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Découverte d’une nouvelle fonction cellulaire chez les poissons : perspectives pour l’aquaculture et la recherche médicale

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’autophagie médiée par les protéines chaperonnes (plus communément appelée CMA pour Chaperone-Mediated Autophagy) joue un rôle crucial dans la régulation du métabolisme et du fonctionnement cellulaire. Il était jusqu'à présent admis que cette fonction cellulaire n’existait que chez les mammifères et les oiseaux. Une équipe de chercheurs d’INRAE, de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, du CNRS et de l’Université de Bordeaux* remet en cause ce dogme et prouve que la CMA existe également chez les poissons. Ces résultats, publiés le 9 juin dans la revue Molecular Biology and Evolution, ouvrent de nouvelles perspectives pour l’aquaculture et la recherche médicale.

Publié le 09 juin 2020

illustration Découverte d’une nouvelle fonction cellulaire chez les poissons : perspectives pour l’aquaculture et la recherche médicale
© INRAE - Amaury HERPIN

Photo : Poisson Medaka (Oryzias latipez)

L’autophagie désigne le processus par lequel la cellule dégrade une partie des éléments la constituant. Ce mécanisme permet notamment de recycler les constituants cellulaires et de maintenir l’homéostasie**  nécessaire au bon fonctionnement de la cellule. Parmi les différents sous-types d’autophagie, la CMA (Chaperone Mediated Autophagy), longtemps restée relativement méconnue, a fait l’objet ces dernières années d’une attention particulière en raison de son implication dans de nombreuses pathologies. Il s’agit d’une voie sélective d’autophagie qui cible spécifiquement des protéines possédant une signature peptidique particulière (le domaine KFERQ) présente dans un grand nombre de familles de protéines. La CMA cible ainsi une grande diversité de protéines et joue un rôle essentiel dans la régulation de nombreuses fonctions cellulaires comme la transcription des gènes, la réparation de l’ADN, les mécanismes de mort ou de survie cellulaire, la progression du cycle cellulaire ou encore le métabolisme. Son dysfonctionnement est impliqué dans des pathologies telles que des maladies neurodégénératives, certains cancers ou des troubles du métabolisme et du système immunitaire.

CMA fonctionnelle et essentielle pour les poissons

Une des protéines essentielles pour le fonctionnement de la CMA est la protéine LAMP2A. L'absence d’identification de cette protéine en dehors des mammifères et des oiseaux a conduit de nombreux auteurs à considérer la CMA comme une fonction cellulaire spécifique de ces classes de vertébrés. En 2018, grâce à l’analyse fine de la base de données transcriptomiques Phylofish dédiée aux poissons, des chercheurs et chercheuses français ont mis en évidence l’existence, chez plusieurs espèces de poissons, de séquences exprimées proches de celles de la protéine LAMP2A des mammifères, suggérant que la CMA existe chez les poissons et est apparue beaucoup plus tôt au cours de l'évolution des vertébrés qu'on ne l'avait initialement cru (Cf références).

Aujourd’hui, ils en apportent la preuve après avoir adapté à une lignée cellulaire du poisson medaka (Oryzias latipez) une méthode décrite pour mesurer l’activité de la CMA dans des cellules de mammifères. Les résultats obtenus démontrent clairement l’existence d’une activité CMA dans les cellules de medaka soumises à une restriction nutritionnelle, permettant (comme chez les mammifères) de cibler spécifiquement des protéines possédant le domaine KFERQ pour assurer leur recyclage. Les chercheurs ont également étudié le rôle physiologique de la CMA chez les poissons en empêchant l’expression de la protéine LAMP2A chez une lignée de medaka, bloquant ainsi la CMA. Ces poissons présentaient, à la suite d’un jeûne de courte durée, les mêmes troubles hépatiques que ceux déjà observés dans des expériences similaires chez la souris (hypertrophie du foie, forte accumulation de lipides et réduction légère de la teneur en glycogène).

Ces données démontrent ainsi que la CMA n’est pas restreinte aux mammifères et aux oiseaux, mais qu’elle joue également un rôle essentiel dans la régulation du métabolisme chez les poissons.

De nouvelles perspectives dans de nombreux domaines de recherche

Cette découverte constitue une rupture dans la compréhension des voies de régulation du métabolisme chez les poissons et apporte des changements conceptuels importants dans l’histoire évolutive de la CMA. Elle ouvre de nouvelles perspectives en recherche médicale, notamment en permettant l'utilisation de modèles animaux complémentaires, tels que le poisson zèbre ou le medaka  (espèces déjà largement utilisées en recherche biomédicale), pour mieux comprendre les mécanismes régissant la CMA, dont des défauts ont été identifiés comme impliqués dans plusieurs pathologies telles que certaines formes de la maladie de Parkinson, le diabète, des troubles du système immunitaire et certains types de cancer.

Dans le secteur de l’aquaculture, cette avancée scientifique permettra de mieux comprendre les mécanismes d’utilisation des nutriments par les poissons pour améliorer leur alimentation et offrir un produit de meilleure qualité plus respectueux de l’environnement.

* Laboratoires impliqués : Nutrition, métabolisme et aquaculture (INRAE/Université de Pau et des Pays de l’Adour), Institut de biochimie et génétique cellulaires (CNRS/Université de Bordeaux), Laboratoire de Physiologie et Génomique des Poissons. 

** Homéostasie : capacité d’une cellule à maintenir l’équilibre de son milieu interne quelles que soient les contraintes externes.

Références

Laury Lescat, Vincent Véron, Brigitte Mourot, Sandrine Péron, Nathalie Chenais, Karine Dias, Natàlia Riera, Florian Beaumatin, Karine Pinel, Muriel Priault, Stéphane Panserat, Bénédicte Salin, Yann Guiguen, Julien Bobe, Amaury Herpin, Iban Seiliez, Chaperone-Mediated Autophagy in the light of evolution: insight from fish, Molecular Biology and Evolution (2020), DOI: 10.1093/molbev/msaa127

Laury Lescat, Amaury Herpin, Brigitte Mourot, Vincent Véron, Yann Guiguen,Julien Bobe & Iban Seiliez CMA restricted to mammals and birds: myth or reality? Autophagy (2018), DOI: 10.1080/15548627.2018.1460021

 

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