Biodiversité 3 min

Comportement hygiénique des abeilles domestiques : une bourse ERC pour Fanny Mondet

Chercheuse en pathologie de l’abeille domestique, Fanny Mondet a obtenu une bourse ERC Starting Grant (session 2022) pour son projet Bee Healthy. Ce projet innovant vise à déchiffrer les mécanismes du comportement hygiénique des abeilles qui leur permet de défendre leurs colonies contre les maladies, notamment les infestations par le parasite Varroa.

Publié le 05 juillet 2023

illustration Comportement hygiénique des abeilles domestiques : une bourse ERC pour Fanny Mondet
© INRAE, MONDET Fanny

Le Conseil européen de la recherche (ERC) s'est doté d'un programme de financement très sélectif dédié à la recherche exploratoire à haut risque et à fort potentiel de gain pour la société. Les bourses ERC Starting Grant sont destinées à soutenir les jeunes chercheurs et chercheuses dont le parcours scientifique démontre une capacité à mener des recherches en toute autonomie pour leur permettre de déployer leur créativité dans un projet novateur. Elles sont accordées selon un seul critère : l’excellence. En 2022, 2 932 projets ont été déposés et environ 14 % ont été sélectionnés.

Déjà menacées par le changement climatique et l’agriculture intensive, les abeilles domestiques doivent aussi faire face au parasite Varroa destructor. Cet acarien mortel est une cause majeure de perte de colonies dans le monde entier. Pourtant, certaines colonies résistent à l’infestation, les abeilles nettoyant les alvéoles parasitées afin de limiter la propagation du parasite. Comment ? Fanny Mondet a décidé d’explorer les mécanismes de ces précieuses capacités avec son projet ERC Bee Healthy [1]. Son approche se base sur deux hypothèses audacieuses :

  • Il est couramment admis que pour protéger leur nid, les abeilles détectent des signaux olfactifs de maladie ou de mort chez leurs congénères. Fanny s’émancipe de ce concept en postulant qu’au contraire, les abeilles s’assurent en permanence de la bonne santé des abeilles de la colonie, ce qui leur confère une capacité de réponse universelle. Non limitées par la nécessité de reconnaître tous les signaux propres à chaque maladie, elles peuvent décider et agir dès qu’une variation du signal est détectée chez un individu.
  • Lorsqu’une abeille perçoit le signal d’une alvéole infectée ou infestée, elle l’ouvre et va soit sacrifier la nymphe et nettoyer l’alvéole, soit la laisser ouverte en altérant le micro-environnement nécessaire à l’acarien pour se reproduire, soit refermer l’opercule si la nymphe peut poursuivre son développement. Alors que ces différents comportements hygiéniques sont communément considérés indépendants, Fanny estime qu’ils sont issus d’un même système de détection dont la réponse varie en fonction des situations rencontrées.

Pour vérifier ses hypothèses, Fanny associera des approches à l’échelle de l’individu et de la colonie ainsi que différentes disciplines comme la neurophysiologie, la biologie moléculaire et l’écologie chimique. La combinaison de ses résultats lui permettra de comprendre comment se mettent en place et sont régulés les mécanismes du comportement hygiénique des abeilles tout en apportant de nouvelles connaissances plus larges sur l’immunité sociale.

Cet ambitieux projet ouvrira la voie au développement de nouvelles méthodes de lutte contre le Varroa pour la filière apicole, alors que les traitements disponibles montrent des limites significatives. Ses résultats pourraient fournir des indicateurs permettant de déterminer qu’une colonie est hygiénique et présentera un niveau de défense satisfaisant contre le Varroa. Ils apporteront ainsi des solutions pour une apiculture et une agriculture plus durables qui préservent les écosystèmes de pollinisation.

QUI EST FANNY MONDET ?

Pendant ses études de biologie à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon, Fanny s’intéresse aux interrelations entre problématiques agricoles et environnementales. Les abeilles lui apparaissent comme un bon modèle d’étude et le sont restées depuis ! Lors d’un stage de master à l’université d’Otago en Nouvelle-Zélande en 2008, elle explore la neurologie des abeilles et leur comportement sous traitement biologique de lutte contre le Varroa. Après un diplôme d’ingénieur du corps des ponts, des eaux et des forêts (IPEF) en 2011, elle obtient un doctorat en zoologie sur les interactions hôte-parasite entre l’abeille et le Varroa. Depuis 2014, elle est chercheuse au sein de l’unité de recherche Abeilles et environnement, du département Santé des plantes et environnement (SPE), au centre Provence-Alpes-Côte d’Azur, sur le site d’Avignon.

 

[1] Bee Healthy - If you are not healthy you are out: how honey bees develop resilience towards invasive species events with an immune system at the colony level.

Emmanuelle ManckRédactrice

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