Gabriela Caballero-Vidal, prix L'Oréal-Unesco Jeunes Talents 2024

Le prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-UNESCO « Pour les Femmes et la Science » ¹ récompense Gabriela Caballero-Vidal, post-doctorante au sein de l’unité iEES-Paris, pour ses travaux sur les insectes prédateurs comme outils de lutte contre les moustiques vecteurs de maladies.

Publié le 21 octobre 2024

© Richard PAK et Clémence LOSFELD

Titulaire d'un diplôme d'ingénieure agronome, Gabriela Caballero-Vidal se spécialise pendant son doctorat dans l'étude des interactions entre les insectes et leur environnement, plus particulièrement dans le domaine de l´écologie chimique des insectes. Actuellement post-doctorante à l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris, elle se concentre sur les coléoptères aquatiques prédateurs (les « dytiques ») et leur potentiel pour la lutte contre les moustiques, vecteurs de maladies comme le paludisme ou la dengue. Son travail vise à développer des solutions durables et respectueuses de l’environnement, basées sur l'olfaction des insectes, pour réduire la transmission de maladies tout en contribuant à la préservation de la biodiversité.

Quel a été votre parcours académique et professionnel qui vous a conduit à votre spécialisation dans l'étude des insectes aquatiques ? Y a-t-il eu des moments clés ou des expériences marquantes qui ont façonné votre carrière ?

J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieure agronome en « protection des plantes » à l’Université National d’Asunción (Paraguay). Lors de cette formation, j’ai réalisé une année de césure en Australie, expérience qui a changé ma vie professionnelle car j'ai pu confirmer mon désir d'élargir ma carrière scientifique dans le domaine des sciences environnementales. J’ai ensuite intégré le master « Santé des plantes » à Montpellier SupAgro puis réalisé une thèse de doctorat sur l´écologie chimique inverse appliquée aux récepteurs olfactifs d'un insecte ravageur des cultures2 sur le site INRAE de Versailles-Saclay, grâce à un soutien du gouvernement du Paraguay (bourse d’excellence Becal). J’ai ensuite décidé de partir en Suède pour un premier post-doctorat dans le groupe « Vecteurs des maladies » de l’université des Sciences Agricoles (SLU). Lors de cette expérience, je me suis intéressée aux moustiques en raison des enjeux associés en santé humaine. Ce projet a été financé dans le cadre du projet nGICE (« next Generation Insect Chemical Ecology »), une collaboration entre le Max Planck Institute de Jena (Allemagne) et les Universités SLU et Lund (Suède). Actuellement, je suis de retour en France pour un second contrat post-doctoral et je mène mes expériences entre Sorbonne Université et le centre INRAE Ile-de-France - Versailles-Saclay. Mon travail vise à étudier comment l’olfaction s’opère dans l’eau et comment les insectes prédateurs aquatiques, en particulier le dytique Rhantus suturalis (important prédateur des larves de moustiques), détectent leurs proies. En utilisant des approches d’écologie chimique, j’étudie pour la première fois chez un insecte aquatique les mécanismes de l’olfaction, notamment la nature des signaux impliqués dans les interactions entre organismes.

L'une des expériences qui m'a marquée lors de ma première année de doctorat a été une mission de recherche en Chine, que j'ai eu l'occasion d'effectuer en 2017 grâce aux collaborations existantes à l’époque entre mon laboratoire d’accueil INRAE et l’Institut de Protection des Plantes de Pékin (Académie Chinoise des Sciences Agronomiques – CAAS), collaborations aujourd’hui formalisées par un Laboratoire International Associé (LIA) INRAE-CAAS. J’ai travaillé à Pékin pendant deux mois, ce qui a été une période intense d'apprentissage et d'échange culturel. Voir comment la recherche se fait dans différentes parties du monde est très enrichissant, cela permet de développer différents points de vue, d'avoir plus d'empathie et de penser de manière plus créative. 

Votre recherche sur les coléoptères aquatiques et leur potentiel dans la lutte contre les moustiques est très innovante. Pourriez-vous nous expliquer comment ces insectes prédateurs pourraient contribuer à la lutte contre des maladies comme le paludisme ?

Ce projet apporte des éléments essentiels pour réexaminer le rôle écologique des coléoptères aquatiques prédateurs et, plus précisément, pour comprendre comment les insectes aquatiques détectent les molécules odorantes sous l’eau. À long terme, les composés identifiés comme attractifs pour l’insecte prédateur pourront être utilisés in natura afin de stimuler les prédateurs à des moments critiques où les populations des moustiques, vecteurs de maladies (par exemple le paludisme, Zika, chikungunya…), sont en hausse. Les dytiques étant présents sur tous les continents, nos résultats pourront être transposés à différentes espèces présentes dans les régions tropicales et subtropicales où l’impact de maladies transmises par les moustiques est le plus élevé. Une meilleure compréhension de la reconnaissance des proies chez ces insectes contribuera ainsi au développement de méthodes durables de biocontrôle des moustiques.

