Alimentation, santé globale 5 min
Influenza, coronavirus et autres : quand les virus d’origine animale contaminent l’homme
Depuis des siècles les maladies virales affectent le genre humain. Qu’ils infectent l’homme directement ou après avoir transité par des animaux domestiques, ces agents infectieux sont au cœur des recherches d’INRAE. Grippe aviaire, fièvre du Nil occidental ou encore hépatite E sont quelques-unes des maladies (et des agents) auxquelles se consacrent les scientifiques de l’Institut dans une approche intégrée où santé de l’homme, de l’animal et de l’environnement ne font plus qu’un.
Publié le 26 février 2020
Sédentarisation de l’homme, domestication des animaux et naissance de l’agriculture… ces événements majeurs ont contribué à faciliter les échanges, entre l’animal et l’homme, d’agents infectieux dont certains sont devenus des pathogènes pour l’homme. Aujourd’hui, l’intensification de l’élevage, l’apparition de bactéries antibiorésistantes, l’augmentation des besoins alimentaires y compris en protéines animales, la mondialisation des échanges, ainsi que le changement climatique viennent encore accroître ces échanges d’agents infectieux et le risque associé.
Santé animale, santé humaine, depuis de nombreuses années les équipes INRAE s’intéressent aux microorganismes, et notamment aux virus, susceptibles d’infecter à la fois l’animal et l’homme.
Influenza, coronavirus et autres, Daniel Marc, chargé de recherche INRAE dans l’unité Infectiologie et santé publique (Val de Loire) nous en dit plus sur ces virus.
Le 27 févier 2020, il donnait une conférence à l'occasion du Salon de l'Agriculture, dont voici la vidéo :
Homme, animal, quand l’agent infectieux franchit la barrière d’espèce
Les animaux domestiques, qu’ils soient d’élevage ou de compagnie, peuvent constituer une source d’agents pathogènes transmissibles à l’homme, soit en tant qu’hôtes intermédiaires de pathogènes dont le réservoir se trouve dans la faune sauvage, soit en tant que réservoir de pathogènes.
Ces infections transmissibles des animaux vertébrés à l’homme (et inversement) sont appelées zoonoses. Les agents infectieux dits zoonotiques peuvent être des bactéries (tuberculose bovine, brucellose, salmonellose), des virus (influenza, rage, fièvre de la vallée du Rift), des prions (encéphalopathie spongiforme bovine) ou encore des parasites (échinococcose alvéolaire).
Qu’ils soient connus ou encore non-identifiés, il existe dans la nature et particulièrement dans la faune sauvage de très nombreux agents infectieux, notamment des virus, qui peuvent infecter l’homme, parfois après passage dans un hôte intermédiaire. Le plus souvent, ces infections humaines sont « sans issue », ne concernant que les rares personnes primairement contaminées. Beaucoup plus rarement, mais avec des conséquences majeures pour la santé humaine, ces nouveaux agents infectieux se transmettent entre personnes et s’installent durablement pour devenir de nouveaux agents infectieux humains. Ce fut le cas de toutes les pandémies à virus influenza (1918, 1957, 1968 et 2009) et c’est aussi le cas actuellement du nouveau coronavirus humain.
La transmission de l’agent pathogène à l’homme peut s’opérer selon plusieurs voies : directes par contact (Ebola), par morsure ou griffure (rage) ou par voie aérienne (influenza, coronavirus) ou indirectes lorsqu’elle est le fait d’insectes hématophages (virus West-Nile, fièvre de la vallée du Rift, fièvre jaune) ou qu’elle survient lors de la consommation d’aliments contaminés (tuberculose bovine, brucellose, prions).
Santé animale, santé humaine même combat
Prévenir et contrôler ces infections demande une approche pluridisciplinaire qui implique des professionnels de santé des domaines animal et humain, en raison de la complexité des voies de transmission inter-espèces et de la multiplicité des facteurs susceptibles de les influencer.
Aux interfaces homme, animal, environnement, la démarche intégrée Santé Unique (en anglais, One Health) considère que santé humaine et santé animale sont étroitement liées. Elle s’intéresse à toutes les situations dans lesquelles des agents pathogènes peuvent être échangés, dans un sens ou dans l’autre, entre l’homme et l’animal, que ce dernier soit domestique ou qu’il appartienne à la faune sauvage. La lutte contre les maladies humaines implique donc de combattre chez l’animal des pathogènes zoonotiques ou à potentiel zoonotique, ou bien d’empêcher leur transmission à l’homme.
Au cœur des laboratoires INRAE
De nombreux laboratoires et unités INRAE s’intéressent à des virus qui peuvent infecter à la fois l’animal et l’homme.
C’est le cas des virus influenza, responsables de grippes animales, notamment chez les volailles, le porc et le cheval. Détecté en 1996 en Chine, le virus de la grippe aviaire H5N1 et ses descendants se sont propagés à l’ensemble du globe, avec des conséquences sur la santé humaine, l’économie et les échanges internationaux. Les virus aviaires H5N1 puis les virus H7N9 apparus en 2013 ont à eux deux causé plus de 2 000 cas d’infection chez l’homme et plus d’un millier de morts. Cependant, en Europe le principal danger des virus influenza aviaires concerne l’élevage, comme l’ont montré les deux épizooties successives qui, en 2015-2016 puis en 2016-2017, ont très durement touché les élevages de palmipèdes (canards, oies…) dans le sud-ouest de la France.
Depuis 2006 plusieurs laboratoires INRAE se sont engagés dans les recherches sur les virus influenza et les grippes animales. Ainsi, les unités Virologie et immunologie moléculaires (Île-de-France - Jouy-en-Josas), Infectiologie et santé publique (Val de Loire) et Interactions hôtes agents pathogènes (Occitanie-Toulouse) s’intéressent :
- au pathogène (les mécanismes moléculaires de sa multiplication) ;
- à ses interactions avec l’hôte, aux mécanismes impliqués dans la maladie et les symptômes, aux caractères qui prédisposent l’animal à exprimer la maladie ou à y être résistant ;
- à l’évolution du pathogène, aux mécanismes génétiques qui lui permettent de s’adapter à de nouvelles espèces ou de résister aux anti-infectieux ; à sa diversité génétique ;
- à l’épidémiologie : comment le virus se transmet entre animaux (d’un même élevage, entre élevages) ou à l’homme. Comment le pathogène est véhiculé sur de longues distances, par des échanges commerciaux ou bien par la faune sauvage incontrôlable.
En Île-de-France, l’unité Virologie conduit des recherches et de la surveillance sur les virus de West-Nile – ce virus qui infecte des oiseaux sauvages, peut aussi être transmis, par des insectes hématophages, au cheval et à l’homme - et de l’hépatite E – lequel a pour principal réservoir les porcs et peut être transmis à l’homme lors de la consommation de charcuteries contaminées.
Plusieurs chercheurs participent aussi à l’élaboration des mesures de lutte, notamment en participant à des groupes d’experts qui, réunis par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ou Anses, conseillent la Direction générale de l’alimentation pour adapter les mesures sanitaires à la situation épidémiologique. Pour être efficaces, ces mesures sanitaires doivent donc reposer sur une bonne connaissance des problèmes sanitaires sur le terrain. C’est pourquoi INRAE est aussi partenaire de la plateforme « Epidémiologie santé animale », qui coordonne la surveillance et la veille internationale des dangers sanitaires qui (zoonotiques ou non) menacent la santé animale et la santé publique.