Agroécologie Temps de lecture 2 min
Expérimentations à la ferme : un mouvement mondial pour accélérer les transitions du monde de l’agriculture
COMMUNIQUE DE PRESSE - Une nouvelle génération d’expérimentations à la ferme co-construites avec les agriculteurs, les « On-Farm Experimentation » (OFE), propose de nouvelles façons d’innover en agriculture. Une équipe de recherche internationale rassemblant 8 pays (Argentine, Australie, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Malaisie, Maroc, Royaume-Uni), impliquant en France INRAE et l’institut #DigitAg, s’est constituée pour établir les principes fondamentaux de ce mouvement « OFE » et pour argumenter en faveur de sa reconnaissance institutionnelle. Leur analyse, publiée le 23 décembre dans Nature Food, montre que ce modèle collaboratif qui se développe dans le monde entier pourrait permettre d’accélérer les transitions agroécologique et digitale.
Publié le 23 décembre 2021

Les recherches intégrant des expérimentations à la ferme existent depuis près de deux siècles et évoluent désormais dans un contexte croissant d’innovation ouverte. Une équipe internationale de scientifiques s’est attachée à expliquer en quoi le mouvement OFE, d’ampleur mondiale, diffère des expériences passées et pourrait apporter un renouveau pour accompagner la transformation de l’agriculture.
Au moins 30 000 exploitations agricoles impliquées: les grands principes OFE
Le mouvement OFE ancre des travaux de recherche expérimentale dans les activités d’une exploitation agricole, à travers une collaboration combinant les intérêts de chaque participant - agriculteurs, chercheurs, acteurs du secteur agro-alimentaire. Concrètement, les initiatives OFE suivent un processus où, étape après étape, l’agriculteur et le chercheur définissent ensemble les questions à investiguer et établissent des expérimentations adaptées au contexte de la ferme.
L’équipe a identifié de nombreuses initiatives OFE dans le monde avec au moins 30 000 exploitations impliquées, mais, à ce jour, cette approche n’a été ni formalisée ni systématiquement institutionnalisée.
Malgré la diversité des objectifs, des approches, des écosystèmes sociotechniques et des lieux géographiques, l’équipe a pu faire ressortir six principes directeurs des OFE :
- Conditions réelles - Les expérimentations sont conduites sur des exploitations, et s’insèrent dans l’itinéraire technique.
- Centrées-agriculteur - Elles sont centrées sur les questions de l’agriculteur et co-dirigées, au minimum, par l’agriculteur et les scientifiques.
- Basées sur les données - Elles sont fondées sur l’analyse de données de terrain et, en ce sens, facilitées (mais pas conditionnées) par les technologies numériques.
- Co-apprentissage - Elles sont focalisées sur l’échange entre les participants qui, à travers l’élaboration des expérimentations, partagent leurs visions et expériences, apprennent ainsi les uns des autres, et développent de nouvelles idées ensemble.
- Apport d’expertises - Elles facilitent les apports externes, permettant la prise en main de nouveaux outils et la considération de points de vue variés.
- Destinées au changement d’échelle - Elles sont menées dans un objectif de généricité des connaissances.
Un dispositif qui favorise la création de connaissances locales et appliquées
Dans le contexte actuel de transitions de l’agriculture (agroécologique, numérique, alimentaire, sanitaire…), il est important de mieux comprendre le potentiel transformateur des OFE qui intègrent les bénéfices de l’innovation ouverte.
De nombreuses approches, présentes et passées, partagent des cadres de référence proches, comme la recherche participative. Le mouvement OFE se distingue par la valeur qu’il crée pour chacun : d’un côté, les agriculteurs évaluent des pratiques directement applicables à leur exploitation, de l’autre, les scientifiques collectent des données de terrain et des connaissances informelles qui enrichissent leurs recherches et ouvrent de nouvelles perspectives. Les différents types de savoirs - issus de la science, de l’agriculteur mais aussi des conseillers et des partenaires de l’industrie - sont mobilisés conjointement. Ainsi OFE devient une méthode concrète pour accélérer la création de connaissances locales et appliquées.
En France, un exemple d’OFE est le réseau des fermes Dephy, auquel participent près de 3000 agriculteurs en collaboration avec les acteurs du développement et de la recherche, pour expérimenter autour de la réduction de l’usage de pesticides. Plus récemment le Living Lab Occitanum est un projet porté par INRAE en Occitanie impliquant 48 partenaires, dans lequel les agriculteurs mettent en œuvre des technologies numériques et, avec la recherche, évaluent leurs performances économiques, environnementales et sociales.
Les six principes des OFE soulignent les changements profonds qui se sont opérés sur la manière d’expérimenter en agriculture. L’expérimentation n’est plus un outil pour valider des théories, mais bien une méthode concrète pour encourager la création de savoirs locaux et appliqués. Cela soulève de nouvelles questions de recherche : comment hybrider les connaissances (formelles, expertes ou issues de données) ? quel statut pour les données produites ? comment évaluer les valeurs créées et les distribuer équitablement ? Pour les traiter et accélérer les transitions essentielles de l’agriculture, les chercheurs de l’étude appellent à renforcer la communauté des OFE.
OFE2021, la première conférence internationale sur les initiatives OFE, a été organisée en octobre 2021 à Montpellier par l’institut #DigitAg - piloté par INRAE - et l’ISPA (International Society for Precision Agriculture), avec un focus sur les technologies numériques. Les 170 participants issus de 36 pays ont échangé sur différents aspects des OFE - la création de valeur, l’analyse des données, les écosystèmes d’innovation, les politiques publiques - tout en rappelant le rôle central des agriculteurs dans l’innovation agricole.
Référence
Lacoste M, …, Bellon-Maurel V., …, Huygue C. et al. On-Farm Experimentation to transform global agriculture. Nature Food 23th december 2021 – DOI : https://www.doi.org/10.1038/s43016-021-00424-4