Des matériaux innovants aux formes réversibles grâce à des nanoparticules biosourcées

Quelles sont ces nanoparticules biosourcées ? Ce sont des nanocristaux de cellulose (ou NCC), extraits des fibres de cellulose issues du bois ou des plantes non ligneuses. Outre leur nature biodégradable et non-toxique, ces nanoparticules présentent de nombreuses propriétés uniques. Lorsqu’elles sont assemblées avec un autre polymère issu des plantes, le xyloglucane (XG). Mais pourquoi et comment ça marche ? Comment les utiliser pour créer des matériaux ?

Publié le 11 mars 2025

© INRAE

Les scientifiques de l’unité Biopolymères Interactions Assemblages (BIA) ont exploré comment utiliser deux polymères naturels non toxiques et biodégradables, la cellulose et le xyloglucane (XG), pour créer des hydrogels. Comme son nom l’indique, les hydrogels sont des types de gels constitués d’eau dans lesquels les polymères interagissent pour former un réseau 3D. Inspirés par l’assemblage de ces deux polymères dans la paroi cellulaire des plantes, les chercheurs ont exploité les interactions entre la cellulose, sous forme de nanocristaux de cellulose (NCC), et le xyloglucane pour moduler les propriétés des hydrogels et ainsi concevoir des matériaux biosourcés innovants

Le pouvoir du mélange

Les nanocristaux de cellulose (NCC) sont connus pour leur résistance mécanique provenant de leur structure cristalline et sont souvent utilisés comme renfort mécanique dans les composites. En revanche, le xyloglucane (XG) est un polymère soluble dans l’eau, mais montrant une faible résistance mécanique. Initialement, les dispersions aqueuses de NCC seuls et la solution de XG seule se comportent comme des liquides. Cependant, en les mélangeant, ces 2 biopolymères interagissent entre eux formant des gels stabilisés ou hydrogels. Ces interactions déterminent les propriétés finales des hydrogels. 

Les scientifiques de BIA ont réussi à moduler ces interactions afin de contrôler le comportement de l’hydrogel en utilisant trois stratégies :

  • Jouer sur le rapport entre les nanoparticules NCC et le polymère XG : les chercheurs ont découvert que le rapport massique entre le polymère et les nanoparticules (XG/NCC) impacte la façon dont le polymère XG va interagir avec la surface des nanoparticules NCCs et détermine ainsi la formation ou pas de l’hydrogel mais aussi ses propriétés. A un rapport XG/NCC bas (excès de NCC), les molécules du XG s’adsorbent à plat sur la surface des nanoparticules de NCC, créant un réseau 3D conduisant à la formation d’un hydrogel fort, i.e. qui maintient sa forme. A l’inverse, un excès de XG (XG/NCC élevé) conduit à un hydrogel dit faible, i.e. de type gelée).
  • Utiliser des enzymes modifiant XG : les scientifiques peuvent modifier la structure du XG en utilisant des enzymes qui modifient spécifiquement une partie du XG. " L’exposition du système XG/NCC à ces enzymes modifie les interactions entre XG et NCC, et permet de créer des hydrogels de NCC-XG thermosensibles, c’est-à-dire qu’ils peuvent passer de manière réversible de l’état liquide à l’état gel lorsqu’ils sont chauffés à 35°C puis refroidis.
  • Expulser l’eau de l’hydrogel : pour cela, la technique de déshydratation « osmotique » a été utilisée : en plaçant l’hydrogel dans une solution concentrée spéciale (le polyéthylène glycol), l’eau contenue dans l’hydrogel est expulsée rendant celui-ci plus concentré en polymère et nanoparticules (XG + NCC), ce qui le renforce et le rend plus flexible. L’hydrogel peut alors être moulé sous différentes formes et s’autoréparer après dommage.

Pourquoi s’intéresser aux hydrogels ?

En utilisant des polymères naturels, les scientifiques développent des matériaux innovants et durables qui offrent des possibilités multiples et passionnantes. En effet, un matériau qui répond aux changements de température, en passant de l’état liquide à l’état gel, ou qui change de forme de manière réversible ouvre la voie à des d’applications potentielles incluant la robotique souple, les revêtements intelligents ou les absorbants. On peut imaginer des matériaux biosourcés capables de s’autoréparer après rupture sans intervention humaine. Ces recherches sont encore en cours, mais sont très prometteuses pour l'avenir.

  • Financement

Ce travail est une contribution au programme HOBIT financé par la région des Pays de la Loire. Il est alimenté par le projet AMETHYST du PEPR DIADEM, avec le soutien financier du programme France 2030 (projet numéro ANR-22-PEXD-0015).

  • Publications associées

Rangel G., Moreau C., Villarès A. et al. (2024). Xyloglucan-cellulose nanocrystals mixtures : a case study of nanocolloid hydrogels and levers for tuning functional properties. Gels, 10(5), 334. https://doi.org/10.3390/gels10050334

Talantikite M., Stimpson T.C., Gourlay, A. et al. (2021). Bioinspired Thermoresponsive Xyloglucan-Cellulose Nanocrystal Hydrogels. Biomacromolecules, 22 (2), 743. https://doi.org/10.1021/acs.biomac.0c01521 

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