Changement climatique et risques

Avalanches : quelles connaissances ?

Comprendre précisément la dynamique des avalanches, de leur déclenchement à leur impact sur les obstacles, en passant par leur écoulement, constitue une étape préalable fondamentale pour appréhender le risque qu’elles génèrent. À INRAE, des scientifiques s’y consacrent, en étudiant le phénomène de l’échelle fine du grain de neige à celle de l’avalanche « grandeur nature ». Une approche originale qui s’appuie sur des mesures de terrain, des expériences en laboratoire et la modélisation numérique et permet une évaluation de plus en plus pertinente du risque.

Publié le 09 janvier 2017

illustration Avalanches : quelles connaissances ?
© François Valla

 Infographie


Comprendre le comportement de la neige et son écoulement : du labo au terrain, en passant par la modélisation


Départ des avalanches : le dessous des plaques

Comment une avalanche se déclenche-t-elle ? C’est une question centrale pour évaluer l’écoulement qui s’en suit et in fine le risque qu’il représente. À Irstea, les scientifiques étudient le comportement mécanique du manteau neigeux, véritable « millefeuille » de couches de neige de structures différentes, qui conduit au départ d’une avalanche. Leur objet d’étude : les avalanches de plaques. Majoritaire, ce type d’avalanches est lié à une stratification spécifique du manteau neigeux : une couche cohésive très stable, souvent formée par le transport de neige par le vent (d’où son nom de plaque à vent) qui recouvre une couche fragile. Lorsque celle-ci rompt, l’avalanche part.

Infographie déclenchement d'une avalanche de plaque

L’enjeu est donc de déterminer la manière dont la neige se déforme jusqu’à rompre sous l’effet de contraintes, comme la surcharge représentée par le passage d’un skieur ou par une nouvelle chute de neige. Pour cela, les scientifiques développent des modèles de simulation, en utilisant une méthode originale basée sur des « expériences numériques ». À l’aide d’un appareil d’imagerie, un tomographe à rayon X, ils reconstruisent la microstructure de la neige en images 3D. Intégrées dans les modèles, ces images permettent d’étudier virtuellement l’effet des surcharges sur les différentes couches de neige.

Simulation numérique de la compression d'un échantillon de neige imagé par tomographie
Simulation numérique de la compression d'un échantillon de neige imagé par tomographie (à g. échantillon de neige intact, à dr. échantillon déformé). © T. Mede / Irtsea

Simulation numérique de la compression d'un échantillon de neige imagé par tomographie

À partir de ces modèles, les scientifiques peuvent ensuite déterminer les caractéristiques de l’avalanche dans sa zone de départ : épaisseur, surface, volume et les probabilités associées. Des données précieuses pour alimenter et perfectionner les modèles d’écoulement des avalanches . En contribuant à une prise en compte globale des caractéristiques des avalanches, les travaux sur leurs mécanismes de déclenchement permettent ainsi une meilleure anticipation du risque.

Contact : Guillaume Chambon


Avalanche de glace : un facteur déclenchant à suivre 

Les avalanches de glace sont dues à une déstabilisation d’un glacier dont une partie se détache – on parle de séracs – et tombe en blocs. Se produisant sur des sites de haute montagne, très raides et donc peu fréquentés, ces phénomènes ne présentent pas de risque particulier, sauf pour les alpinistes dont ils sont bien connus. En hiver, lorsque le manteau neigeux est instable, ces effondrements de glace peuvent cependant déclencher des avalanches de neige et de glace mêlées de forte ampleur, parfois capables d’atteindre la vallée.

Évolution des séracs du glacier de Taconnaz entre le 9 et le 13 août 2010
Évolution des séracs du glacier de Taconnaz entre le 9 et le 13 août 2010. Le volume de glace qui s’est effondré est de l’ordre de 275 000 m3. © CNRS-LGGE
Évolution des séracs du glacier de Taconnaz entre le 9 et le 13 août 2010

C’est pourquoi les scientifiques d’INRAE cherchent actuellement à comprendre la dynamique d’écoulement de ces avalanches de glace, en s’appuyant sur des observations d’événements passés et en adaptant les modèles de simulation bien maîtrisés des avalanches de neige aux propriétés de leurs homologues de glace. En collaboration avec le Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement de Grenoble, ils étudient parallèlement l’activité actuelle des séracs d’un glacier froid du massif du Mont-Blanc, le glacier de Taconnaz. Ce suivi a déjà livré un résultat marquant : une hausse de la température de la partie supérieure du glacier de 2.5°C en 100 ans... Des conditions qui vont modifier la fréquence et le volume des chutes de séracs et pourraient même déstabiliser une large partie du glacier et entraîner des avalanches d’intensité extrême. Dans le contexte du réchauffement climatique, ces travaux se révèlent d’une grande importance pour mieux appréhender la gestion du risque d’avalanche de demain…

