Changement climatique et risques 4 min
Précieuses clémentines
Consommée de novembre à fin janvier, la clémentine est le fruit star de la saison. Pour veiller à son adaptation au changement climatique, INRAE travaille en partenariat avec la filière. Afin de protéger les caractéristiques de ce précieux fruit, les scientifiques INRAE de San Giulianu en Corse étudient la génétique, l’agronomie et les mécanismes biologiques en œuvre dans l’élaboration de l’acidité, en s’appuyant sur la première collection mondiale de ressources génétiques de mandarines et clémentines.
Publié le 19 février 2020 (mis à jour : 02 décembre 2021)
Rois de l’accumulation des acides, les agrumes stockent dans leurs cellules des sacs à jus très acides
Née de l’union fortuite d’une fleur de mandarinier et d’oranger douce, la clémentine se distingue de la mandarine par son absence de pépins et par son côté plus acidulé. Cette acidité fonde la typicité de l’Indication Géographique Protégée « Clémentine de Corse ». « L’acidité est un exhausteur d'arômes. L’équilibre entre acides et sucres est essentiel. Rois de l’accumulation des acides, les agrumes stockent dans leurs cellules des sacs à jus très acides », explique Olivier Pailly, directeur de l’unité de recherche INRAE sur les agrumes. Avec son équipe de la station de San Giuliano de Corse, où sont conservées plus de 70 variétés de clémentines au sein d'une collection de 1 100 espèces et variétés d’agrumes, il décode les mécanismes en jeu dans la qualité des agrumes.
RECOLTE 2021 : UNE QUALITE CONFORME AU CAHIER DES CHARGES DE L'IGP
Grâce au travail conjointement engagé depuis de nombreuses années avec la filière agrumicole corse INRAE confirme, sur la base des tests d’acidité réalisés sur la récolte 2021, que la qualité de la Clémentine de Corse est conforme au cahier des charges IGP.
Lire le communiqué du 10 décembre 2021 >
Une agronomie protectrice d’acidité
Mais, depuis une quinzaine d’années, les chercheurs relèvent une diminution de l’acidité des clémentines : « le réchauffement climatique a un réel impact sur les clémentiniers ». En se penchant sur les mécanismes de la photosynthèse et de la respiration du fruit, les scientifiques se sont aperçu que les hausses des températures pendant la maturation du fruit, en automne, au moment où la lumière – nécessaire à la photosynthèse – baisse, accélèrent la respiration du fruit et entraînent une surconsommation d’énergie. Le fruit en vient alors à puiser dans ses réserves d’acide citrique.
Si les changements climatiques s’accentuent nous serons alors capables de proposer plus rapidement des variétés plus adaptées
Les chercheurs explorent plusieurs pistes agronomiques pour s’adapter au climat du futur. « Nous « revisitons » des résultats d’essais de variétés de clémentines dans le monde entier qui avaient été mis en place à l’initiative des chercheurs de San Giuliano, depuis plus de 40 ans parfois, dans la cadre de partenariats internationaux pour dénicher (entres autres) des variétés plus acides et tardives. Si les changements climatiques s’accentuent nous serons alors capables de proposer plus rapidement des variétés plus adaptées » explique Olivier Pailly. L’équipe étudie également l’influence des pratiques agricoles sur l’acidité de leurs fruits.
Les recherches menées par l’INRAE de Corse visent à identifier des leviers permettant aux acteurs de s’adapter à ces changements tout en préservant la typicité des clémentines. Ces leviers sont de nature très diverse, allant des pratiques agricoles à la sélection de nouvelles variétés en partenariats avec les organisations professionnelles et à la gestion des récoltes. Sur ce dernier point, nous développons, avec la profession, un outil d'aide à la décision « Clemature » afin de prédire la qualité des clémentines et donc d'anticiper la gestion de la récolte. Les pratiques plus écologiques telles que l’enherbement des vergers, la fertilisation organique, la conduite de stress hydrique (réduction des apports d’eau d’irrigation) favorisent le maintien de la qualité du fruit, l’étalement des récoltes et ainsi contribue à l’adaptation au changement climatique et à la transition agroécologique.
UN OUVRAGE DE REFERENCE : The Genus Citrus
The Genus Citrus (Le genre Citrus), coordonné par M. Talon, M. Caruso et F.G. Gmitter. Cet ouvrage de référence, paru en janvier 2020 aux éditions Elsevier, présente en 538 pages l’ensemble des nouvelles connaissances acquises sur les agrumes. Des chercheurs de l’unité INRAE AGAP ont contribué à quatre des chapitres de l’ouvrage :
• La taxonomie des agrumes : Patrick Ollitrault, Franck Curk, Robert Krueger. 2020. Chapitre 4 : Citrus taxonomy. La classification des agrumes reste un problème très actuel car il en existe au moins trois différentes, régulièrement utilisées par les spécialistes du monde entier. Les auteurs proposent un nouveau concept pour la classification des agrumes basé sur un système tri-nominal, prenant en compte les dernières avancées des connaissances en génétique et phylogéntique.
