Insectes vecteurs de Xylella : où se cachent-ils ?

Transmise par des insectes se nourrissant de la sève des plantes, la bactérie Xylella fastidiosa menace des cultures emblématiques comme la vigne et l’olivier. Encore absente des vignobles en France, elle progresse ailleurs en Europe et reste une inquiétude majeure. Une vaste étude menée dans le sud du pays, révèle où se concentrent les insectes vecteurs et met en avant l’usage d’insectes sentinelles afin de renforcer l’épidémiosurveillance et détecter efficacement toute nouvelle introduction de la bactérie.

Publié le 15 octobre 2025

© INRAE, Bertrand Nicolas

Xylella fastidiosa est une bactérie qui se développe dans le xylème de ses plantes hôtes, c’est-à-dire le tissu conducteur qui transporte la sève brute. Elle se propage d’une plante à l’autre grâce à des insectes piqueurs-suceurs, comme les cicadelles, qui se nourrissent de la sève et piquent plusieurs plantes. Cette bactérie est particulièrement redoutée car responsable de maladies graves chez la vigne, l’olivier ou l’amandier. Originaire des Amériques, elle s’est répandue en Europe, notamment en Italie où elle a ravagé les oliveraies de la région des Pouilles. Sa progression dans d’autres régions reste une inquiétude majeure pour l’agriculture méditerranéenne. L’enjeu pour les scientifiques est de comprendre où ces insectes se trouvent, sur quelles plantes ils se nourrissent et quel est le risque de transmission de la bactérie.

Une étude menée sur 700 sites dans les vignobles du sud de la France montre que les insectes vecteurs de Xylella fastidiosa sont surtout présents dans les prairies et les parcelles de luzerne. On rencontre moins souvent ces vecteurs dans le feuillage des oliviers ou de la vigne mais les bordures herbacées ou les inter-rangs peuvent accueillir des populations importantes. Le risque de voir de nombreux insectes vecteurs passer sur vigne ou olivier et éventuellement transmettre Xylella est important lorsque ces zones herbacées se dessèchent ou après fauchage.

Une partie des recherches s’est également intéressée à l’alimentation des espèces potentiellement vectrices. Le cercope des prés, Philaenus spumarius, déjà connu comme principal vecteur de la bactérie, est par exemple confirmé comme généraliste sur le continent, alors qu’il est plus spécialisé en Corse : il se nourrit sur une grande diversité de plantes, notamment dans les prairies. D’autres vecteurs se révèlent plus généralistes qu’attendu, alors que certains vecteurs, comme les espèces du genre Neophilaenus, restent inféodées aux Poacées.

Aucune des analyses réalisées par les scientifiques de cette étude n’a détecté la présence de Xylella fastidiosa sur les insectes capturés en Nouvelle-Aquitaine ce qui indique que la bactérie est absente ou encore rare dans cette région. Toutefois, le risque demeure. Le climat actuel est (et restera) favorable à l’établissement de la bactérie. Comme les vecteurs sont nombreux et présents dans divers habitats, toutes les conditions sont réunies pour que Xylella fastidiosa se propage et provoque des dégâts si elle était introduite dans la région.

Les chercheurs recommandent ainsi dans leurs travaux publiés dans la revue Plos One, de renforcer la surveillance, notamment grâce à des insectes sentinelles, afin de détecter au plus tôt toute nouvelle introduction. L’idée est simple : en se nourrissant sur différentes plantes, les insectes vecteurs reflètent l’état sanitaire de leur environnement. Leur statut infectieux donne ainsi une image globale de la présence éventuelle de la bactérie dans la zone où ils ont été collectés.

Référence : Mesmin X, Chartois M, Farigoule P, Burban C, Streito J-C, Thuillier J-M, et al. (2025) Insect-habitat-plant interaction networks provide guidelines to mitigate the risk of transmission of Xylella fastidiosa to grapevine in Southern France. PLoS One 20(9): e0332344. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0332344


 

Arnaud Ridel

Rédacteur

Département Santé des Plantes et Environnement

Contacts

Astrid Cruaud

Chercheuse

Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP)

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Chercheur

Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP)

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