Société et territoires 5 min

Développement des territoires

La densité d’élevages d’herbivores est encore forte en zones de moyenne montagne. Pour cette raison, la contribution de ces exploitations au tissu social et économique, à l’entretien de l’espace et au patrimoine culturel des territoires, reste essentielle.

Publié le 14 octobre 2022

illustration Développement des territoires
© Georges Humbert, INTERBEV

La démographie agricole relativement favorable dans les zones de moyenne montagne (population moins âgée notamment) modérait jusqu’à présent les inquiétudes pour le futur des exploitations agricoles. Cependant les difficultés croissantes dans ces zones quant au renouvellement des exploitations et des autres emplois agricoles, aux tensions concernant les ressources (fourrages, eau) et les attentes sociétales (circuits courts, bien-être animal, santé humaine, faune sauvage), à l’augmentation des coûts d’intrants bien supérieure à celle des produits, ainsi que la fragilisation de filières (collecte, abattage, transformation, négoce) ou de systèmes traditionnels et/ou rémunérateurs (lait, fromages, broutards, porcins) interrogent fortement l’avenir des activités d’élevage et des territoires de montagne. Dans ce contexte, les acteurs de l’élevage et des territoires se mobilisent à différents niveaux, dans l’accompagnement des producteurs, l’organisation des filières, la reconnaissance et la valorisation et des spécificités des produits, les synergies collectives dans les territoires entre les acteurs agricoles, collectivités territoriales, citoyens. Différents chantiers de recherche et développement initient et incitent à des changements de posture stratégiques en nourrissant les réflexions en cours concernant l’élevage de montagne. Des unités de recherche du Centre INRAE Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes viennent en appui de ces changements par des échanges avec les différents acteurs, et par des partenariats ou des actions de recherches socio-économiques appliquées aux territoires et filières.

Valoriser les complémentarités entre les métropoles et les territoires

La dynamique des métropoles représente à la fois une opportunité et un risque pour les territoires ruraux et périurbains, y compris en montagne. Les interrelations entre les grandes agglomérations et les milieux péri-urbains ou ruraux sont de plus en plus souhaités et discutées à des fins d’alimentation, de préservation de l’environnement, de santé humaine ou de loisir. Ceci pose toutefois de multiples questions concernant les équipements et infrastructures dans les territoires (logements, déchets, haut débit numérique, transports, etc.), la mutualisation des outils d’animation, d’accompagnement et de gouvernance multi-acteurs, et les soutiens administratifs et financiers. Dans le cas des zones de moyenne montagne, ces questions se déclinent de manière particulière et intense du fait des spécificités socio-techniques des systèmes productifs (petites structures, pluri-activité et main-d’œuvre familiale surreprésentées par exemple) et des conditions morpho-climatiques (relief, précipitations, saisons de végétation) et organisationnelles (collectifs agricoles ou communaux, infrastructures) des territoires. Pour que les métropoles offrent des opportunités réelles de développement pour les zones de montagne, certains leviers doivent être identifiés et pris en compte dans la logistique, la gouvernance et l’accompagnement des acteurs des territoires concernés.

Mieux organiser les synergies de filières, de l’amont à l’aval, et entre productions

Un axe de recherche-développement important vise à identifier et formaliser des pistes pour une meilleure valorisation des produits de l’élevage à l’herbe et de ses relations aux territoires en zones de moyenne montagne, en améliorant notamment l’organisation des multiples acteurs.

