Des gènes responsables de troubles du neurodéveloppement exprimés dans l’ovocyte de la mère façonnent le comportement de la descendance

Les animaux sont sensibles à leur environnement et l’exposition parentale à différents facteurs est susceptible d’influencer les comportements de la descendance, comme l’attestent de nombreuses données chez l’homme et différents modèles animaux, ainsi que des études en milieu naturel. Si ces effets sont globalement bien documentés, les mécanismes de transmission intergénérationnelle sont en revanche très peu connus, même si l’on sait qu’ils sont de nature non génétiques (n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN transmise par les parents). Chez la truite arc-en-ciel, il est ainsi connu qu’une exposition maternelle à une température élevée induit des altérations du comportement de la descendance. De façon très surprenante, des chercheurs du Laboratoire de Physiologie et Génomique des Poissons d’INRAE à Rennes ont pu observer que ces effets intergénérationnels étaient associés à une baisse des niveaux d’expression, dans les ovocytes de la mère, de gènes connus chez l’Homme pour être responsables de troubles du neurodéveloppement. Parmi eux, figure le gène auts2, responsable d’un syndrome caractérisé notamment par une déficience intellectuelle et des troubles du comportement. Les chercheurs ont alors voulu éprouver l’hypothèse selon laquelle des gènes responsables de troubles du neurodéveloppement exprimés dans l’ovocyte de la mère façonneraient le comportement de la descendance.

Pour cela, ils ont eu recours au médaka, une espèce de poisson modèle très utilisée en recherche ; ils ont combiné des approches d’éditions de génome chez la mère avec une exploration fine du comportement des descendants par analyse vidéo automatique, à la fois au stade larvaire et au stade adulte. Les effets sur le neurodéveloppement ont été révélés par des analyses du transcriptome (répertoire de gènes exprimés) dans différentes populations cellulaires, et notamment les populations neurales.

Cette étude montre que la suppression de l’expression du gène auts2 chez la mère a un impact à la fois sur le neurodéveloppement et le comportement de ses descendants. Plus précisément, les individus issus de mère n’exprimant plus le gène auts2 ont un comportement moins anxieux, mais semblent avoir des capacités réduites de reconnaissance de leur environnement. Les chercheurs ont également pu observer que le gène auts2 n’était pas un cas unique, mais qu’il appartenait au contraire à un groupe d’une centaine de gènes responsables de troubles du neurodéveloppement et dont l’expression dans l’ovocyte de la mère semble avérée, bien que peu connue, à la fois chez les poissons et chez l’homme. Globalement, ces résultats interrogent sur le rôle de l’expression des gènes responsables de troubles du neurodéveloppement dans l’ovocyte, notamment dans le contrôle intergénérationnel du neurodéveloppement et du comportement, que ce soit chez l’homme ou chez les animaux d’élevage ou sauvage en réponse à des stress, notamment environnementaux.