Changement climatique et risques Temps de lecture 3 min
Le vent : un élément déclencheur d'avalanches scruté à la loupe
Observer les montagnes « fumer » est chose courante, cette fumée blanche n’est autre que de la neige transportée par le vent. Derrière son apparente légèreté, ce phénomène est loin d’être anodin : il contribue en effet au déclenchement des avalanches. À INRAE, les scientifiques en décodent les mécanismes, avec un objectif : identifier les zones privilégiées de départ d’avalanches.
Publié le 09 janvier 2017
Lorsque le vent souffle sur une surface enneigée, il arrache des particules de neige et les transporte parfois en grandes quantités. En redistribuant ainsi la neige et en provoquant son accumulation dans des zones spécifiques, le vent conduit à la formation de deux phénomènes particuliers en montagne :
- Les plaques à vent : elles correspondent à une couche cohésive dense formée par le dépôt des particules de neige transportées par le vent et qui peut recouvrir une couche fragile ; cette stratification du manteau neigeux est une condition très favorable au départ des avalanches ;
- Les corniches : elles correspondent à une accumulation de neige déposée par le vent en surplomb des crêtes, pouvant atteindre plusieurs mètres d’épaisseur. En tombant, les corniches favorisent aussi le départ des avalanches.
Une expertise historique
Depuis plus de 20 ans, les chercheurs d’INRAE, en collaboration avec des partenaires nationaux (Météo France, laboratoire de glaciologie et géophysique de Grenoble) et internationaux (Japon, Autriche), analysent les processus de transport de neige par le vent. « Nous étudions précisément les caractéristiques topographiques des zones où la neige s’accumule préférentiellement et en combien de temps ces accumulations se forment. Ces informations nous permettent de mieux connaître les zones de formation des congères sur les routes par exemple, mais aussi les zones sensibles aux départs d’avalanches, » explique Florence Naaim, directrice de l’unité de recherche. Pour cela, l’équipe s’appuie sur 2 approches :
- des mesures de terrain réalisées sur le site expérimental du Col du Lac Blanc1, situé à 2700 m d’altitude dans le massif des Grandes Rousses près de l’Alpe d’Huez, partagé avec le Centre d'études de la neige (CEN) de Météo France. Un site instrumenté depuis 20 ans (centrales météorologiques, capteurs acoustiques et optiques de transport de neige, anémomètre ultrasonique…) et aujourd’hui labélisé au sein du système d’observation et d’expérimentation pour la recherche en environnement dédié à l’étude de la cryosphère en tant qu’observatoire du climat (SOERE CRYOBS-CLIM) ;
- des expériences menées en laboratoire dans une soufflerie qui, par propulsion d’air, met les particules en mouvement et permet de reproduire à échelle réduite le transport de neige par le vent. Des systèmes de visualisation par laser et de traitement d’images sont associés au dispositif pour traquer les particules en mesurant leur concentration, leur vitesse et la forme de leur dépôt.
Les scientifiques ont ainsi pu acquérir de nouvelles connaissances sur les processus physiques en jeu dans le transport de neige par le vent, comme les forces de vent nécessaires pour arracher les particules de neige, les profils des flux de neige déplacée ou encore la distribution des particules de neige transportées selon leur taille. Grâce à ces données, des modèles numériques ont pu être développés pour simuler la répartition du manteau neigeux en fonction des conditions de vent et de topographie. On peut ainsi déterminer où et en combien de temps se forme une accumulation dans une situation météorologique donnée.
Des outils précieux pour prévenir et bientôt prévoir les départs d’avalanches
Dotée d’une expertise unique en France, l’équipe a réalisé en 2014, à la demande du ministère en charge de l'Environnement, et en collaboration avec les services de restauration des terrains en montagne, un guide technique dédié à la protection paravalanche dans les zones concernées par le transport de neige par le vent. Son but : fournir aux acteurs de la prévention du risque (bureaux d’étude, services de restauration des terrains en montagne) des recommandations pour la conception et le dimensionnement spécifiques de ces dispositifs.
« Dernièrement, nos travaux nous ont amené à prendre en compte d’autres paramètres physiques jusqu’à présent mal connus, comme l’influence de la rugosité du sol enneigé sur le transport de la neige ou encore la différence de vitesse des particules par rapport à celle du vent. Cette connaissance de plus en plus complète des processus physiques nous permet d’améliorer nos modèles de simulation du transport éolien de la neige et de les rendre de plus en plus fiables », conclut la chercheuse. Des avancées qui les rapprochent progressivement d’un autre objectif : mettre au point des outils de prévision spatiale des accumulations de neige par le vent et ainsi prévoir les zones de départ des avalanches.
1 Le site est géré conjointement par Irstea et le centre d’étude de la neige de Météo France.