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Combattre l’antibiorésistance en Afrique : comment mieux prendre en compte l’agriculture familiale?

La situation de l’antibiorésistance en Afrique est complexe et préoccupante puisque ce continent affiche la plus faible utilisation d'antibiotiques en élevage alors que les agents pathogènes d'origine animale sont associés à une forte antibiorésistance. Une des raisons de ce paradoxe, identifiée dans un article publié dans le Journal "Emerging Infectious Diseases", est un manque de connaissances et un mésusage des antibiotiques dans de nombreux élevages africains. Pour faire face à ce problème majeur de santé publique, les auteurs, emmenés par Christian Ducrot (chercheur à INRAE) et François Roger (chercheur au Cirad), plaident pour des politiques visant à améliorer l'accès aux médicaments vétérinaires et à développer des interventions sociales et techniques innovantes, co-construites avec les personnes concernées, pour une utilisation des antibiotiques adaptées aux petites exploitations africaines.

Publié le 28 septembre 2021

illustration Combattre l’antibiorésistance en Afrique : comment mieux prendre en compte l’agriculture familiale?
© @INRAE

Le paradoxe de l’antibiorésistance dans les élevages en Afrique

Selon les données officielles internationales, l'Afrique semble avoir la plus faible utilisation d'antibiotiques chez les animaux dans le monde, ajustée par la biomasse animale. Cependant, un examen approfondi montre une forte prévalence de la résistance aux antibiotiques observée chez les agents pathogènes d'origine alimentaire isolés à partir d'animaux et de produits d'origine animale en Afrique.

L’étude menée par INRAE le Cirad, ILRI, IRD et l'université de Copenhague propose des pistes pour expliquer cette situation. Par l'analyse des données de la littérature basée notamment sur des entretiens qualitatifs avec des agriculteurs, les auteurs identifient un faible niveau de connaissance du phénomène de l’antibiorésistance et une utilisation des antibiotiques dans les élevages non  maitrisée, parfois imprudente et sans perception des risques associés.

Compte tenu du développement de l’élevage pour répondre à une demande croissante en protéines, ces pratiques constituent un sérieux problème de santé publique.

Plaidoyer pour des politiques adaptées aux exploitations africaines

Les auteurs plaident pour des politiques qui tiennent compte des défis spécifiques à l’élevage en Afrique : les exploitations commerciales d'une part et les petites exploitations familiales d'autre part.  

Ces politiques doivent répondre au double défi d'améliorer simultanément l'accès aux médicaments vétérinaires tout en renforçant la réglementation de leur utilisation.

"D'un côté, l'utilisation d'antibiotique dans les grands élevages commerciaux doit être réglementée. De l’autre, les exploitations familiales peinent à accéder aux traitements sanitaires et aux conseils vétérinaires professionnels. Cela entrave leur capacité à changer leurs pratiques de soin, à adopter des innovations et à faire face à des réglementations et des normes de production plus exigeantes"

 

Des solutions proposées pour les petits élevages 

Les scientifiques proposent le développement de politiques publiques fortes qui renforcent l'accès aux services vétérinaires pour les agriculteurs familiaux et une meilleure réglementation des pratiques agricoles qui améliore l'accès des agriculteurs à la formation et aux conseils fournis par des vétérinaires ou des paravétérinaires formés.

L'implication des parties prenantes dans des approches participatives (dans le cadre d'une seule santé) est essentielle pour garantir l'efficacité des plans d'action et des réglementations et pour sauvegarder les communautés agricoles familiales.

"Il convient de souligner que l'application effective de ces politiques dépend d'un facteur clé : la minimisation des impacts sanitaires et socio-économiques négatifs sur le niveau de vie des agriculteurs, notamment dans les régions les plus vulnérables"

L’antibiorésistance, un problème de santé publique sans frontières

Bien que les voies de transmission de l’antibiorésistance des animaux aux humains et vice versa ne soient pas suffisamment étudiées en Afrique, la situation est préoccupante pour la santé publique. En effet, la probabilité que la résistance soit transmise aux agriculteurs et aux consommateurs par les animaux et les produits alimentaires d'origine animale est élevée.

En Afrique comme ailleurs, cette contribution zoonotique à l’antibiorésistance s'ajoute à celle associée aux antibiotiques couramment prescrits en médecine humaine. L’antibiorésistance est un défi planétaire, mais encore trop souvent sous-estimé.

L’Organisation mondiale de la santé a déclaré l’antibiorésistance comme l’une des 10 principales menaces planétaires pour la santé publique.

 Référence

Christian Ducrot , Alexandre Hobeika, Christian Lienhardt, Barbara Wieland, Charlotte Dehays, Alexis Delabouglise, Marion Bordier, Flavie Goutard, Ekta Patel, Muriel Figuié, Marisa Peyre, Arshnee Moodley, and François Roger
Antimicrobial Resistance in Africa—How to Relieve the Burden on Family Farmers
 Emerging Infectious Diseases Volume 27, Number 10—October 2021

https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/27/10/21-0076_article

 

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Contacts

Christian Ducrot UMR Animal, Santé, Territoires, Risques et Ecosystèmes (ASTRE)

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