Modélisation de la production de méthane émis par les ruminants

Afin de quantifier et réduire les impacts de l’élevage des ruminants dans le changement climatique une nouvelle méthodologie a été élaboré par des chercheurs INRAE (UMRH) et d’AgroParisTech, en collaboration avec le Citepa, organisme en charge des inventaires des gaz à effet de serre (GES) pour la France. Cette méthodologie se base sur l’exploration par méta-analyse de bases de données expérimentales, provenant de différentes études internationales.

Les systèmes d’élevage doivent faire face à un défi majeur à l’échelle de la planète : répondre à une demande croissante de produits animaux tout en limitant leurs impacts environnementaux et la concurrence sur les ressources pour l’alimentation humaine. Il est donc important, en s’inscrivant dans les évolutions sociétales, de quantifier et maîtriser les impacts des systèmes d’élevage de ruminants sur le changement climatique, à différentes échelles allant de l’animal au troupeau et du territoire national au continent.

Au niveau international, les inventaires du GIEC ont été mis à jour à partir des travaux récents des chercheurs, s’appuyant sur la mise en commun et le partage de bases de données internationales (6000 données d’individus). Des études, réalisées dans le cadre d’un consortium d’organismes de recherches internationaux (dont l’UMRH pour INRAE) ont montré que des facteurs d’émission de méthane entérique, c’est-à-dire produit dans le tube digestif, obtenus à partir de données intercontinentales doivent être spécifiquement ajustés à la région/pays pour atteindre la précision requise pour les inventaires (Niu et al., 2018). L’équipe de chercheurs de l’UMRH a évalué les performances d’équations de prédiction du méthane (Benaouda et al., 2019), à partir d’une large base de données internationales (3183 données individuelles, 103 études in vivo, 3 espèces de ruminants). La spécificité des systèmes de production des régions considérées réside entre autres dans le niveau d’ingestion des animaux et le système fourrager (adéquation entre système de culture et système d’élevage). Ils ont ainsi pu conclure qu’il est nécessaire de développer des équations spécifiques par grandes régions/pays mais aussi par catégorie animale. Enfin, la prise en compte des stratégies alimentaires de réduction du méthane entérique, telle que la supplémentation lipidique, permet également d’améliorer les inventaires.

Au niveau de l’inventaire national français des émissions de méthane entérique et des excrétions (fécale et urinaire) des ruminants, une nouvelle méthode a été développée (Eugène et al., 2019). Cette méthode se propose d’améliorer la précision des prédictions, suivant les recommandations internationales. Le niveau de précision maximal peut être atteint quand tous les facteurs modulant les émissions de méthane (entérique et déjections) sont connus et peuvent être pris en compte: ainsi, une description précise et complète des systèmes d’alimentation est requise, et en particulier les facteurs de conversion de l’énergie utilisés pour estimer les besoins en énergie des animaux. La principale amélioration proposée par la nouvelle méthode réside dans l’utilisation d’une équation simple et robuste (nombreux régimes et données), basée sur l’ingestion de matière organique digestible, qui intègre les effets d’interaction digestive et prédit de façon homogène et cohérente le méthane produit dans le tube digestif et celui issu des déjections. De plus, à partir de cette même méthode, l’évaluation des quantités d’effluents d’élevage produits à l’échelle du cheptel français a été réalisée. Tous ces résultats sont utilisés dans les inventaires nationaux récents. De plus, cette méthode d’inventaire des GES peut s’appliquer à d’autres pays.

Dans le cadre d’un nouveau projet international, les prédictions des émissions de méthane entérique et des excrétions fécale (méthane et protoxyde d’azote) et urinaire (protoxyde d’azote) seront réalisées simultanément et à partir de la même source de données. Ceci permettra de réduire les incertitudes des prévisions du protoxyde d’azote. De même, l’impact de stratégies de réduction du méthane entérique sur l’ensemble de ces deux gaz sera étudié. L’apport des méthodes d’analyses statistiques probabilistes sera évalué afin d’appréhender les effets des aléas climatiques sur les régimes des ruminants et donc sur la qualité des prédictions des émissions de GES, dans une optique d’adaptation au changement climatique.

Pour faire face au défi majeur de nourrir la planète de façon durable, Il est donc important de réaliser les inventaires de GES produits par l’élevage, à l’échelle nationale et internationale. Ces inventaires permettent de quantifier et de proposer des leviers d’actions pour réduire les GES, destinés aux experts internationaux (GIEC), acteurs gouvernementaux (Ministères), aux acteurs des filières agricoles (étiquetages environnemental des produits) et aux agriculteurs  (labellisation de produits).

Références bibliographiques :

-Eugène, M., D. Sauvant, P. Nozière, D. Viallard, K. Oueslati, M. Lherm, E. Mathias, and M. Doreau. 2019. A new Tier 3 method to calculate methane emission inventory for ruminants. Journal of Environmental Management 231:982-988. https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2018.10.086

-Niu et al., 2018. Prediction of enteric methane production, yield, and intensity in dairy cattle using an intercontinental database. Global Change Biology 24(8):3368-3389. https://doi.org/ 10.1111/gcb.14094

-Benaouda et al., 2019. Evaluation of the performance of existing mathematical models predicting enteric methane emissions from ruminants: animal categories and dietary mitigation strategies. Animal Feed Science and Technology: 114207. https://doi.org/10.1016/j.anifeedsci.2019.114207

-Mansard, L., A. Vigan, M. Meuret, J. Lasseur, M. Benoit, P. Lecomte, and M. Eugène. 2018. An enteric methane emission calculator (DREEM) built to consider feed diversity: Case study of pastoral and sedentary farming systems. Small Ruminant Research 167:6-15. https://doi.org/ 10.1016/j.smallrumres.2018.07.024

- Tibi, A., & Therond, O. (2018). Services écosystémiques fournis par les espaces agricoles. Evaluer et caractériser. Quae, 186p.