Agroécologie 4 min
Dominance-récessivité des gènes, épisode 2 : le mécanisme moléculaire
En utilisant comme modèle d’étude le système d’auto-incompatibilité chez les plantes à fleurs, les chercheurs ont démontré l’existence de petits ARN, codés par les allèles dominants, qui empêchent l’expression des allèles récessifs…
Publié le 17 décembre 2014
Comme souvent dans d'autres disciplines, mais plus rarement cependant en biologie évolutive, les prédictions théoriques devancent les observations expérimentales. Il en est ainsi pour la prédiction de l’existence d’un « modifieur de dominance », élément génétique propre à un allèle et qui détermine son statut de dominance et de récessivité. Cette hypothèse, pressentie dès les années 1930, n’a été démontrée expérimentalement qu’en 2010.
Il existe un « modifieur de dominance » ! Les prédictions théoriques sont vérifiées...
En 2010, une équipe japonaise (1) démontre que ce modifieur de dominance est un petit ARN. Cet ARN est codé par une portion de séquence de l'allèle dominant. Il reconnait une séquence spécifique sur l'allèle récessif dont il empêche l’expression. Cette démonstration a été faite chez le chou pour une paire d'allèles d'auto-incompatibilité codant pour le déterminant du pollen (la « clé », voir partie 2), grâce à la combinaison de méthodes de bioinformatique et de validation fonctionnelle par transformation. Ces travaux constituent la première démonstration de l'existence d'un modifieur de dominance tel que prédit par Wright dès les années 1930 (voir partie 2).
... mais une explication générale manque toujours !
Comment un allèle devient dominant sur un autre allèle, c'est donc simple : un petit ARN codé par le premier reconnait spécifiquement une séquence située sur le second, et empêche son expression. Cependant, il y a des dizaines d'allèles d'auto-incompatibilité différents dans les populations naturelles ! Comment un système petit ARN-cible peut-il contrôler des relations de dominance entre des centaines de paires d'allèles possibles, et comment cela a pu se mettre en place ? C'est ici qu'entrent en jeu les travaux les plus récents publiés dans Science du 5 décembre 2014, qui impliquent des chercheurs de disciplines et de compétences très différentes, de la bioinformatique en passant par la transformation génétique et les méthodologies phylogénétiques. Et c'est ainsi que ces chercheurs ont pu apporter une explication quasi-complète à ce problème a priori complexe (voir épisode 3).
(1) Y. Tarutani et al., Nature 466, 983–986 (2010).