Alimentation, santé globale 2 min
Un goût préservé avec l’âge ?
Comment l'âge affecte-t-il les capacités de discrimination gustative ? Une étude menée avec l'ESA d'Angers a comparé la perception du goût entre séniors et jeunes adultes, en France et en Pologne.
Publié le 02 mai 2017
De nombreuses études montrent que les capacités de détection gustatives et olfactives diminuent en moyenne avec l’âge. Il est alors plus difficile de détecter ou encore discriminer les saveurs. Dans ces conditions, il est probable que la perception de l’alimentation devienne monotone et que le plaisir lié aux repas diminue. Si la littérature est abondante sur l’impact de l’âge sur les seuils de détection et d’identification, les capacités de discrimination, c’est-à-dire de faire des différences entre les aliments, ont été peu étudiées. C’est pourquoi cette étude a comparé les capacités de discrimination gustative de deux groupes d’adultes d’âge différent, des personnes âgées autonomes (plus de 60 ans) et des jeunes adultes (18-40 ans). La majorité des auteurs ont travaillé sur des solutions aqueuses. Ici, l’originalité du travail réside dans l’utilisation d’un aliment réel. La purée de pommes a été choisie car c’est un aliment qui plait à la plupart des consommateurs et qui se prête facilement aux modifications technologiques. L’étude a été réalisée en France et en Pologne.
Les objectifs de l’étude étaient de (1) déterminer si les capacités de discrimination des personnes âgées étaient plus faibles que celles des jeunes adultes et de (2) mesurer l’impact des interactions de saveurs sur les capacités de discrimination (hypothèse de masquage entre sucré et acide).
D’un point de vue méthodologique, des purées de pommes ont été supplémentées en saccharose et en acide malique. Ensuite, en goûtant les différentes purées par paire, les participants devaient indiquer laquelle était la plus sucrée. Le même processus a été appliqué pour l’acide ; nous permettant ainsi d’obtenir des performances de discrimination pour le sucré et pour l’acide. Enfin, les variations de sucre et d’acide ont été choisies de manière à couvrir au maximum l’espace sensoriel des purées de pommes.
Les résultats ont montré qu’il n’existait pas de différence significative entre les capacités de discrimination des Français et celles de Polonais. De la même façon, les capacités de discrimination des jeunes adultes (n=105) et celles des personnes âgées (n=130) ne sont pas significativement différentes ; que ce soit pour le sucré ou pour l’acide. Ainsi, des différences de 10 g/kg de sucre ou 0,25 g/kg d’acide malique ont été suffisantes pour que les participants différencient deux purées de pommes. Enfin, même si les profils sensoriels ont montré des effets de masquage entre le sucre et l’acide, ces interactions de saveurs n’ont pas affecté les résultats de discrimination dans nos conditions expérimentales.
Cette étude montre que l’âge ne semble pas impacter significativement les performances de discrimination des personnes âgées autonomes. Il faut ainsi garder à l’esprit qu’avec l’âge, il est faux de prétendre que "tout a le même goût". Il est donc essentiel pour les professionnels du secteur agro-alimentaire de continuer à proposer des produits alimentaires pertinents sur le plan sensoriel. Enfin, en donnant des recommandations pour les concentrations de sucre et d’acide, ces résultats peuvent aider les industriels à développer des produits innovants en accord avec les perceptions sensorielles des personnes âgées.
Partenaires : ce travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de Mathieu Mingioni au sein de l'unité GRAPPE (INRAE, ESA d'Angers), au sein du projet européen de recherche OPTIFEL (Optimised food products for elderly populations : www.optifel.eu). Il a été financé conjointement par la région Pays de la Loire et la communauté européenne.
Publication associée : Mingioni, M., Mehinagic, E., Siucińska, K., Konopacka, D., Artigas, G., Symoneaux, R., & Maitre, I. (2017). Sweet and sour discrimination abilities of elderly people compared to those of young adults in apple purée. Food Quality and Preference, 59, 59–67. DOI : 10.1016/j.foodqual.2017.02.007