Alimentation, santé globale 3 min

L'impact des habitudes alimentaires sur le cerveau

Comment le cerveau gère-t-il un conflit entre l’envie de se faire plaisir et de manger équilibré ? Les habitudes alimentaires influencent-elles le fonctionnement du cerveau ? L’équipe INRAE de l’UMR NuMeCan a réalisé une étude pour répondre à ces questions. Rencontre avec David Val-Laillet, neurobiologiste à l’UMR NuMeCan.

Publié le 13 juin 2023

illustration L'impact des habitudes alimentaires sur le cerveau
© INRAE

Dans quel contexte s'inscrit votre projet de recherche ?

La prise de poids peut être associée à des anomalies cérébrales. Nous sommes partis de ce constat pour découvrir comment les habitudes alimentaires influencent le fonctionnement du cerveau lorsqu’il doit prendre une décision alimentaire.
Pour cela, nous souhaitions comparer des personnes en parfaite santé mais ayant des habitudes alimentaires différentes. Sur 350 participantes à la phase de présélection, nous avons choisi 50 étudiantes rennaises entre 18 et 24 ans aux profils homogènes (poids normal, aucune pathologie) avec une consommation plus ou moins importante d’aliments typiques de l’alimentation occidentale [1].
L’étude a impliqué une session d’imagerie cérébrale (IRM), où chaque personne devait choisir parmi différentes paires d’images de plats (dont l’un plus calorique que l’autre) celui qu’elle préférerait manger à midi. Les participantes ont fait face à 2 types de situation : des choix où les 2 plats sont tout autant appréciés, et d’autres choix où le plat le plus calorique est toujours celui préféré par la personne. L’idée était de soumettre les participantes à un conflit entre leur envie de se faire plaisir et leur envie de manger sain ou équilibré, dans le but d’étudier la manière dont le cerveau répond à ce conflit de motivation.

Quelles sont les conclusions de votre étude ?

Deux principaux profils psychologiques ressortent de cette étude : un profil hédonique, correspondant aux personnes se basant sur leur plaisir pour choisir ce qu’elles mangent, et un profil plus restrictif correspondant aux personnes qui choisissent plutôt ce qu’elles estiment être bon pour leur santé.
Le fait marquant de notre étude est qu’une fréquence plus ou moins élevée de consommation d’aliments gras, sucrés, salés et/ou transformés est associée à des fonctionnements cérébraux différents : la zone du contrôle cognitif et la zone du plaisir s’activent différemment en fonction des habitudes et préférences individuelles, et surtout la communication entre ces zones diminue chez les fortes consommatrices d’aliments occidentaux.

La zone du contrôle cognitif et la zone du plaisir s’activent différemment en fonction des habitudes et préférences individuelles.

La consommation régulière d’aliments gras, sucrés, salés et/ou transformés modulerait ainsi la manière dont parlent entre elles les zones du cerveau. Cela signifie que, chez des personnes de poids normal et en bonne santé, le seul fait d’avoir des habitudes alimentaires différentes implique des fonctionnements cérébraux différents. Une habitude ancrée conditionnerait le cerveau en favorisant une consommation encore plus importante d’aliments occidentaux : un cercle vicieux !

Et maintenant, quelles sont les perspectives ?

À présent, l’objectif est d’obtenir des marqueurs d’imagerie et de biologie qui soient corrélés au comportement alimentaire des personnes et qui nous permette d’estimer un risque ultérieur en termes de prise de poids ou de maladie. Détecter une susceptibilité de déclarer des troubles alimentaires permettrait d’adapter en conséquence les parcours de prévention et de soins.
Nous partons également de l’hypothèse que cette susceptibilité vient du fait qu’une zone du cerveau au niveau du cortex préfrontal perd son rôle de contrôle sur la prise alimentaire. En corrigeant ce déficit, il serait alors possible d’aider les personnes à mieux gérer leurs pulsions alimentaires. Nous sommes actuellement en plein recrutement pour entraîner des personnes à activer et « muscler » leur cortex préfrontal dans cet objectif. Nous sommes donc passés d’une étude observationnelle à de l’interventionnel, ce qui est très intéressant et enrichissant en termes de recherche clinique ! Affaire à suivre…

1. L’alimentation occidentale correspond aux aliments gras, sucrés, salés, généralement transformés.

Voir aussi

Coquery N., Gautier Y., Serrand Y. et al. (2022). Brain responses to food choices and decisions depend on individual hedonic profiles and eating habits in healthy young women. Frontiers in Nutrition, 9, article 920170. DOI : 10.3389/fnut.2022.920170

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