Biodiversité 5 min
Abdelhafid Bendahmane, doublement récompensé par le Conseil européen de la recherche
Chercheur de renommée internationale en génomique végétale, directeur adjoint de l’Institut des sciences des plantes-Paris-Saclay, Abdelhafid Bendahmane remporte une bourse Advanced Grant pour son projet sur l’amélioration de l’attractivité des fleurs pour les pollinisateurs. Il est également l’heureux lauréat d’une bourse Proof of concept pour son projet de recherche sur le déterminisme du sexe des fleurs. La reconnaissance de l’excellence scientifique à la frontière des connaissances.
Publié le 31 mars 2023
Les insectes pollinisateurs domestiques et sauvages jouent un rôle essentiel, contribuant à l’équilibre des écosystèmes naturels et des productions agricoles.
Ainsi, 35 % de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes, 90 % des plantes à fleurs ont besoin des insectes pour se reproduire dont des espèces fruitières (pomme, poire, fraise…), maraîchères (tomate sous serre, melon, courgette…) et de grande culture (colza, tournesol…). On connait aujourd’hui environ 20 000 espèces d’abeilles, par contre on estime que 10 % des espèces sont éteintes et d’autres en cours d’extinction.
Comprendre et améliorer l’attractivité des fleurs pour les pollinisateurs.
Un constat et des chiffres qui, sur fond de sécurité alimentaire, questionnent sous un autre angle la nécessité de protéger les pollinisateurs et l’efficacité de la pollinisation. Un constat dont Abdelhafid Bendahmane, directeur de recherche INRAE, spécialiste du développement floral et du déterminisme du sexe chez les fleurs, s’est emparé, le déclinant, version science, dans son projet de recherche NectarGland - Améliorer l’attractivité des fleurs pour les pollinisateurs : étude des indices développementaux, morphologiques et chimiques en relation avec la recherche de nourriture des abeilles (en anglais, Improving flower attractiveness for pollinators: Study of developmental, morphological and chemical cues in relation to bee foraging) pour lequel il reçoit une bourse ERC, dans la catégorie Advanced Grant. La deuxième de sa brillante carrière.
L’objectif : créer une boîte à outils susceptible de rendre les fleurs et les plantes cultivées plus attrayantes, en tant que ressource alimentaire, pour les abeilles, en modifiant la structure et la chimie des plantes pour in fine contribuer à des récoltes durables. En phase avec les transitions majeures qui animent notre monde et les enjeux auxquels est confrontée l’agriculture, ce projet, en explorant les mécanismes moléculaires sous-jacents à ces processus, permettra de mieux comprendre comment les plantes et les pollinisateurs ont évolué ensemble au fil du temps.
En pratique, Abdelhafid Bendahmane et son équipe étudieront comment les différences génétiques dans les structures végétales (fleur, glande à nectar…) aboutissent à des variétés distinctes et évalueront avec précision leurs caractéristiques. Ils examineront si des caractères spécifiques des plantes qui attiraient auparavant les abeilles ont été perdues au fil des pratiques culturales et dans quelle mesure elles peuvent être réintroduites chez ces plantes.
Leur objet de recherche : les melons et autres cucurbitacées (concombres, pastèques, citrouilles et autres). Ils constituent un modèle d’étude auquel lui, son équipe et ses partenaires se consacrent depuis longtemps et pour lequel ils ont capitalisé nombre de connaissances importantes. Ce sont aussi des plantes susceptibles d’être pollinisées par un grand nombre de variétés d’abeilles mais dont la qualité des cultures est, paradoxalement, faible en raison d’une mauvaise pollinisation. Ce sont également un moyen de subsistance des agriculteurs les plus pauvres dans le monde.
De l’identification des gènes majeurs qui contrôlent l’attraction des abeilles pour les plantes en passant par la compréhension du développement de la glande à nectar jusqu’à une nouvelle feuille de route de la sélection variétale qui prendrait en compte l’impact agroécologique des pratiques, il y a un long chemin sur lequel Abdelhafid et ses équipes se sont d’ores et déjà engagés avec une conviction et des compétences que salue aujourd’hui encore l’ERC.
