Comment prévenir l’ostéoporose qui guette les poules en fin de ponte ?

L’alimentation calcique de la poule pondeuse est finement ajustée pour répondre au besoin de calcium pour la formation de la coquille tout en mobilisant au minimum ses réserves osseuses. Cependant, on observe en fin de période de production une altération de la solidité de la coquille et des troubles osseux, qui compromettent la durabilité de cette production. Ceux-ci pourraient résulter de perturbations de l’homéostasie* phospho-calcique, déjà évoquées par de nombreux auteurs, mais dont les mécanismes restaient à décrire dans les différents tissus impliqués. Une attention particulière est accordée à un facteur protéique régulant les métabolismes du phosphore (P) et du Ca, et encore mal connu chez la poule : le facteur de croissance des fibroblastes-23 (FGF-23). Son rôle premier est d’induire l’élimination urinaire du phosphore, lorsque sa concentration circulante est trop élevée. L’équipe Alimentation et Systèmes d'Elevage avait préalablement montré que l’expression osseuse de ce gène était finement régulée au cours du cycle ovulatoire de la poule (Gloux et al, 2020 a).

Une étude comparative à différents stades et sur différents tissus

La comparaison a porté sur des poules en début (23 semaines d’âge) ou fin de ponte (90 semaines d’âge), en intégrant la réponse de multiples tissus effecteurs. Les deux groupes ont été nourris avec un régime apportant du carbonate de Ca à la dose de 3.5 % (1/3 particules fines, 2/3 de particules grossières). Les échantillons sont recueillis à différents stades d’activité de calcification de la coquille en lien avec le cycle ovulatoire : activité faible 0-1 h après l’ovulation, activité moyenne 9-10 h ou forte 18-19 h après l’ovulation. Le calcium et la vitamine D active (1,25(OH)₂D₃) sont dosés dans le plasma. L’expression d’une quarantaine de gènes candidats est mesurée dans la glande parathyroïde, le foie, l’os médullaire, le rein et l’intestin grêle.

Alors que le Ca ne diffère pas significativement entre ces deux stades, la concentration circulante en vitamine D active est fortement réduite. Dans l’os médullaire, l’expression de plusieurs gènes impliqués dans la résorption osseuse est augmentée, alors que celle d’un gène impliqué dans l’accrétion osseuse est au contraire réduite. L’expression osseuse de FGF23 est elle aussi fortement augmentée. Au niveau rénal, l’expression d’un transporteur en charge de la réabsorption du Ca urinaire est réduite. Plusieurs gènes impliqués dans la captation intestinale de Ca sont eux aussi exprimés à un niveau réduit. Ces signatures moléculaires confortent l’hypothèse d’un dérèglement de l’homéostasie* calcique chez la poule en fin de ponte et pointent vers un rôle possible de la protéine FGF23 qui est connue pour inhiber la production et activer la dégradation rénale de la vitamine D active. Il pourrait donc être un facteur déterminant de perturbations favorisant l’installation de l’ostéoporose.

Des perspectives fondamentales et appliquées

La compréhension de ces mécanismes présente un intérêt en physiologie comparée, la poule constituant un modèle extrême de besoin calcique avec un remodelage osseux quotidien pour y subvenir, car les poules pondeuses d’élevage pondent en moyenne un œuf par jour. Par analogie avec ce qui est connu dans les autres espèces, on s’attend à ce que FGF23 soit libéré dans la circulation sanguine, pour agir sur le rein et ses autres tissus cibles, ce qui n’a pas pu être démontré en l’absence d’un dosage spécifique du peptide chez la poule. FGF23 est connu aussi pour inhiber la production et stimuler la dégradation de la vitamine D active, qui diminue avec l’âge dans cette étude, et pourrait expliquer la diminution de plusieurs transporteurs impliqués dans la captation intestinale du Ca. De futures études viseront à développer un dosage sanguin pour savoir si l’os médullaire est l’organe responsable de la sécrétion de FGF23 chez la poule et si les variations de sa concentration sanguine sont prédictives de l’installation d’un état ostéoporotique. Les connaissances acquises sur la poule pourraient s’avérer utiles pour une extrapolation à l’espèce humaine.

D’un point de vue appliqué, la capacité de prédire l’apparition des troubles squelettiques chez la poule pourrait servir à les prévenir. Les chercheurs souhaiteraient y parvenir par la mise au point de nouvelles stratégies nutritionnelles et pratiques d’élevage de la jeune poule.

* L’homéostasie est la faculté que possède un organisme de maintenir les équilibres de son milieu intérieur de façon stable et indépendante des fluctuations du milieu extérieur.

Références

Revue Scientific Reports https://rdcu.be/cbEmH