Alimentation, santé globale 2 min
Une possible prévention nutritionnelle pour limiter le risque de cancers liés au fer des produits carnés
Si de récentes données suggèrent que la consommation de fer alimentaire pourrait être associée à un risque élevé de cancer du sein, un régime riche en antioxydants semblerait efficace pour limiter ce risque. C’est ce que révèle une étude menée par des chercheurs d’INRAE et de l’Inserm1 publiée dans la revue Oncotarget. Ces nouveaux résultats confortent ceux déjà obtenus non seulement chez l’animal mais également sur le cancer du côlon. Les antioxydants de notre alimentation constitueraient donc une piste de prévention nutritionnelle pour limiter le risque de cancers induits par le fer des viandes et charcuteries.
Publié le 15 novembre 2016
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation Mondiale de la Santé a classé la consommation de charcuteries comme cancérigène pour l’Homme et la consommation de viandes rouges comme probablement cancérigène. Des travaux menés par des chercheurs INRAE de l’unité Toxalim, toujours en 2015 avaient révélé que le fer héminique de la viande rouge est le principal facteur en cause dans la promotion du cancer du côlon. Ils ont expliqué cet effet via une réaction de ce fer avec des lipides alimentaires aboutissant à la formation de composés délétères pour les cellules épithéliales coliques2. Sur la base de ces résultats, cette équipe INRAE a développé des travaux pour proposer une prévention nutritionnelle. Ils ont vérifié chez l’animal que l’ajout de calcium (agent capable de fixer le fer héminique) ou d’antioxydants (vitamine E, polyphénols) permettait de limiter in vitro l’effet promoteur du fer héminique, de la viande bovine et de la charcuterie.
Plus récemment, les scientifiques d’INRAE se sont rapprochés d’épidémiologistes de l'Inserm, notamment de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle1 qui a mené l’étude SU.VI.MAX (SUpplémentation en VItamines et Minéraux Anti-oXydants) pendant 8 ans sur près de 13 000 personnes. SUVIMAX est une étude d’intervention chez l’Homme avec des antioxydants à dose nutritionnelle versus placebo. Les travaux ont permis de montrer qu’une consommation importante de fer alimentaire est associée à un risque élevé de cancer du sein dans le groupe placebo (augmentation de 67%). Et cette association entre consommation de fer alimentaire et risque de cancer du sein disparaît dans le groupe supplémenté en antioxydants à doses nutritionnelles, c’est-à-dire proches de celles que l’on trouve dans le cadre d’une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes.
Ces résultats mettent donc en évidence un risque pour le cancer du sein qui pourrait être maîtrisé par les antioxydants de notre alimentation. Ils sont cohérents avec les données expérimentales de l’équipe INRAE de l’Unité Toxalim obtenues dans les modèles animaux et conforte l’hypothèse que les antioxydants de notre alimentation pourraient protéger contre le risque de promotion de cancer (du sein et du côlon) induite par le fer des viandes et charcuteries. Au croisement des recherches expérimentales et épidémiologiques, ces collaborations ont été stimulées par le réseau multidisciplinaire NACRe (National Alimentation Cancer Recherche ) qui fédère la recherche publique française dans le domaine Nutrition-Cancer. En France, 25 % de la population présente une consommation élevée de fer héminique (à savoir, plus de 500g de viande rouge par semaine). Pour cette population à risque spécifiquement, il semble donc important d’augmenter la part des antioxydants dans le régime, notamment sous forme de fruits et légumes.
1. Sont impliqués dans cette étude des chercheurs de l’unité Toxalim (INRAE, INP Toulouse, Université Paul Sabatier) et de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (Inserm, INRE, Université Paris 13, Cnam).
2. A central role for heme iron in colon carcinogenesis associated with red meat intake. Bastide, Chenni, Audebert, Santarelli, Taché, Naud, Baradat, Jouanin, Surya, Hobbs, Kuhnle, Raymond-Letron, Gueraud, Corpet, Pierre. Cancer Research, mars 2015. doi: 10.1158/0008-5472.CAN-14-2554.
La cohorte E3N gère une enquête prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies par questionnaires alimentaires depuis 1990. L’équipe INRE de Toxalim a collaboré avec l’équipe du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Inserm, Universités Paris sud et Versailles Saint-Quentin) de Gustave Roussy sur l’analyse des données de cette cohorte E3N. Leurs travaux ont montré qu’une consommation importante de fer héminique est associée à un risque plus élevé d’adénomes coliques chez les femmes de la cohorte (augmentation de 36% par rapport à une consommation normale) et qu’un statut antioxydant élevé du régime protège contre cette association positive.
Référence : Heme iron intake, dietary antioxidant capacity, and risk of colorectal adenomas in a large cohort study of French women. Nadia Bastide, Sophie Morois, Claire Cadeau, Suvi Kangas, Mauro Serafini, Gaelle Gusto, Laure Dossus, Fabrice H. Pierre, Francoise Clavel-Chapelon, and Marie-Christine Boutron-Ruault. 28 janvier 2016, Cancer Epidemiology biomarkers & Prevention. DOI: 10.1158/1055-9965.EPI-15-0724.