illustration Le partenariat et la valorisation au cœur d’un parcours d’ingénieur
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Société et territoires 3 min

Le partenariat et la valorisation au cœur d’un parcours d’ingénieur

Daniel Roybin est chargé de mission partenariat agriculture auprès des présidents des Centres INRAE Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes et Lyon-Grenoble-Auvergne-Rhône-Alpes. Il a animé plusieurs dispositifs de recherche en partenariat, d’abord dans le cadre du GIS Alpes du Nord, puis pour le programme PSDR (Pour et Sur le Développement Régional) et aujourd’hui pour le nouveau programme TETRAE (Transition en territoires de l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement) qui est cours de construction en Auvergne-Rhône-Alpes. Une expertise construite tout au long de sa carrière pour faire fonctionner des programmes d’intérêt pour l'Institut.

Publié le 08 avril 2022

Un nouvel ouvrage numérique vient d’être édité par le programme PSDR sous le titre « Produire ensemble des connaissances pour l’avenir des territoires ». Il regroupe une riche compilation d’entretiens, d’infographies, de vidéos, de résultats, qui permet de mieux saisir la singularité, la valeur et l’intérêt de ces programmes partenariaux pour notre institut. C’est l’occasion de revenir sur le parcours et  le travail d’ingénierie qu’effectue Daniel Roybin.

Daniel est tombé dans la marmite de la R&D et de la valorisation dès son mémoire d’ingénieur, dans le cadre d’un programme de recherche accompagnant la filière Beaufort en Savoie. C’est aussi grâce à ce produit de terroir qu’il a pris goût à travailler avec l’Inra (devenu INRAE). Pendant plus de 15 ans, il a ainsi poursuivi son engagement au sein du Groupement d’intérêt scientifique Alpes du Nord. Ce dispositif expérimental de Recherche Développement avait été monté dans les années 80 entre l’Inra, le Cemagref (devenu Irstea puis INRAE), la profession agricole et les filières fromagères sous signe de qualité des Alpes du Nord. Expérimental car on y discutait déjà du rôle de la recherche dans le projet de territoire, de changements dans les pratiques du développement et les pratique de recherche, de co-construction, du partenariat comme organisation nécessaire pour aborder la complexité du réel, d’apprentissages collectifs et de réorganisation des métiers (voir l’article sur le GIS Alpes du Nord en bas de page).

Quelle fut votre rencontre avec le programme PSDR ?

Tisser des liens entre chercheurs et acteurs du développement

D. Robyin : « J’ai repris l’animation du programme PSDR Rhône-Alpes en 2000 à la demande de Michel Sebillotte et Claude Béranger qui pilotaient alors le dispositif national.  Avec ce changement de maille territoriale, j’ai pu me rendre compte combien les partenaires du niveau régional (Région, DRAAF, Chambres d’agriculture) et le monde de la recherche étaient alors chacun dans leurs tours d’ivoire et que peu de constructions communes reliaient les deux parties. Il fallait convaincre et agir pour que les projets traduisent effectivement la notion de partenariat. Durant toutes ces années, j’ai appris à tisser des liens entre chercheurs et acteurs du développement, à affiner la notion de valorisation et à créer les conditions favorables à la production de connaissances scientifiques et opérationnelles, dites « actionnables » pour les acteurs du développement.  En termes organisationnels, cela se traduit en concertations avec les acteurs de la région pour discuter de thématiques prioritaires d’intérêt commun, en forums d’échanges chercheurs-acteurs, en journées d’ateliers pour accompagner la co-construction de projets, sans oublier les discussions portant sur les montages financiers. Dans l’animation de ces programmes partenariaux, les fonctions de facilitation et d’accompagnement sont primordiales».

Comment avez-vous fait de la valorisation une spécificité du programme en Auvergne-Rhône-Alpes ?

D. Robyin : « J’y ai toujours été sensible. Dans mes missions, il faut faire en sorte que les travaux de la recherche trouvent des utilisateurs et des utilisations. Et ce n’est pas si facile à faire car il y a souvent quelques maillons manquants.

Au début de l’aventure PSDR, au démarrage, on parlait davantage de diffusion de la recherche, sans se préoccuper beaucoup d’une véritable utilisation des résultats par les partenaires du développement.

Or, la valorisation est un maillon faible qui mérite d’être accompagné. C’est pourquoi j’accorde une attention toute particulière à ces actions. La valorisation est aussi bien une démarche que des livrables et elle ne peut se faire naturellement.

Les partenaires doivent se réapproprier les résultats de recherche

En tant qu’animateur, j’interviens dans l’appui et le soutien de ces démarches. A la naissance du projet, j’amène les chercheurs et les acteurs à réfléchir à ce vers quoi ils veulent aller, le type de livrables qu’ils sont prêts à construire, le type de résultats qu’ils pourraient obtenir. C’est un exercice d’anticipation très difficile car les recherches n’ont pas encore débuté. Tandis que du côté Recherche, l’exercice consiste à se projeter dans ce qu’on pourrait obtenir, je demande aux acteurs de penser à la façon dont ils pourraient s’en servir, comment s’en emparer, se réapproprier ces résultats. C’est notamment la question des livrables opérationnels – comme des outils ou des formations-, ou du travail de reformulations des résultats de recherche avec d’autres savoirs pour des valorisations opérationnelles. Finalement, j’aide à construire le design de futures productions. Il faut ainsi réfléchir en permanence et pendant tout le projet sur la manière dont on va utiliser les résultats ».