• L’amélioration variétale traditionnelle : Marco Caruso, Malcolm W. Smith, Yann Froelicher, Giuseppe Russo, Frederick G. Gmitter, Jr. 2020. Chapitre 7 : Traditional breeding. Ce chapitre décrit les stratégies traditionnelles utilisées dans les programmes d’amélioration variétale à travers le monde et comment elles ont abouti à l'amélioration des variétés d'agrumes. L’obtention de variétés sans pépin reste un énorme défi pour les obtenteurs. Les méthodes disponibles pour cela sont compte-tenu de la nécessité de maintenir ou d'améliorer simultanément une multitude d'autres caractères d’intérêt. Les principales étapes menant à la production de porte-greffe performants sont ensuite décrites. L'importance de l'hybridation avec des agrumes apparentés pour introduire des gènes d’intérêt dans les programmes de sélection des greffons et des porte-greffe est soulignée. Les nouvelles maladies et les attentes croissantes des consommateurs présentent des défis supplémentaires pour les programmes d’amélioration. De nouveaux systèmes de phénotypage performants et des marqueurs moléculaires plus efficaces sont nécessaires.
• Les agrumes dans des conditions environnementales en constante évolution : Christopher Vincent, Raphaël Morillon, Vicent Arbona, Aurelio Gómez-Cadenas. 2020. Chapitre 13 : Citrus in changing environments. Les agrumes sont parfaitement adaptés aux conditions de production de trois grands types de climat (climat méditerranéen, tropical équatorial). Le changement climatique devrait les affecter, chacun de différentes manières. Dans ce chapitre, il est discuté des mécanismes de tolérance et de sensibilité aux contraintes associées à l'humidité du sol et de l'air, à la salinité, à la température et au taux de dioxyde de carbone ambiants. L'augmentation du taux de dioxyde de carbone ambiant devrait atténuer partiellement les pertes de croissance dues à la plupart des autres stress environnementaux. L'accès à une quantité et une qualité suffisantes d'eau d'irrigation est le principal obstacle à la production future. Il existe des possibilités d'amélioration du matériel végétal par la sélection ou le développement de nouvelle variétés commerciales avec une tolérance accrue au déficit hydrique du sol, ou à l’inverse aux inondations, à la salinité et aux températures extrême, élevées ou basses, le tout associé avec l’obtention des génotypes ayant de meilleurs taux de croissance en réponse à une augmentation du niveau de dioxyde de carbone.
• Salinité et stress hydrique : José M. Colmenero-Flores, Vicent Arbona, Raphaël Morillon, Aurelio Gómez-Cadenas. 2020. Chapitre 14 : Salinity and water deficit. Les agrumes sont principalement cultivés dans les régions arides et semi-arides en systèmes irrigués, ce qui pose des problèmes fréquemment associés au stress salin plutôt qu'au déficit hydrique. L'identification de nouveaux génotypes de porte-greffe qui combinent efficacement les mécanismes d'évitement du stress et de tolérance pour optimiser à la fois la production végétale dans des conditions environnementales défavorables et une récupération efficace après un stress représente un objectif important des programmes d’amélioration actuels et futurs.
UN OUVRAGE PRATIQUE
Les clémentiniers et autres petits agrumes
Né en Algérie à la fin du XIXe siècle, de l'union d'une fleur de mandarinier et d'un oranger, le clémentinier a été introduit en Corse en 1925. Devenu emblématique de la Corse et plus généralement du bassin méditerranéen, il a depuis fait le tour du monde et donné naissance à une extraordinaire diversité de fruits, encore mal connue sur nos marchés. Sélectionneurs, créateurs, les hommes ont influencé cette diversité et ont contribué à la popularité de ce petit agrume si particulier.
Les clémentines et autres petits agrumes représentent une production et un marché considérable, en pleine expansion. Cet ouvrage raconte l'histoire du clémentinier et présente la synthèse des connaissances actuelles sur le sujet (origine, diffusion, variétés, porte-greffes, évolution des marchés, physiologie, maladies biotiques et abiotiques, insectes ravageurs…). Il propose également des itinéraires techniques de conception et de gestion d'un verger, depuis la multiplication des plants jusqu’au conditionnement des fruits, en passant par les moyens de protection sanitaire et les techniques culturales.
La coordination éditoriale est réalisée par Franck Curk chercheur à l’Inra, Camille Jacquemond, chargé de mission à l’Inra et Marion Heuzet, ingénieur d'étude en arboriculture fruitière.
Edition Quae, 2013. 368 pages. 59,50 euros.