Les bourses ERC de la catégorie Advanced Grant sont des bourses de 2,5 millions d'euros pour 5 ans destinées à des chercheurs confirmés, reconnus en tant que leaders d’exception et qui mènent un projet de recherche exploratoire dans un sujet en rupture par rapport à son activité de recherche.
Mais le succès d’Abdelhafid Bendahmane ne s’arrête pas là.
Comprendre le déterminisme du sexe des plantes pour améliorer le rendement des cultures
En 2013, déjà, A. Bendhamane recevait une bourse ERC, catégorie Advanced Grant pour son projet SexyParth - Comprendre le déterminisme du sexe et les mécanismes de parthénocarpie pour améliorer les cultures (en anglais, Unraveling sex determination and parthenocarpy mechanisms to improve crops). L’objectif était alors d’élucider les mécanismes de détermination du sexe des plantes et de la parthénocarpie – aptitude à produire des fruits sans fécondation, donc exempts de graines – pour améliorer les cultures. Une bourse, grâce à laquelle lui et son équipe ont réalisé nombre d’analyses moléculaires et phénotypiques afin de créer de nouveaux prototypes de plantes.
Quelques brevets et publications plus tard, dans la continuité de SexyPart, Abdelhafid Bendhamane se voit aujourd’hui décerné une ERC dans la catégorie Proof of concept pour son projet HybridSeed - Les gènes de détermination du sexe comme boîte à outils pour la production de semences hybrides F1 et l’augmentation du rendement (en anglais, Sex determination genes as a toolbox for F1 hybrid seed production and yield increase). La seconde pour l’édition ERC 2022 et la troisième de sa carrière.
L’opportunité d’explorer le potentiel d’innovation des résultats issus de son précédent projet ERC. L’occasion de changer d’échelle pour passer du laboratoire au champ et valider les concepts issus des données de l’analyse de leurs génomes. Un défi auquel Abdelhafid s’attaque avec un plaisir scientifique certain mais non sans une certaine émotion, conscient qu’il est de changer de casquette et de sortir (ou presque) de sa zone de confort.
Les bourses ERC de la catégorie Proof of concept (PoC) sont des bourses de de 150 000 euros pour 18 mois, attribuées à des lauréats d'une bourse ERC pour explorer le potentiel d'innovation de résultats prometteurs issus de leur projet.
Sous couvert d’Horizon Europe, le programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation (2021-2027), les bourses ERC PoC permettent d’accéder à l’instrument de transition pour la valorisation des résultats mis en place par le Conseil européen de l'innovation. Elles font donc le lien entre le Conseil européen de la recherche et celui de l’innovation, contribuant ainsi à la compétitivité de l’Union européenne.
Mini-CV
57 ans
- Parcours
Depuis 2015 : Directeur adjoint de l’Institut des Sciences des Plantes-Paris Saclay, INRAE Île-de-France-Versailles-Saclay
2005 : Directeur de recherches, INRAE
1999 : Chargé de recherche, INRAE
1997 : Chercheur associé, The Sainsbury Laboratory, Norwich (GB) - Formation
1996 : Doctorat Biologie des plantes, Univ. East Anglia, Norwich (GB)
1991 : DEA Pathologie végétale, Univ. Paris XI - Prix et distinctions
2023 : Bourses Advanced Grant et Proof of concept, Conseil européen de la recherche
2022 : Médaille d’or, Académie d’agriculture de France
2018 : Laurier INRAE Défi scientifique
2016 : Prix La Recherche
2014 : Prix Georges Morel, Académie des sciences
2013 : Bourse Advanced Grant, Conseil européen de la recherche
2012 : Prix Vilmorin et Cie
2009 : Prix du Conseil indien de la recherche agricole