« Le partenariat n’aura de sens qu’en gardant en tête les différents attendus et les différentes fonctions que pourraient jouer chaque partenaire. S’agissant de la valorisation, chez les partenaires, je recherche la capacité à se réapproprier les résultats de recherche, ce qui suppose un exercice de déconstruction. Nous avons l’habitude de dire qu’à l’entrée du tunnel, les chercheurs s’emparent des questions des acteurs pour en faire des questions de recherche. Je considère qu’un même exercice doit être fait, à la sortie du tunnel : déconstruire les résultats de recherche pour les reconstruire sous une forme permettant la (ré)appropriation et l’utilisation de ces résultats par des acteurs du développement. In fine, je demande à ces partenaires d’être capables de porter les livrables opérationnels, co-construits avec les chercheurs et auxquels ils ont bien souvent contribué, au-delà du projet. C’est le meilleur moyen, selon moi, de faire perdurer les livrables opérationnels au-delà du projet. En ce qui me concerne, j’ai l’intime conviction que le projet aura ainsi d’autant plus de réussite et d’impact. Cela implique par exemple de mobiliser des centres de ressources, des centres de formation en mesure de porter les livrables et d’accompagner leur utilisation à l’issue du projet, mission qui me parait capitale.

Quant à moi, ma posture est d’accompagner ces démarches, j’ai un rôle de facilitateur dans le montage et dans le déroulement des projets et j’agis pour que la valorisation se construise effectivement. Je suis garant de la bonne mise en œuvre des processus de partenariat et de valorisation au sein des projets, de leur gouvernance et aussi des apprentissages collectifs nécessaires ».

Quels sont les nouveaux défis à relever dans la nouvelle programmation TETRAE qui fait suite à PSDR ?

D. Robyin : « Le changement de nom du programme marque l'ambition d'une production de connaissances qui devra favoriser et accompagner les transitions dans les territoires en répondant aux grands enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux propres à chaque région. Il y a aussi une volonté d’encourager les approches participatives et d’innovation ouverte avec les usagers. Cette ’évolution est en phase avec le monde actuel. De plus en plus, les dynamiques territoriales mettent en jeu des défis qui se situent à la jonction des dispositifs participatifs (différent de la question de partenariat) et de l’inclusion de nouveaux acteurs. Associer les acteurs de la société civile pour qu’ils participent, coopèrent et donnent leurs avis, devient une nouvelle manière de travailler sur les territoires.

Les collectifs citoyens sont des partenaires d’une autre nature que les partenaires traditionnels. Cela vient compléter le panel de ce qui existait auparavant et va profondément bousculer les pratiques de recherche. Dans des recherches qui se veulent partenariales, participatives, il est désormais impératif d’intégrer cette nouvelle composante.

Dans la quatrième génération du programme PSDR, certains projets travaillaient déjà avec des collectifs citoyens, mais cela restait une exception. Il faut maintenant parvenir à renforcer leur présence. Je pense que le programme TETRAE est en capacité de le faire, à travers des dispositifs tels que les Agro-living labs par exemple ».

 

Pour aller plus loin sur la conduite de recherches en partenariat :

Torre A., Wallet F., Nguyen Ba S., 2022. Produire ensemble des connaissances pour l’avenir des territoires : Le Programme Pour et Sur le Développement Régional. INRAE, PSDR, ISBN 2-7380-1444-5 — Code EAN 978 273 8014443. Lien : http://www.psdr.fr/PSDRfinal.php?categ=235&lg=FR

Roybin D., Fleury P., Beranger C., Curtenaz D., 2001. Conduite de recherches pluridisciplinaires en partenariat et apprentissages collectifs. Le cas du GIS Alpes du Nord. Natures, Sciences et Sociétés, vol. 9, n°3, 16-28. Lien :  https://www.nss-journal.org/fr/articles/nss/pdf/2001/03/nss20010903p16.pdf

 

(Propos recueillis par Sabine Nguyen Ba, responsable valorisation du programme PSDR, et par le Service communication du Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes)


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Daniel Roybin Chargé de mission Partenariat AgricultureSDAR

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Lancement de TETRAE en Auvergne-Rhône-Alpes - Appel à manifestation d’intérêt

TETRAE, "Transition en territoires de l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement", représente l’évolution des anciens programmes PSDR contractualisés en région. Il en reprend les principes fondamentaux. Le programme national TETRAE, cofinancé par INRAE et les Régions participantes, vise à stimuler une recherche finalisée et ancrée sur des partenariats avec les Régions et leurs territoires afin de répondre aux grands enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux propres à chaque région. Le Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes s'est prononcé en mai dernier pour le déploiement de ce programme dans notre région. Vous avez jusqu'au 30 juillet pour soumettre votre lettre d'intention si vous avez une idée de projet.

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