Changement climatique et risques

Intérêt des échantillonneurs passifs pour mieux évaluer la contamination chimique dans les rivières

Dans le cadre du réseau de surveillance prospective, l’équipe du LAMA (laboratoire de chimie des milieux aquatiques) de l’unité de recherche RiverLy a coordonné le projet RSP-EIP co-financé par l’Office Français pour la Biodiversité (OFB), impliquant des partenaires d’AQUAREF, visant à faire évoluer les méthodes de surveillance chimique de la qualité des eaux dans le contexte de la directive cadre européenne sur l’eau.

Publié le 24 juin 2021

illustration Intérêt des échantillonneurs passifs pour mieux évaluer la contamination chimique dans les rivières
© INRAE

A l’heure actuelle, le suivi de la qualité chimique des eaux est mis en œuvre par des prélèvements ponctuels réalisé entre 4 et 12 fois au cours d’une année afin de déterminer des concentrations en substances prioritaires (pesticides, métaux, etc.). La moyenne annuelle (MA) de ces concentrations est ensuite comparée avec des valeurs seuils dans l’eau appelées normes de qualité environnementale (NQE) qui définissent les concentrations des substances chimiques présentant un risque avéré pour l’environnement. Cependant, l'échantillonnage ponctuel présente plusieurs inconvénients, comme le manque de représentativité temporelle (par exemple, la difficulté à intégrer des pics de contamination). De plus, les méthodes d’analyse de ces échantillons d’eau ne sont pas toujours suffisamment performantes pour quantifier les substances recherchées souvent présentes à des niveaux traces (concentrations inférieures aux limites de quantification).

Photo_baptiste
Figure 1: Prélèvement ponctuel d'un échantillon d'eau de rivière

Pour pallier ces manques, les échantillonneurs intégratifs passifs (EIP) sont développés et utilisés depuis de nombreuses années pour évaluer la présence de contaminants chimiques dans les rivières. Les contaminants organiques peuvent être échantillonnés par plusieurs types d’outils (voir Figure 2 ci-dessous) dont notamment: les POCIS (Polar Organic Chemical Integrative Samplers) pour les contaminants organiques plutôt polaires (composés pharmaceutiques, triazines, amides, etc.) et les membranes silicone (ou silicone rubber membranes, SR) pour les contaminants organiques plutôt apolaires (organochlorés, organophosphorés, etc.). Les contaminants inorganiques (métaux) peuvent être échantillonnés par l’outil DGT (Diffusive Gradient in Thin films). Pour déployer ces petits outils dans les rivières, ils sont placés ou fixés à différents systèmes (cages, cagettes, etc.) ; des grilles de barbecues ont même été récemment adaptées pour cet usage. Ils sont exposés dans les rivières pour des durées variant entre 7 jours et 3 mois (14 jours pour notre étude) afin de permettre l’accumulation et une préconcentration suffisante des contaminants. Ils sont ensuite récupérés puis extraits en laboratoire et analysés afin de déterminer la concentration dans l’eau moyennée sur le nombre de jours d’exposition. Dans ce projet, nous avons suivi en continu sur une année entière un large panel de contaminants grâce à trois types d’échantillonneurs (SR, POCIS, DGT, figure 2) sur 3 rivières en France : Le Gier à Givors (69), la Jalle à Blanquefort (33) et le Clain à Naintré (86).

Photo_baptiste_02
Figure 2 : Membranes silicone (SR) ; Polar organic chemical integrative samplers (POCIS) ; Diffusive gradient in thin films (DGT)

Les résultats du projet RSP-EIP, présentés lors d’un séminaire de restitution (supports des conférences disponibles ici), nous permettent de mettre en avant l’intérêt de la mise en place d’une surveillance par EIP pour les substances avec des NQE dans l’eau.

D’un point de vue pratique, l’utilisation des EIP permet une simplification des opérations de transport et de stockage par rapport à la surveillance chimique actuelle par prélèvements ponctuels d’échantillons d’eau. Cependant, le déploiement d’EIP nécessite de multiplier le nombre de campagne terrain par deux (déploiement et récupération après 14 jours d’exposition).

Le calcul de la concentration dans l’eau moyennée sur les 14 jours d’exposition peut être considéré comme fiable pour une grande partie des substances prioritaires à surveiller dans l’eau, avec néanmoins des développements encore nécessaires pour certains couples substances/EIP.

L’amélioration des limites de quantification des EIP par rapport aux prélèvements ponctuels est forte pour les SR (gain médian d’un facteur 111), modérée pour les POCIS (gain médian d’un facteur 9) et modérée pour les DGT (gain médian d’un facteur 20). Par exemple, dans les eaux marines, les DGT permettent de détecter des métaux (concentrations plus faibles que dans les eaux continentales), ce qui n’est pas possible avec l’échantillonnage ponctuel d’eau.

L’évaluation des moyennes annuelles des concentrations avec les EIP a permis de montrer des bénéfices par rapport à l’utilisation des échantillons ponctuels avec un abaissement des incertitudes associées à cette mesure. La comparaison des MA avec les NQE permet de conclure au même état chimique pour la DCE, avec les POCIS ou avec les échantillonnages ponctuels ; excepté pour les contaminants présentant des NQE basses que seul les POCIS permettent de satisfaire (par exemple : métazachlore et cyprodinil). Avec les métaux par DGT, la comparaison des MA avec les NQE est plus complexe à interpréter car la fraction des métaux capturée par la DGT ne représente qu’une fraction de celle mesurée dans les prélèvements ponctuels, mais potentiellement plus représentative de la concentration disponible pour les organismes aquatiques.

