illustration  Mourad Hannachi, catalyseur de dynamiques collectives
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Société et territoires 5 min

Mourad Hannachi, catalyseur de dynamiques collectives

Chargé de recherche INRAE depuis 2013, M. Hannachi s’intéresse à la coopétition, un mélange de coopération et de compétition, et au bien commun. Dynamiques collectives et transdisciplinarité rythment ses travaux scientifiques comme ses activités au service des autres.

Publié le 02 juillet 2021

Diplômé de l’Institut national agronomique d’Alger, Mourad Hannachi est aujourd’hui chargé de recherche INRAE. Il travaille, dans le domaine des sciences de gestion, au sein de l’UMR Sciences pour l’action et le développement : activités, produits, territoires (INRAE, AgroParisTech) dont il est également directeur-adjoint. Un parcours à découvrir.

La coopétition, pour le bien commun

Parce que « nourrir le monde » lui paraissait être un problème de gestion et de partage des ressources plus qu’un problème de ressources, M. Hannachi, son diplôme d’ingénieur agronome en poche, s’est tourné vers les sciences économiques et humaines. Celles-ci lui ont permis d’étudier, à l’échelle des filières et du territoire, ces rapports entre les hommes autour de la gestion de biens communs. Comment peut-on gérer une ressource collective lorsque ce sont des acteurs en concurrence qui ont les cartes en mains ? Coopérer et être en concurrence, c’est de la coopétition pour le bien commun et ces concepts de « coopétition » et de « bien commun » rythment depuis de nombreuses années les travaux de recherche de Mourad. 

De l’innovation technique aux innovations organisationnelles

Au cours de sa thèse en sciences de gestion, M. Hannachi s’est intéressé aux impacts socio-économiques de l'introduction des OGM dans les filières et aires de production agricoles françaises. Son travail a permis d’élaborer des scénarios de gestion collective de la coexistence à l’échelle des territoires susceptibles de nourrir une réflexion dans d’autres domaines : conservation de la biodiversité, gestion durable des résistances variétales ou encore réduction de pesticides.

A l'imperfection des techniques répond la sublimation du social

Entre résistance variétale, souvent trop éphémère, et produits phytosanitaires, plutôt critiqués, M. Hannachi propose de repenser la santé des plantes et de la considérer comme un bien commun à gérer collectivement. Si dans les précédents cas d’étude, il a observé l’émergence de la coopétition, il s’est employé ici à la faire émerger, cherchant à établir de nouvelles règles du jeu et à les faire accepter par les parties-prenantes.

Ce défi, il l’a relevé dans le cadre de plusieurs projets auquel il participe ou qu’il coordonne.
C'est, par exemple, le projet Riz éternel - Durabilité de la résistance dans un système de culture traditionnel : Etude du cas des rizières des terrasses du YuanYang, en Chine, soutenu par le métaprogramme SMACH de l’Institut et auquel a succédé le projet SEED - Incidence de la gestion des semences de blé dur par les agriculteurs tunisiens sur la durabilité du contrôle des maladies. 

C'est encore le projet FONDU - Stratégies territoriales d’utilisation durable des antifongiques auquel a fait suite le projet Magnificent7 – Modélisation d’accompagnement pour une gestion nouvelle et intégrée des fongicides et herbicides, soutenu par le métaprogramme SuMCrop de l’Institut – métaprogramme dont il est par ailleurs membre de la cellule de pilotage.
Côté ciné, sept mercenaires ; côté science, sept partenaires, voilà pour la petite histoire… Le scenario : co-construire des dynamiques territoriales multi-acteurs pour gérer la santé des plantes tel un bien commun tout en réduisant l’usage des produits phytosanitaires sous couvert d’un jeu de rôle dans lequel les acteurs, agriculteurs et coopératives, chercheront, sur un pas de temps accéléré et dans un territoire virtuel, des solutions collectives à des échelles agroécologiques.

Enfin, le projet FAST – Faciliter l’action publique pour sortir des pesticides, retenu dans le cadre du Programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement », vise à fournir solutions organisationnelles et politiques pour une transition à grande échelle vers une agriculture sans pesticides.

