Bioéconomie 4 min
Des matériaux stimulables à partir de cellulose
Les travaux de l'unité BIA à Nantes ont permis de fabriquer des actionneurs à partir de nanofibres de cellulose fonctionnalisées, dont la réponse aux stimuli provient de l’induction d’anisotropie au sein du matériau. Ainsi, le gradient de charge, tout au long de l’épaisseur du nanopapier, favorise le gonflement asymétrique en réponse aux changements de pH, ce qui comporte la courbure macroscopique du nanopapier.
Publié le 08 novembre 2020
La fibre de cellulose : une structure hiérarchique fonctionnelle
La cellulose est le polymère naturel le plus abondant sur la terre. Elle constitue l’élément principal et essential de la paroi végétale car elle est impliquée dans des fonctions de soutien de la plante et d’échange de nutriments. Le polymère de cellulose est composé d’unités de glucose liées entre elles par des liaisons β-(1-4), ce qui donne lieu à des chaînes polymériques linéaires qui interagissent entre elles par des interactions non covalentes, type hydrogène ou van der Waals, pour former la fibre élémentaire. Ensuite, l’association de plusieurs fibres élémentaires donne lieu à la microfibre, qui s’associe pour former la fibre de cellulose proprement dite (figure ci-dessous).
Les nanofibres de cellulose sont obtenues par la délamination mécanique de la fibre. Elles ont un diamètre entre 3 et 10 nm, et une longueur de quelques microns. La diminution en taille dès la fibre jusqu’au niveau nanométrique de la nanofibre améliore les propriétés mécaniques, barrières et optiques par rapport aux fibres de cellulose macroscopiques.
Les actionneurs : des matériaux stimulables pour des applications performantes
Un actionneur peut être défini comme un matériau qui change de forme sous l’application d’un stimulus externe. Le changement de forme est généralement une augmentation/diminution des dimensions du matériau, et le stimulus peut être la température, la lumière, le pH ou un champ électrique ou magnétique. À présent, la plupart des actionneurs sont fabriqués à partir de polymères synthétiques ou semi-conducteurs. Ils présentent de bonnes propriétés de stabilité et réversibilité, cependant, leur cycle de vie (de la fabrication jusqu’au recyclage) entraîne des procédés énergivores et/ou toxiques.
L’unité BIA (Biopolymères Interactions Assemblages), à Nantes, s'intéresse à l’utilisation de la cellulose comme composant pour la fabrication des actionneurs dans une démarche vers la bioéconomie. L'unité a développé des méthodes d’assemblage de biopolymères qui permettent de contrôler l’architecture finale du matériau et diriger ainsi leur réponse aux stimuli.
Des nanopapiers de cellulose montrant des fonctions actionneur
En utilisant des nanofibres de cellulose fonctionnalisées par une oxydation catalysée par le radical TEMPO ((2,2,6,6-tetramethylpiperidin-1-yl)oxyl), l'équipe a réussi à fabriquer des nanopapiers en introduisant de l'asymétrie par leur structuration. Plus précisément, la concentration de groupements chargés (COOH/COO-) augmente tout au long de l’épaisseur du nanopapier. La stimulation des nanopapiers par l’augmentation du pH entraîne une déprotonation des groupements COOH et la formation de charge (COO-). Par la suite, la répulsion électrostatique entre les charges négatives sépare les nanofibres du film facilitant le gonflement des couches chargées. La structuration des nanopapiers en gradient comporte une réponse asymétrique à travers le matériau qui se traduit par une courbure macroscopique. La courbure peut être contrôlée par le degré d’oxydation (DO) de la couche NFC-TEMPO, ainsi, une couche plus chargée (DO 0.09) donne lieu à une courbure plus marquée comme montre la figure ci-dessus.
Perspectives : vers des matériaux programmables
Par la suite, l'objectif est d'étudier comment les changements structurels en réponse à des stimuli externes peuvent être combinés pour fabriquer des matériaux programmables. L’idée est de concevoir de nouvelles architectures cellulosiques pour étudier, pour la première fois, comment les stimuli précédents conditionnent le comportement du matériau lorsqu'il est ensuite exposé à de nouveaux stimuli, dans le but ultime de développer des fonctions mémoire au sein du matériau. La réponse des nanopapiers étant contrôlée par les conditions externes, il est possible de fabriquer de nouvelles architectures pour des applications dans le domaine de la robotique (pinces et leviers pour la manipulation, muscles et tissues artificielles, etc.).
Financement de l'étude
Conseil Régional des Pays de la Loire (Project Nanomach, Appel à projets Etoiles Montantes 2017-10691).
Publication associée
Chemin, M., Beaumal, B., Cathala, B., & Villares, A. pH-Responsive Properties of Asymmetric Nanopapers of Nanofibrillated Cellulose. Nanomaterials, 2020, 10, 1380. http://doi.org/10.3390/nano10071380.