L’identification et la promotion des spécificités de l’élevage à l’herbe des zones de montagne apparaissent souvent insuffisantes en termes de lisibilité ou de retours économiques. Par exemple, malgré les efforts déployés par les filières d’élevage du Massif central (définition ou resserrement de cahiers des charges de production, campagnes de communication), notamment celles sous signe de qualité, une large part des produits ne présente pas de mise en valeur de leurs spécificités de production : place de l’herbe et du pâturage dans l’alimentation des animaux ;   maintien de la biodiversité des milieux, entretien des espaces (y compris chemins agricoles). Ces filières présentent donc une valeur ajoutée « dormante » qui pourrait permettre de mieux argumenter et compenser des surcoûts de production liés aux handicaps naturels et structurels. De plus, une large part des produits sont commercialisés sans finition ou sans transformation. Dans des filières « standards », cela limite fortement la restitution de valeur ajoutée aux exploitations et territoires de montagne. C’est notamment le cas de la vente de jeunes bovins mâles (« broutards ») produits dans les zones d’altitude du Massif central et vendus à l’exportation pour être engraissés et valorisés dans d’autres pays (Italie notamment).

C’est pourquoi les professionnels de l’élevage, de la production jusqu’à la commercialisation, s’engagent dans différentes démarches innovantes et collectives de structuration afin de mieux promouvoir l’élevage à l’herbe (LIT Elevage à l’Herbe de Massif, AOP Fourme de Montbrison, Pole Fromager AOP Massif Central, etc). Le but est de faire émerger et d’accompagner des projets et réalisations pour la valorisation des produits et services issus des ressources herbagères via une réelle différenciation, des synergies entre filières de productions animales (associant dans certains cas des acteurs des filières de grandes cultures pour la production de fourrages ou de protéagineux) et l’élaboration de « modèles économiques » pérennes. 

Faire des diversités agricoles un atout pour l’élevage de demain

La diversité des formes d’élevage d’herbivores (fonctionnements, pratiques, orientation de production, espèces, produits) qui caractérise les zones de moyenne montagne, longtemps considérée comme un handicap pour les économies d’échelle, est aujourd’hui reconsidérée, notamment pour ses contributions à la résilience et la transition agroécologique des systèmes d’élevage. Une des principales hypothèses qui sous-tend ce changement de posture est que cette diversité peut favoriser des réductions d’intrants et de charges, et de sensibilité aux aléas des systèmes agricoles, lorsque certaines conditions structurelles et organisationnelles sont réunies.

Plusieurs unités de recherche du Centre INRAE ARA s’intéressent aux systèmes d’élevage non spécialisés présents dans le Massif central et d’autres zones herbagères : bovin lait-bovin viande, bovin-ovin, bovin-équin, bovin-porcin. Leurs objectifs sont de mieux comprendre et identifier les conditions de réussite de tels systèmes. Les complémentarités entre formes d’élevage spécialisées et diversifiées sont également un élément étudié afin de conforter leurs activités dans les zones de montagnes.

Ces complémentarités entre activités peuvent aussi s’exercer de manière élargie dans de nouvelles formes d’exploitations collectives qui associent productions, transformation et/ou accueil. Elles peuvent aussi s’exprimer au travers de partenariats et contractualisations entre agriculteurs et acteurs du tourisme ou de la préservation de l’environnement (Parcs naturels Régionaux, MAE, Contrats de rivière, par exemple). Des nouveaux acteurs associatifs axés sur la valorisation des produits, l’accès au foncier agricole ou la durabilité interviennent pour faire en sorte que, par leur accompagnement, la diversité agricole constitue un atout pour le développement des territoires.    

Ces différents éléments manifestent bien la prise de conscience et la mobilisation des acteurs des filières d’élevage d’herbivores et des territoires de montagne concernant leur avenir, avec une forte implication de la recherche pour étudier et initier des alternatives en phase avec les enjeux locaux et globaux. Une des priorités est de réussir à accroitre la valeur ajoutée des produits, à redonner de l’attractivité aux métiers de l’élevage et à mieux coordonner les différents acteurs, tout en préservant l’environnement et en favorisant de façon plus globale le développement économique, social et culturel des territoires concernés.

 

Nathalie Hostiou Chargée de rechercheUMR Territoires

Hélène Rapey Ingénieure de rechercheUMR Territoires

Dominique VolleyChercheur associé UMR Territoires, Directeur délégué Institut Agro Rennes Angers

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