A la croisée des disciplines et des collectifs

Etudier et actionner l’émergence des stratégies collectives multi-acteurs

Fidèle à son rôle de « passeur de frontières entre les disciplines », M. Hannachi participe à une cellule de réflexion pilotée par la Direction déléguée pour la Science et l'Innovation sur les pratiques d’interdisciplinarité (définie comme la synergie entre plusieurs disciplines) et de transdisciplinarité (définie comme la synergie participative de connaissances scientifiques et de connaissances des acteurs). Deux approches indispensables pour faire face à la complexité des enjeux globaux que doivent relever l’Institut et ses équipes.

Et d’ailleurs, ses idées scientifiques, Mourad les défend haut et fort. Au printemps 2020, il publie, avec plusieurs collègues puis avec des directeurs d'instituts de recherche, des membres du conseil scientifique Covid, des associations, des interprofessions et des acteurs de la société civile, deux tribunes dans le journal Le Monde sur la gestion de la crise Covid. Face à une situation complexe, loin de la simple opposition entre arguments économiques et médicaux, ce collectif souhaitait interpeller l’opinion publique sur le besoin de mettre en œuvre des actions transdisciplinaires et un meilleur dialogue science société pour compléter la gestion de la crise Covid qui se mettait alors en place.

Insuffler une dynamique collective transdisciplinaire pour lutter contre les maladies

Stratégies collectives côté science mais aussi côté cœur. Dans son environnement professionnel, Mourad Hannachi tient particulièrement à insuffler des solidarités et des dynamiques collectives.

Représentation syndicale il y a encore peu, participation aux instances de représentation des personnels INRAE que sont les Commissions administratives paritaires chargées d’accompagner des situations individuelles et d’examiner les évolutions des conditions de travail et de vie collective dans l’Institut... Mourad est aussi à l’initiative, avec quelques collègues, du « cercles des thésards et des jeunes chercheurs disparus ». Une institution cosmopolite et informelle qui réunit une fois par mois les jeunes recrues des laboratoires du site de Thiverval-Grignon autour d’un verre pour discuter à bâtons rompus de leur quotidien. Depuis qu’il est devenu directeur-adjoint de son unité, en janvier 2020, Mourad doit avouer qu’il a un peu passé la main. Il reste toutefois convaincu qu’il faut absolument « veiller à encourager les jeunes qui débutent dans la recherche car il faut beaucoup de courage et de confiance en soi pour être créatif, prendre des risques et s'épanouir dans le métier en début de carrière ».
Et d’affirmer que ce genre d'interactions collectives est nécessaire à tout âge, soulignant non sans ironie « A force de chercher, parfois on se perd. Les autres nous aident à nous retrouver ».

Et demain ? « D’abord passer mon HDR » répond spontanément Mourad. Il y voit une sorte de reconnaissance, soucieux qu’il est de former des jeunes à la recherche et surtout de leur transmettre des approches transdisciplinaires « qui ne vont pas forcément de soi ».

Le futur de M. Hannachi s’écrit aussi à l’encre de la dynamique Paris-Saclay. Il y est déjà très investi, qu’il s’agisse de participer aux enseignements – il est membre élu de la Graduate School Economie et Gestion, d’y représenter ses collègues, son unité ou encore le département scientifique Act d’INRAE ou de contribuer, à la faveur du déménagement prochain de son unité, à un environnement professionnel serein et propice à ses collègues comme à la science.

En savoir plus

- Garin P. et al. Réfléchir l'interdisciplinarité à INRAE. Nature Sciences Société, à paraitre.
- Hannachi M. et al. 2020. Vers une gestion collective à l'échelle des paysages : les enseignements du projet Magnificient7. Phytoma 733 : 21.
- Hannachi M. et al. 2020. The “new agricultural collectivism”: How cooperatives horizontal coordination drive multi-stakeholders self-organization. Journal of Co-operative Organization and Management 8: 100111.
- Dedeurwaerderea T & Hannachi M. 2019. Socio-economic drivers of coexistence of landraces and modern crop varieties in agro-biodiversity rich Yunnan rice fields. Ecological Economics 159 : 177.
 - Hannachi M. & Dedeurwaerdere T. 2018. Des semences en commun pour gérer les maladies : Étude comparative de rizières dans le Yuanyuang (Chine). Etudes Rurales 202 : 76.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Mourad Hannachi UMR Sciences pour l'action et le territoire : activités, produits, territoires

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