Contact : Emmanuel Thibert,

...y compris  face aux obstacles

 

Col du Lautaret et Taconnaz : des sites expérimentaux originaux au cœur des avalanches

Étudier les avalanches en conditions réelles est une spécificité d’Irstea. 2 sites d’expérimentations, en pleine montagne, permettent aux chercheurs d’explorer ce phénomène en version « grandeur nature » et de valider les modèles de simulation en les confrontant à des évènements réels :

  • Dispositif de protection avalanche le site du col du Lautaret (Hautes-Alpes) où sont menés des travaux sur la dynamique de l’écoulement des avalanches et sur les pressions qu’elles exercent sur les structures, comme les ouvrages de protection. Le site est équipé d’un dispositif de déclenchement d’avalanches et de systèmes de mesures de différents paramètres : vitesse, pression, densité, volume, hauteur de dépôt.
  • Dispositif paravalanches de Taconnaz le site de Taconnaz (vallée de Chamonix), plus grand couloir d’avalanches d’Europe. Particularité : la zone de départ des avalanches est située sur un glacier, ce qui rend impossible le déclenchement artificiel. Equipé d’un système de protection passive (tas freineurs, digues d’arrêt…), le site présente un double intérêt, en termes de gestion du risque par le suivi du fonctionnement d’un dispositif paravalanche réel et, en termes de recherche, pour la compréhension des interactions entre avalanches et ouvrages de protection.

De grandes avancées ont été réalisées grâce aux travaux menés sur ces sites, qui constituent un dispositif unique en France. Pourtant, l’étude des avalanches, en conditions réelles, présente de nombreux obstacles : fenêtres d’observations restreintes, impossibilité de prévoir la puissance de l’écoulement qui peut s’arrêter avant les outils de mesure ou les endommager, écoulement contenant parfois des blocs de pierre et de glace à Taconnaz,  instruments couteux car devant résister aux conditions extrêmes ou conçus sur mesure, accès dangereux aux sites... Autant de difficultés qui témoignent du véritable challenge à relever pour acquérir ces données pourtant indispensables pour déterminer le risque réel et s’en protéger.

Voir la vidéo du déclenchement d'une avalanche poudreuse

1 La protection passive consiste à lutter contre l’écoulement de l’avalanche. La protection active vise à limiter, voire supprimer, les facteurs qui favorisent son déclenchement.

Contacts : Emmanuel Thibert, Hervé Bellot, Florence Naaim

Outils de suivi et de recensement des avalanches 

Des bases de données sur les avalanches uniques au monde

La recherche sur les avalanches menée à INRAE est dotée de 2 outils d’exception : l’enquête permanente sur les avalanches (EPA) et la carte de localisation des phénomènes d’avalanches (CLPA). Ces bases de données d’observations, gérées et actualisées par INRAE, fournissent des données cruciales pour développer les modèles numériques de simulation des avalanches et mener les études statistiques nécessaires, par exemple, au suivi de l’évolution de l’activité avalancheuse.

L’enquête permanente sur les avalanches (EPA)

  • Créée en 1889 et alimentée aujourd’hui par un réseau de 260 observateurs (agents de l’Office national des forêts)
  • Plus de 90000 événements actuellement recensés sur environ 3900 sites (11 départements)
  • Informations relevées, selon un processus standardisé : dates, altitudes de départ et d’arrêt, dimensions (longueur, largeur, hauteur) du volume de dépôt, types d’avalanches...

La carte de localisation des phénomènes d’avalanches (CLPA)

  • initiée en 1971 après une avalanche meurtrière à Val d’Isère
  • fournit une carte descriptive des phénomènes observés ou historiques, représentés par les limites extrêmes atteintes par l’avalanche
  • couvre les massifs alpins et pyrénéens français et en priorité les zones où le risque d’avalanche est élevé et les enjeux importants.

L’EPA et la CLPA sont accessibles sur www.avalanches.fr et sont réalisées avec le soutien financier du Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer.

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