En tant que lauréate du prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO 2024, que signifie cette reconnaissance pour vous et comment envisagez-vous d'utiliser cette opportunité pour promouvoir votre recherche et inspirer d'autres femmes dans le domaine scientifique ?

Ce prix est la consécration de nombreuses années de travail et représente une grande responsabilité envers la société et envers les femmes en particulier, pour continuer à inspirer les futures générations et maintenir un niveau d’excellence scientifique. Je compte utiliser la visibilité de ce prix pour promouvoir l’étude de l'écologie chimique comme source de moyens de lutte écologiques contre les insectes nuisibles, par exemple via des conférences (internationales et nationales). Je souhaite également suivre des formations et acquérir des compétences qui manquent à mon parcours. Enfin, ce prix me permettra de contribuer à briser les stéréotypes de genre. Ainsi, je souhaite organiser des ateliers dans les écoles (pièce de théâtre, forum, ateliers sur les stéréotypes ou l'orientation) pour promouvoir les sciences auprès des jeunes filles. J'aimerais leur donner conscience qu'elles peuvent y arriver et qu'il n'est pas nécessaire d'être un super-héros pour devenir scientifique. Actuellement, le faible nombre de femmes dans ce domaine alimente le sentiment des jeunes filles qu'elles n’y ont pas leur place. Plus de femmes en science et dans les postes de décisions scientifiques pourraient se traduire par l’émergence d’idées différentes, d’approches nouvelles, qui diversifieront et enrichiront le paysage de la recherche.

En tant que femme dans le domaine scientifique, avez-vous rencontré des défis particuliers ? Quels conseils aimeriez-vous partager avec d'autres femmes qui aspirent à une carrière dans la recherche ?

J’ai rencontré des difficultés pendant mes études au Paraguay, où les femmes subissent souvent des discriminations. Pendant ces années, j’ai été la cible de commentaires sexistes, associés à une remise en question de mes capacités intellectuelles et de ma place dans la science.

Lors de mon parcours, j’ai également parfois rencontré des inégalités de salaire. J’ai dû me confronter à mes supérieurs pour obtenir un salaire égal à celui de jeunes chercheurs hommes dans la même situation professionnelle.

Mon conseil est le suivant pour les femmes et la science : n'arrêtez pas votre curiosité parce que quelqu'un vous dit que vous n'y arriverez pas, cherchez des informations, posez des questions, entourez-vous de personnes qui vous soutiennent. Les situations et les moments difficiles arrivent toujours, personne n'est parfait, et vous ferez sûrement des erreurs. L'important est d'apprendre de vos erreurs et d'aller de l'avant. Vous êtes toutes capables de faire ce que vous voulez, ne vous limitez pas à cause de qui que ce soit.

En savoir plus sur Gabriela Caballero-Vidal : 

GABRIELA CABALLERO VIDAL - DP PRIX JEUNES TALENTS WOMEN IN SCIENCE 2024 pdf - 775.31 KB

Référence : 

DP - Prix Jeunes Talents France L'Oréal UNESCO For Women In Science 2024 _ DEF5

Thèse de doctorat : Gabriela Caballero-Vidal. Écologie chimique inverse appliquée aux récepteurs olfactifs de l'insecte ravageur des cultures Spodoptera littoralis : vers des stratégies innovantes en protection des cultures. Sciences agricoles. École doctorale ABIES :
Agriculture, alimentation, biologie, environnement et santé, 2020. Français. NNT : 2020IAVF0011. 

Lien : https://theses.hal.science/tel-03399743/

Le Prix Jeunes Talents L’Oréal-UNESCO " Pour les Femmes et la Science"
Chaque année, la Fondation L’Oréal Pour les Femmes et la Science et ses partenaires, l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO soutiennent plus de 250 brillantes jeunes chercheuses, au travers de 54 programmes régionaux et nationaux.
Les femmes restent trop peu présentes dans la recherche scientifique : elles représentent aujourd’hui seulement 33 % des chercheurs dans le monde, et 28 % en France.  En Europe, 86 % des hautes fonctions académiques en sciences sont exercées par des hommes. Et moins de 4 % des prix Nobel de science ont été décernés à des femmes.
Cette année, pour le Prix Jeunes Talents France 2024, 35 doctorantes et post-doctorantes ont été sélectionnées en France parmi près de 800 candidates par un jury de plus de 40 membres de l’Académie des sciences. Ces scientifiques prometteuses ont reçu une dotation significative (15 000 € pour les doctorantes, 20 000 € pour les post-doctorantes), qui va les aider à poursuivre leurs travaux de recherche. Elles ont de plus bénéficié d’une formation au leadership.
En savoir plus sur la Fondation L'Oréal "Pour les Femmes et la Science"

cp-fwis_france_2024.pdfpdf - 287.83 KB
COMMUNICATION CENTRE IDF VERSAILLES-SACLAY

COM-IDF-VS@inrae.fr

GABRIELA CABALLERO VIDAL

Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris (iEES-Paris).

MARTINE MAIBECHE

Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris (iEES-Paris)

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