Agroécologie 10 min
Nitrate et croissance racinaire des légumineuses
Qualité des graines de légumineuses
Publié le 16 avril 2020
Le nitrate réduit la croissance de la racine primaire en empêchant l’accumulation des ROS au niveau de son apex
Le nitrate est un nutriment essentiel et une molécule signal qui contrôle la croissance des racines des plantes mais aussi la symbiose chez les légumineuses en ayant des effets opposés. Tandis qu’il favorise l’ancrage des légumineuses dans le sol par les racines secondaires, il empêche l’établissement de la symbiose avec des bactéries du genre rhizobium au niveau des racines. Diminuer la sensibilité des racines au signal nitrate pourrait donc permettre de garantir à la fois une installation homogène des plantes et un établissement de la symbiose chez les légumineuses quelle que soit la teneur en nitrate des sols, qui peut varier beaucoup.
Les espèces réactives de l’oxygène (ROS ; O2•−, H2O2 and •OH) gouvernent l’élongation des cellules nouvellement formées au niveau de l’apex des racines. En absence de nitrate, O2•−, produit à partir de O2, est converti en H2O2 puis en •OH. •OH qui casse les polymères des parois cellulaires permet un relâchement de celles-ci, un allongement des cellules et la croissance de la racine primaire.
L'équipe de l'unité IRHS a montré que le nitrate empêche l’accumulation des ROS et notamment de •OH au niveau de la racine primaire en augmentant l’activité peroxydase (POD) qui élimine H2O2 sous forme d’H2O et en diminuant l’activité peroxydase qui convertit H2O2 en •OH. L’action du nitrate a pu être démontrée par l’ajout de H2O2 exogène qui contrecarre l’effet inhibiteur du nitrate.
Il serait intéressant d’analyser si une installation homogène des plantes dans des conditions variables en nitrate allant de 0 à 5 mM, comme celles rencontrées au champ, peut être obtenue en présence de H2O2. Il serait également intéressant de déterminer l’impact de H2O2 sur l’assimilation du nitrate comme nutriment.
Partenaires : cette étude a été menée par l’unité IRHS à Angers, en collaboration avec la Faculty of Physical Chemistry et l’ Institute for Multidisciplinary Research de l’Université de Belgrade, Serbie
Financement : ce projet a été financé par le projet IONIS 2017–2020 du RFI Objectif Végétal de la Région des Pays de la Loire et la bourse de thèse de Lili Zang du « Scholarship Council » de Chine
Publication associée : Zang L, Morère-Le Paven MC, Clochard T, Porcher A, Satour P, Mojović M, Vidović M, Limami AM, Montrichard F (2020). Nitrate inhibits primary root growth by reducing accumulation of reactive oxygen species in the root tip in Medicago truncatula, Plant Physiology and Biochemistry 146, 363-373.
Qualité des graines de légumineuses
Carbonylation des protéines au cours de la maturation des graines chez Medicago truncatula.
A la fin du développement des graines de légumineuses (Figure 1), la phase de maturation est cruciale pour que la qualité germinative des graines soit optimale, conduisant à la production de plantes vigoureuses, garantissant ainsi le succès des cultures. Le retrait de l’eau de la graine durant sa maturation est un processus oxydant qui conduit à une carbonylation de certaines protéines. Pour mieux comprendre le rôle de cette modification oxydante qui dénature les protéines, nous avons comparé par protéomique le profil des protéines solubles carbonylées dans des graines d’une légumineuse modèle, Medicago truncatula, lors d’une dessiccation naturelle ou en cas de séchage prématuré, traitement connu pour nuire à la qualité des graines.
