Agroécologie 7 min

Le casse-tête de l'azote : le rôle clé de l'élevage dans l'avenir de l'agriculture biologique

L'agriculture biologique (AB) est le modèle d'agriculture durable le plus promu dans l'Union européenne (UE), avec l'objectif d'atteindre 25 % des terres agricoles exploitées en mode biologique d'ici 2030. Cependant, son expansion est entravée par la disponibilité limitée en ressources fertilisantes, en particulier l'azote (N). Cette première quantification des flux d'azote dans l'agriculture biologique en France fournit des informations précieuses pour comprendre les contraintes et les opportunités liées à l'expansion de l'AB.

Publié le 11 septembre 2024

illustration Le casse-tête de l'azote : le rôle clé de l'élevage dans l'avenir de l'agriculture biologique
© INRAE

Les deux principales sources d'azote pour l'AB sont 1) la fixation biologique de l'azote par les légumineuses et 2) le fumier provenant à la fois des élevages conventionnels et biologiques. 
Or, la réglementation européenne plus stricte concernant les ressources conventionnelles et d’importation en azote autorisées pour l'agriculture biologique et les pressions exercées pour réduire le nombre d’animaux d’élevage pourraient avoir un impact sur la disponibilité en azote pour l'agriculture biologique.

Il est donc essentiel de comprendre les flux d'azote à l'échelle nationale pour pouvoir évaluer les impacts potentiels de ces évolutions de contexte.

Dans cette étude inscrite dans des travaux de thèse, les chercheurs de l’UMR SAS ont modélisé les flux d'azote pour évaluer la contribution de l'élevage à l'AB en France, pays possédant la plus grande surface en agriculture biologique en Europe. Ils ont pris en compte la provenance de fertilisants d’origine animale utilisés pour fertiliser les terres agricoles biologiques, ainsi que les besoins nutritionnels en azote des animaux en AB, dont une partie est importée. La modélisation a permis de quantifier les flux d'azote entre les différentes composantes du système agricole mais aussi d'identifier les sources et les pertes d'azote.

Les principaux résultats montrent que :

  • Environ 20 % du fumier utilisé pour fertiliser les cultures biologiques provient de l'agriculture conventionnelle.
  • 15 % des besoins nutritionnels en azote des animaux en AB sont satisfaits par des importations de l'extérieur de la France.
  • L'agriculture biologique présente un excédent d'azote deux fois moins important que celui observé dans l'agriculture conventionnelle à l'échelle nationale.

Les résultats de cette étude montrent que l'agriculture biologique en France dépend encore de sources d'azote provenant de l'agriculture conventionnelle et des importations. Cette dépendance risque de limiter l'expansion de l'AB si des réglementations plus strictes sur les ressources externes d'azote sont mises en place par l'UE. De plus, la pression pour réduire les effectifs des animaux en élevage pourrait également limiter la disponibilité en ressources fertilisantes, augmentant ainsi les défis pour maintenir la fertilité des sols en AB.

Pour atteindre l'objectif fixé par l’UE de 25 % de terres agricoles en mode biologique, il sera crucial de trouver des solutions pour accroître la disponibilité de l'azote en AB. Les chercheurs suggèrent plusieurs pistes, comme :

  • Encourager l'utilisation de cultures de légumineuses qui fixent l'azote de l'air, réduisant ainsi la dépendance aux sources externes d'azote.
  • Maintenir suffisamment d’élevage AB pour préserver l'approvisionnement en ressources azotées
  • Améliorer les pratiques de recyclage des nutriments au sein des systèmes agricoles pour minimiser les pertes d'azote et maximiser son utilisation.
  • Mettre en place des politiques de soutien pour les agriculteurs biologiques, incluant des incitations à adopter des pratiques de gestion des nutriments plus durables.

Cette première évaluation nationale des flux d'azote dans l'agriculture biologique en France fournit des informations précieuses pour comprendre les contraintes et les opportunités liées à l'expansion de l'AB et pourra servir de base de comparaison avec d'autres pays d'Europe. 
Les résultats montrent que des efforts concertés seront nécessaires pour surmonter les défis actuels et atteindre les objectifs ambitieux de l'UE en matière d'agriculture durable.

Cette étude a également souligné la nécessité d'améliorer les données sur l'agriculture biologique dans les statistiques nationales, à l'image de celles disponibles pour l'agriculture conventionnelle. Les méthodes de collecte de données et de modélisation de cette étude peuvent également être adaptées pour examiner les flux de phosphore, qui représentent un autre défi majeur pour l'agriculture biologique à long terme. 
L’agriculture biologique a un rôle important à jouer pour la fourniture d’une alimentation saine et durable. Pour cela elle doit relever les défis de son accessibilité pour tous et de ses ressources en fertilisants.

 

Sylvie Andrérédaction

Contacts

Souhil Harchaoui Contact scientifiqueUMR "Sol, Agro et hydrosystème, Spatialisation"

Aurélie Wilfart contact scientifiqueUMR "Sol, Agro et hydrosystème, Spatialisation"

Joël Aubin contact scientifiqueUMR "Sol, Agro et hydrosystème, Spatialisation"

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