Le suivi en continu pendant un an a démontré l’intérêt de disposer d’outils sensibles comme les EIP pour mieux appréhender les dynamiques de contamination des rivières par les substances, comme les pesticides et les pharmaceutiques.

Et pour aller plus loin, les EIP sont aussi utilisés en support à la surveillance des substances avec une NQE dans le biote. Mais ça c’est une autre histoire…

Pour en savoir plus sur le projet :

Contact : Cécile Miège

Documents « grand public » disponibles à ce jour (liens ou références) :

Rapport final (disponible ici) : B. Mathon, A. Dabrin, I. Allan, S. Lardy-Fontan, A. Togola, J-P. Ghestem, C. Tixier, J-L. Gonzalez, M. Ferreol, L. Dherret, A. Yari, L. Richard, A. Moreira, M. Eon, B. Delest, E. Noel-Chery, M. El Mossaoui, E. Alasonati, P-F. Staub, N. Mazzella, C. Miège, Surveillance prospective – évaluation de la pertinence des échantillonneurs intégratifs passifs (EIP) pour la surveillance réglementaire des milieux aquatiques - Rapport AQUAREF 2020 – 172 p + 20 annexes (149 p).

Synthèse opérationnelle TSM  (disponible ici) : B. Mathon, A. Dabrin, I. Allan, S. Lardy-Fontan, A. Togola, J-P. Ghestem, C. Tixier, J-L. Gonzalez, M. Ferreol, L. Dherret, A. Yari, L. Richard, A. Moreira, M. Eon, B. Delest, E. Noel-Chery, M. El Mossaoui, E. Alasonati, P-F. Staub, N. Mazzella, C. Miège (2021). Les échantillonneurs intégratifs passifs, des outils pertinents pour améliorer la surveillance règlementaire de la qualité chimique des milieux aquatiques ? TSM 6 2021 - Page(s) 57-71.

Supports des conférences du colloque national RSP :
https://www.aquaref.fr/1er-colloque-reseau-national-surveillance-prospective-qualite-chimique-milieux-aquatiques

Guides (bientôt disponibles sur www.aquaref.fr) : AQUAREF - Opérations d’analyse physico-chimique des EIP en cours d’eau et eau littorale dans le cadre des programmes de surveillance DCE- Recommandations techniques – Edition 2020.

AQUAREF - Opérations d’échantillonnage par échantillonnage intégratif passif en cours d’eau et eau littorale dans le cadre des programmes de surveillance DCE – Edition 2020.

Les résultats de ce projet sont aussi en cours de valorisation dans des revues scientifiques. A suivre…

Photo_baptiste_03
Figure 3: Récupération des membranes silicones exposées à l'aide d'une grille à barbecue et d'un poids

Photo_baptiste_04
Figure 4 : Exposition de POCIS et DGT dans le cours d’eau du Gier (Givors, 69)

Equipe LAMAUnité de recherche RiverLy

Contacts

Cécile MIEGE Directrice de recherche Equipe LAMARiverLy

Le centre

Le département

En savoir plus

Agroécologie

Pollution aquatique : rendre l'eau propre à la nature

Les sources de pollutions aquatiques sont multiples et souvent insoupçonnées : cosmétiques, produits ménagers, pesticides, médicaments, composants électroniques… la liste est longue. Ainsi, si les eaux issues des milieux urbain, domestique, agricole ou industriel retournent à la nature sans être traitées, alors le bon état écologique de nos masses d’eau s’en trouve menacé.

21 août 2020

Société et territoires

Améliorer la qualité et la gestion des milieux aquatiques : INRAE et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse signent un accord de partenariat

COMMUNIQUE DE PRESSE - Mercredi 2 septembre 2020, Philippe Mauguin, Président-directeur général d’INRAE et Laurent Roy, Directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ont signé un accord-cadre de partenariat pour les cinq années à venir. Cette collaboration a pour objectif de renforcer les travaux de recherche et d’expertise sur le fonctionnement des milieux aquatiques des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse, en particulier pour mieux appréhender les effets du réchauffement climatique sur les ressources en eau et la biodiversité, mais aussi de faire progresser la connaissance sur la contamination des cours d'eau, lacs et lagunes par les micropolluants.

01 septembre 2020

Biodiversité

Un succès pour la surveillance participative des cyanobactéries en Côte d’Ivoire

COMMUNIQUE DE PRESSE - Avez-vous déjà remarqué des étendues d’eau toute verte ? Cette coloration est due à la multiplication de microorganismes dans l’eau en raison d’apports excessifs en phosphore et azote (eutrophisation). Si l’eutrophisation peut, dans certains cas, être profitable à la production piscicole, ce phénomène favorise souvent le développement des cyanobactéries, capables de produire des toxines dangereuses pour la santé humaine. Pour limiter leur impact sanitaire, ces microorganismes font l’objet d’une surveillance étroite dans les pays du Nord mais pas dans les pays d’Afrique où la forte croissance démographique se traduit par une dégradation importante de la qualité de l’eau. C’est pourquoi des chercheurs d’INRAE et du CNRS et des équipes de recherche locales (Institut Pasteur de Côte d'Ivoire, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan), ont mené une étude pilote sur le suivi collaboratif des cyanobactéries en Afrique. Leurs résultats, parus le 24 septembre 2020 dans la revue PLOS ONE montrent qu’il est possible de mobiliser les populations riveraines d’un plan d’eau pour surveiller la qualité de son eau, en particulier les proliférations de cyanobactéries, à l’aide d’une application pour smartphone.

25 septembre 2020