Société et territoires 2 min

Vers une meilleure prise en compte des externalités agricoles dans l’espace dans les modèles de prix hédoniques

PARUTION – La revue « INRAE Sciences Sociales » éditée par le département EcoSocio présente des résultats de recherche sur la façon dont les aménités et les nuisances issues de l’agriculture sont reflétées dans les prix immobiliers en prenant en compte les effets de la distance aux activités agricoles.

Publié le 27 juillet 2020

illustration Vers une meilleure prise en compte des externalités agricoles dans l’espace dans les modèles de prix hédoniques
© Dennis Van De Water

L'approche hédonique appliquée dans un cadre spatial...

L’impact de l’agriculture sur son environnement immédiat et, par conséquent, sur le bien-être des résidents est régulièrement débattu. En effet, les activités agricoles influent sur la fourniture de plusieurs biens publics valorisés positivement ou négativement par les résidents qui en bénéficient. Ces valorisations peuvent alors se refléter dans le prix de leurs maisons. Les activités d’élevage participent par exemple au maintien de paysages traditionnels mais génèrent aussi des pollutions olfactives et aquatiques. Le débat est d’autant plus complexe que la demande pour ces différents « biens » et « maux » publics s’expriment à des distances différentes, si bien que les populations affectées ne sont pas nécessairement les mêmes. Ces différences spatiales peuvent être exacerbées ou atténuées par l’expression d’autres mécanismes spatiaux tels que le fonctionnement local du marché immobilier ou les spécificités locales non-observées liées, par exemple, aux caractéristiques des bassins versants et des paysages.

Les travaux de monétarisation des externalités agricoles menés par les auteurs s’inscrivent dans la longue tradition de la recherche en économie de l’environnement. Ils mobilisent la méthode des prix hédoniques souvent appliquée au marché immobilier pour déterminer la valeur que les résidents attribuent aux externalités (ou aménités) environnementales. Cette méthode fait l’hypothèse que le prix d’un bien marchand dépend de l’ensemble de ses attributs permettant ainsi de déterminer la valeur de chacun d’entre eux indépendamment. Les résultats ainsi obtenus constituent une aide à la conception de politiques environnementales. La recherche présentée ici constitue une avancée méthodologique permettant d’intégrer les effets spatiaux dans des modèles de prix hédoniques afin de caractériser les préférences des résidents pour les diverses activités agricoles dans l’espace, au travers du prix des maisons.

... pour analyser la valorisation des externalités de l'élevage dans les prix immobiliers en Bretagne

Cette méthodologie est appliquée au cas de la Bretagne qui est à la fois la troisième région touristique française, et celle dont l’agriculture occupait en 2014 environ 60 % de la superficie totale (1,6 M ha). L’élevage y est la principale activité agricole : la Bretagne fournit 22 % du lait français, 56 % de la production porcine française et 44 % de la production nationale d’œufs. Si l’élevage laitier y favorise le maintien de prairies et d’un paysage typique de bocage, les activités agricoles intensives menacent les qualités environnementales de la région (par exemple les pollutions olfactives et aquatiques ou le retournement des prairies).

Les résultats obtenus mettent en évidence une diffusion différenciée des nuisances et des aménités des élevages bovins d’une part et de volailles et de porcs d’autre part. Le modèle de prix hédonique en économétrie spatiale estimé par les auteurs confirme que les résidents bretons accordent une valeur aux biens publics affectés par les différentes activités agricoles et, en particulier, qu’ils accordent une valeur négative aux activités d’élevage. Les résultats sur la densité animale en élevage bovin et sur les prairies montrent que les résidents les plus proches souffrent de leur présence alors que les résidents plus éloignés l’apprécient. Les résultats sur les activités liées à l’élevage de porcs et de volailles montrent des effets négatifs sur le bien-être des résidents, et ce à toutes les échelles.

Enfin, à partir du même cadre d’analyse, les auteurs estiment la valeur qu’attribuent les résidents bretons aux pollutions par les algues vertes. Ils montrent qu’un éloignement de 10 % de la plage polluée la plus proche augmente le prix de la maison de 950 € (en € de l’année 2012 ; un tiers de ces gains étant liés au fonctionnement même du marché immobilier). En extrapolant l’analyse à l’échelle de la Bretagne, les résultats montrent que les résidents sont prêts à payer en moyenne 200 €/habitant/an pour réduire les pollutions aux algues vertes ou à recevoir une compensation moyenne de 50 €/habitant/an pour que toutes les plages soient polluées.

Ces travaux, en plus de leurs apports méthodologiques, ont des implications politiques. En particulier, ils démontrent que la question des externalités agricoles devrait être gérée à l’échelle intercommunale plutôt qu’à l’échelle communale, du fait qu’elles influencent l’utilité des résidents des communes voisines.

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