Il y a 4 200 ans, la domestication du cheval dans la vallée du Don a accéléré l’essor des civilisations des peuples d’Eurasie

Tous les chevaux domestiques actuels (Equus caballus) trouvent leur origine dans la vallée du Don, au sud-ouest de la Russie. La date précise de la domestication du cheval et de son utilisation dans les sociétés humaines a longtemps divisé la communauté scientifique sur la base d’arguments archéologiques et linguistiques. Une étude publiée dans la revue Nature montre, par l’analyse d’ADN anciens, que l’essor des chevaux modernes à partir de cette région a commencé il y a 4 200 ans, marquant une nouvelle ère pour l’histoire humaine, où les chevaux ont révolutionné la vitesse des déplacements, la traction animale et les échanges entre les peuples d’Eurasie.

Publié le 24 janvier 2025

© L. Orlando

Des recherches sur l’ADN ancien préservé dans des restes humains avaient déjà révélé un bouleversement du paysage génétique européen suite aux migrations des peuples des steppes vers 3 000 ans avant notre ère. Souvent associées à des cavaliers et à une langue proto-indo-européenne, ces migrations se sont néanmoins produites avant la domestication des chevaux modernes. L’étude publiée dans Nature montre que cette domestication et son utilisation ne sont apparues que 800 ans plus tard, dans la vallée du Don.

Les chercheurs ont rassemblé une large collection de restes archéologiques de chevaux provenant de toute l’Eurasie. En s’appuyant sur des techniques de pointe permettant le séquençage d’ADN ancien, les scientifiques ont pu analyser avec une précision inégalée les mutations du génome du cheval ancestral qui ont accompagné l'émergence de la domestication, de l’élevage et de l'utilisation du cheval moderne pour se déplacer.

Ils précisent le moment où les ancêtres des chevaux domestiques modernes ont quitté la vallée du Don. En reconstituant l’histoire démographique des chevaux, ils mettent en évidence une augmentation significative de leur production, liée à une manipulation délibérée de la reproduction animale par les premiers éleveurs.

Ces 3 indices (date du début de l’essor des chevaux domestiques ; démographie ; manipulation de la reproduction) convergent pour démontrer que les chevaux domestiqués ont pu être élevés en nombre suffisant pour répondre à une demande exponentielle à travers le continent, démarrant il y a seulement 4 200 ans. Par conséquent, cette date marque le début d’une nouvelle ère dans l’histoire humaine où la mobilité basée sur l’utilisation du cheval a émergé pour rester un élément central de nos sociétés jusqu’à l’essor des moteurs à combustion à partir de la fin du XIXe siècle. Dans l’armée, la cavalerie était encore importante au début de la première guerre mondiale et dans les champs, les tracteurs ont complètement remplacé les chevaux après la Deuxième guerre mondiale seulement.

Les travaux publiés décrivent une méthode génétique particulièrement innovante permettant d’établir que les générations de chevaux se sont mises à défiler bien plus vite au moment même où leur production devenait massive et où ils envahissaient le continent. Si les premiers éleveurs ont donc pu produire soudainement un nombre aussi colossal de chevaux pour répondre à une demande devenue générale, c’est qu’ils ont réussi à élever et à faire se reproduire des chevaux de plus en plus jeunes, jusqu’à presque doubler leur capacité de production.

Les analyses révèlent les mêmes signes d’accélération démographique dans une lignée distincte ayant fait l’objet d’une domestication il y a 5 500 ans à Botaï (Asie centrale) rapportée en 2018 (Gaunitz C. et al. 2018, Science), où des équidés étaient élevés pour leur viande et leur lait. Cependant, cette lignée s’est éteinte et est bien distincte de celle menant aux chevaux domestiques modernes. Les équidés ont donc été domestiqués à deux reprises : d’abord à Botaï pour des usages alimentaires, puis 1 300 ans après dans la vallée du Don, pour monter et atteler le cheval moderne, se déplacer plus rapidement et tracter des attelages notamment pour les travaux agricoles.

Ces travaux collaboratifs approfondissent la connaissance des races modernes européennes, de la ségrégation des mutations ayant accompagné l’évolution et la diversité des chevaux domestiques, grâce au développement des méthodes innovantes en génétique moléculaire et quantitative.

 

Ces travaux ont été coordonnés par Ludovic Orlando (CAGT, CNRS, université Toulouse III – Paul Sabatier) et ont impliqué un large consortium international de 133 scientifiques de 113 institutions. L’équipe BIGE de l’UMR GABI, en partenariat avec le Musée Fragonard de l’ENV d’Alfort, a en particulier donné accès à des échantillons rares d’ADN ancien de chevaux des XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles et des génomes séquencés de races modernes. La plateforme GeT-PlaGe (INRAE Occitanie-Toulouse) a également contribué à cette étude.

Référence : Librado P., Tressières G., Chauvey L. et al. (2024). Widespread horse-based mobility arose around 2,200 BCE in Eurasia. Nature, https://doi.org/10.1038/s41586-024-07597-5

Contacts

Eric Barrey

Directeur de recherche

UMR Génétique animale et biologie intégrative (INRAE, AgroParisTech)

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