Société et territoires 5 min

Ingénieur projet et partenariat, un poste charnière pour l’innovation à INRAE

Claire Poitelon et Jérémie Hagenmuller sont ingénieurs projet et partenariat à INRAE. Un métier qui a récemment vu le jour à l’Institut, mais qui est pourtant une interface majeure entre chercheurs et innovation scientifique. Respectivement basés à Orléans et à Nancy, Claire et Jérémie nous éclairent sur le rôle de leur métier dans la recherche et le transfert.

Publié le 03 juillet 2019

illustration  Ingénieur projet et partenariat, un poste charnière pour l’innovation à INRAE
© INRAE

En quoi consiste le travail d’ingénieur projet en partenariat ?

Claire Poitelon : Notre rôle est d’accompagner les scientifiques dans le montage administratif, juridique et financier de leurs projets de recherche avec différents partenaires. Ce sont les chercheurs des centres desquels nous dépendons qui nous sollicitent pour s’assurer que le montage financier est correct et respecte les règles de l’établissement. Cela permet d’éviter que divers problèmes financiers ou légaux ne surviennent. C’est aussi le travail de l’ingénieur projet en partenariat (IPP), par exemple, de saisir les données administratives sur le portail de l’ANR (Agence nationale de la Recherche).
 
Jérémie Hagenmuller : Les sujets que l’on traite sont très larges, depuis le montage de projets ANR jusqu’à des partenariats avec des entreprises du secteur privé, que l’Inra cherche à développer. Nous intervenons donc lors de la négociation du projet, pour monter des plans de financement, de budget, etc. L’idée est de prévenir au maximum des éventuels écueils en matière de propriété intellectuelle, ou d’anticiper la stratégie en termes de valorisation des résultats scientifiques. Outre les unités de recherche, nous interagissons également avec les responsables de gestion de contrats ou encore avec les ressources humaines : l’IPP est le principal interlocuteur des chercheurs lorsqu’ils souhaitent monter un projet scientifique. 

Sur quels types de projets intervenez-vous ?

J.H. : Il existe deux principaux types de contrats sur lesquels nous intervenons : le montage de projets en réponse à un appel à projet (RAPP) lancé par un organisme public (ANR, ministères, universités...), puis les projets « opportunistes » avec des partenaires privés qui ont des intérêts communs avec les chercheurs. L’IPP est alors rapidement intégré dans les discussions entre les différents acteurs. On compare les obligations de tous, on établit ce que chacun peut apporter au projet afin de rédiger le contrat le plus équilibré possible.
 
C.P. : Nous ne sommes pas spécialisés dans un format de projet particulier. Dans le centre Val de Loire, à Orléans, nous ne sommes que deux IPP, donc nous pouvons traiter tous les types de projets possibles. Ce qui signifie qu’il n’y a vraiment pas de journée similaire à la précédente. Le matin, je ne sais pas de quelle manière ma journée sera occupée : nous pouvons remplir des tâches très administratives, rédiger des dossiers ou simplement envoyer des courriers par exemple.
 
J.H. : Il s’agit d’ailleurs d’un métier nouveau, selon moi loin d’être figé dans la pierre et qui sera certainement amené à évoluer dans les prochaines années. Je pense que petit à petit, les ingénieurs projets vont développer certaines des compétences par rapport à d’autres, par exemple dans le domaine juridique.
Il est également possible que nous soyons amenés, en collaboration avec nos collègues Chargés de partenariats et d’innovation (CPI), qui œuvrent au sein des départements Inra, à contribuer d’avantage à la détection de l’innovation. Étant issu d’un cursus scientifique, je trouve une grande satisfaction à être impliqué dans la valorisation des travaux de la recherche vers des innovations concrètes pour la société.

Quelle est la durée d’instruction des contrats que vous traitez ?

J.H. : Tous les contrats sont différents. Les projets ANR peuvent par exemple être assez rapides, car y ayant travaillé, je sais comment ils fonctionnent. En revanche, des projets plus exotiques ou avec un nouveau partenaire prendront généralement plus de temps. Par ailleurs, la patience et le soin que le chercheur apporte dans son dossier sont des paramètres importants pour la rapidité de l’instruction.
 
C.P. : Dans le cas des appels à projet, la temporalité est fixée parce qu’il y a une échéance de rendu. Si les chercheurs envoient leur dossier au dernier moment, la contrainte temporelle est plus importante et il est important d’être rapide. Selon la complexité du dossier, la durée peut varier entre 3 à 12 mois pour négocier un accord de consortium ou un contrat de recherche par exemple. Selon notre charge de travail et le temps de réponse des partenaires, le délai est donc très variable. Mais en ce qui me concerne, je me suis fixé l’objectif de négocier un contrat en trois mois de sorte à ce que les chercheurs puissent poursuivre leurs travaux.

De quelle manière interagissez-vous avec les chercheurs ?