D’une façon inattendue, la carbonylation cible les mêmes protéines que le séchage des graines soit naturel ou prématuré. Cependant, le niveau de carbonylation de certaines protéines cibles dépend du mode de dessiccation. La plupart des 38 protéines carbonylées identifiées semblent en lien avec l'acquisition de la qualité germinative de la graine. Parmi ces protéines, PM34 (spots 35 et 36) est celle qui apparaît être la plus sensible à la carbonylation. Cette protéine, spécifique des graines mais de fonction jusque-là inconnue chez les Eudicotylédones, possède une activité cellulase chez M. truncatula. Inactivée massivement par carbonylation dans les graines matures de bonne qualité, elle pourrait être décarbonylée et jouer un rôle dans l'allongement des cellules au moment de la germination des graines et la croissance des plantules.
Ce travail a permis de mettre en évidence que le niveau de carbonylation des protéines dans les graines en maturation de Medicago truncatula dépend du mode de dessiccation, que PM34 a une activité cellulase et que la carbonylation de cette protéine joue un rôle dans l’expression de la qualité des graines de légumineuses. L’abondance ou l’état de carbonylation de PM34 pourraient être utilisés comme marqueurs pour évaluer la qualité des graines de plantes cultivées.
Partenaires : cette étude a été réalisée au sein de l’équipe SMS de l’UMR IRHS à Angers, en collaboration avec l'UMR MAP à Lyon.
Publication associée : Satour P, Youssef C, Châtelain E, Ly Vu B, Teulat B, Job C, Job D and F Montrichard (2018). Patterns of protein carbonylation during Medicago truncatula seed maturation, Plant Cell Environment.
Nitrate : absorption et/ou signalisation dans la plante ?
Le transporteur du nitrate étudié participe aux 2 fonctions à la fois chez le Medicago truncatula
La germination et l’installation de la plantule sont des phases critiques pour la plante. A ces stades, la modulation de l’architecture racinaire est un élément déterminant dans la capacité à coloniser et utiliser les ressources non uniformes du sol. Une étude de génétique quantitative nous a conduit à émettre l’hypothèse qu’un potentiel transporteur de nitrate, nommé MtNPF6.8, pourrait être impliqué dans l’inhibition, par le nitrate, de la croissance de la racine primaire chez Medicago truncatula. L’objectif de l’étude était de déterminer le rôle de MtNPF6.8 dans la plante : transport de nitrate et/ou implication dans la croissance racinaire via une signalisation par le nitrate ?
Une caractérisation fonctionnelle de la protéine MtNPF6.8, exprimée en système hétérologue (ovocytes de xénope), a montré qu’il s’agit d’un transporteur à double (haute et basse) affinité pour le nitrate. Qu’en est-il dans la plante ? L’absence d’expression de ce transporteur dans des mutants RNAi a révélé que MtNPF6.8 participe à l’absorption du nitrate exogène en tant que composante principale du système inductible de transport à basse affinité (iLATS). Ces mêmes mutants ont permis de montrer que MtNPF6.8 est impliqué dans la régulation par le nitrate de la croissance de la racine primaire via une voie de signalisation dépendante d’une phytohormone, l’acide abscissique (ABA). MtNPF6.8 joue alors un rôle de senseur de nitrate. Par ailleurs, la localisation de la protéine dans les tissus vasculaires et le fait que MtNPF6.8 transporte l’ABA (dans les ovocytes de xénope) suggère un rôle additionnel de translocation d’ABA, de la racine à l’hypocotyle.
Partenaires : ce travail a été réalisé au sein de l'équipe ALSA de l'UMR IRHS, dans le cadre de la thèse d’Anthoni Pellizzaro (Angers Loire Métropole, Conseil général de Maine-et-Loire) et du projet QUALISEM. Il a impliqué une collaboration avec le laboratoire RCIM (I Université d’Angers-Inra ) et bénéficié de l'infrastructure du plateau d'imagerie IMAC (SFR QUASAV, Angers).
Publication associée : Pellizzaro A, Clochard T, Cukier C, Bourdin C, Juchaux M, Montrichard F, Thany S, Raymond V, Planchet E, Limami AM, Morère-Le Paven MC (2014). The nitrate transporter MtNPF6.8 (MtNRT1.3) transports abscisic acid and mediates nitrate regulation of primary root growth in Medicago truncatula. Plant Physiology, 166, 2152-2165.