partagée d’une agriculture sans pesticide chimique. Cette déclaration formalisée à l’occasion du Salon International de l’Agriculture le 23 février, avec le soutien des ministères français en charge de l'agriculture et de la recherche, et en présence d'Amélie de Montchalin, Secrétaire d'Etat aux Affaires Européennes, assoit la mise en place d’une alliance européenne de recherche qui finalisera une feuille de route et la présentera prochainement à la Commission Européenne pour contribuer au Pacte Vert pour l’Europe.

23 février 2020

Biodiversité

Concurrence alimentaire entre abeilles sauvages et domestiques

COMMUNIQUE DE PRESSE - Des chercheurs de l'Inra démontrent l'impact de la concurrence alimentaire des colonies d'abeilles domestiques sur les abeilles sauvages en milieu naturel. Ces travaux révèlent l’existence d'une zone d'influence autour de chaque rucher et peuvent être mis à profit pour organiser la cohabitation entre les différentes populations d'abeilles

21 décembre 2019