J.H. : J’apprécie d’être sur place pour leur parler directement, mais aussi pour avoir un aperçu des équipements qu’ils utilisent. Mais comme j’interviens sur plusieurs sites du Grand-Est en même temps, les échanges se font principalement par e-mail ou par téléphone. Ce qui est également la méthode la plus efficace pour gérer les urgences, qui ne sont pas rares dans le métier. Les chercheurs ont d’ailleurs très bien pris le réflexe de mettre en place des appels par Skype ou des conférences téléphoniques. Quand on rencontre les partenaires extérieurs en revanche, je crois que c’est plus important d’être sur place.
  
C.P. : Le site de Nouzilly étant située à une heure de route de celui d’Orléans, il m’est donc difficile de rencontrer les chercheurs à chaque étape. Mais le téléphone, les appels par Skype ou encore les e-mails sont les outils que nous utilisons le plus. En revanche, il m’est plus facile de rencontrer les chercheurs basés à Orléans parce que je suis directement auprès d’eux. Maintenant, ils commencent à prendre l’habitude de venir dès le début de leur projet ou dès qu’ils sont sollicités, même si quelques chercheurs restent réticents. Encore un certain nombre de dossiers ne passent pas par notre service. Mais cela arrive de moins en moins car la direction du centre (Président de Centre et Directeur des Services d’appui) ne signe pas les contrats et dossiers si on ne les a pas étudiés au préalable. Quand les chercheurs prennent conscience de notre rôle, ils s’aperçoivent qu’en s’adressant en amont à nous, nous avons plus de temps pour monter un dossier solide. Notre travail est aussi d’être pédagogues pour faire comprendre que l’on peut gérer nos contraintes respectives tout en faisant avancer le dossier correctement.
  
J.H.
: Je trouve que cette relation qui s’installe avec les chercheurs est un des aspects les plus agréables du métier. J’avais au début peur de passer pour un traître à la science qui entrave les projets de recherche par ses détails administratifs, mais je n’ai finalement jamais eu cette impression en 3 ans d’exercice. Le sentiment d’être un auxiliaire utile et respecté des équipes de recherche est pour moi très gratifiant. 

Avez-vous suivi une formation particulière pour devenir IPP ?

J.H. : En théorie un bon ingénieur projet a 4 compétences-phare : il doit être scientifique, financier, juriste et négociateur entre l’équipe de recherche et le partenaire. Généralement, les personnes qui font ce métier obtiennent ces compétences suite à leurs expériences professionnelles précédentes. Mon volet scientifique est surtout le fruit d’un cursus long, dont 3 années dans la recherche, après des études en sciences du vivant et une thèse en biologie moléculaire végétale. Les trois autres volets ont surtout été obtenus par la pratique après mon master d’ingénierie de projet. J’ai travaillé 18 mois à l’ANR puis 18 autres mois en tant que manager d’un projet européen, ce qui m’a permis de me familiariser avec les impératifs financiers et humains des projets de recherche. Je suis donc resté dans le monde des sciences, mais plutôt du côté du montage et du management de projets. Bien que mon cursus m’ait laissé une appétence pour les aspects scientifiques des projets, le plus important est de bien comprendre la portée des projets, ses aspects budgétaires mais aussi juridiques.
 
C.P. : Je suis titulaire d’une licence de biochimie et d’un master en double compétence  biotechnologie et  droit. La compétence que je préfère développer est la relation que l’on crée avec les chercheurs quand on s'intéresse à leurs projets. Avec mon parcours scientifique, j’arrive à comprendre les enjeux de leurs recherches et ce que souhaite mettre en œuvre le partenaire, avant de tout retranscrire dans le contrat. Mais je crois qu’on a tous des profils et des compétences assez différents ; il n’y a pas de diplôme spécifique pour notre métier, l’essentiel étant de savoir être un bon médiateur pour mettre en valeur au sein de la société les intérêts de la recherche scientifique.  

Quels sont vos loisirs ?

J.H. : Le parapente dans la vallée de Munster avec différents collègues.
 
C.P. : L'animation d’ateliers de couture le midi avec plusieurs collègues. Environ 3 ateliers par an, pendant une heure. Les participants repartent avec leur création.

 

Pierre-Yves LerayerRédacteur

Les centres

En savoir plus

Agroécologie

3 questions à une jeune pousse : Mycophyto

Pollution des sols et des eaux, résistance des bioagresseurs ou encore réduction de la biodiversité… Les pesticides ont des effets néfastes pour l’environnement. Et si, pour favoriser la transition agricole, nous utilisions les synergies naturelles entre les plantes et les microorganismes du sol ? Mycophyto, jeune pousse basée à Sophia Antipolis, propose des alternatives biologiques efficaces pour l’agriculture et l’aménagement paysager. Rencontre avec Justine Lipuma, co-fondatrice de Mycophyto.

28 février 2022

Alimentation, santé globale

3 questions à une jeune pousse : Preditox

La génotoxicité, vous connaissez ? C’est le secteur d’activité de PrediTox, jeune pousse d’un an et demi. Laure Khoury, dirigeante et co-fondatrice de la startup, étudie les dommages causés à l’ADN par certains composés ou produits chimiques afin de détecter au plus vite les risques de cancer, et ainsi, les éviter, en analysant des échantillons. Rencontre.

16 décembre 2019