Agroécologie 5 min

CADASTRE_NH3, un outil pour représenter les émissions d’ammoniac au champ et leur variabilité

Comme d’autres secteurs d’activité, l’agriculture contribue à l’émission de composés polluants, dont l’ammoniac. Leur réduction repose sur leur bonne représentation, ce que permet dorénavant l’outil Cadastre_NH3 développé par des chercheurs INRAE et leurs collègues.

Publié le 01 juillet 2020

illustration CADASTRE_NH3, un outil pour représenter les émissions d’ammoniac au champ et leur variabilité
© INRAE, Jean Weber

En France, l'agriculture est responsable de 94 % des émissions d'ammoniac (NH3) dont plus de la moitié est due à la fertilisation azotée. L’ammoniac atmosphérique contribue à la dégradation de la qualité de l’air en tant que précurseur de particules fines, reconnues pour leur impact sanitaire, et, après dépôt, à l’acidification des sols, l’eutrophisation et la baisse de biodiversité des écosystèmes semi-naturels. Un ensemble de réglementations internationales, mis en place dès 1999, se traduit, pour la France, par des objectifs de réduction des émissions de 13 % en 2030 par rapport à 2005. Une perspective qui repose sur une bonne représentation des émissions d’ammoniac et de leur variabilité spatiale et temporelle.

Alors qu’aucun outil ne permettait jusqu’à présent une telle représentation, des chercheurs d’INRAE et d’AgroParisTech ont élaboré l’outil CADASTRE_NH3 dans le cadre du projet de recherche éponyme (Ademe, 2010-2015) qui représente de manière réaliste et à des échelles fines la variabilité spatiale et temporelle des émissions de NH3 au champ. 

CADASTRE_NH3 en pratique

CADASTRE_NH3 repose sur l'utilisation combinée de deux types de ressources :

  • le modèle mécaniste de prédiction de la volatilisation d’ammoniac au champ au pas de temps horaire, Volt'Air ;
  • les bases de données géo-référencées à l’échelle des petites régions agricoles (PRA) pour les propriétés des sols (European Soil Data Base, FAO), les conditions météorologiques à un pas de temps horaire (modèle SAFRAN, MétéoFrance) et les informations sur la fertilisation azotée : dates, doses, formes, méthodes d’apport et d’abattement (Agreste, INRAE, Instituts techniques).

Les scientifiques ont ainsi utilisé le modèle Volt’Air pour traiter les combinaisons de données d’entrée représentatives de chacune des PRA, soit plus de 150 000 combinaisons pour l'ensemble de la France. A noter que les émissions d’ammoniac obtenues pour chaque PRA à un pas de temps horaire, peuvent être agrégées ou désagrégées selon les besoins : spatialement, d’une maille de quelques kilomètres carrés à la France entière en passant par les départements et les régions ; temporellement, de l’heure à l’année culturale.

CADASTRE_NH3, un bon bol d’air en perspective

Cadastre_NH3 a permis de produire des inventaires dynamiques spatialisés des émissions d’ammoniac pour les années culturales 2005-2006 et 2010-2011. La comparaison de ces inventaires avec les données du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), en charge des inventaires nationaux français, montre une bonne concordance des résultats pour les quantités d’azote apportées au champ comme pour les quantités d’ammoniac volatilisées.

Les simulations obtenues avec Volt’Air sur les jeux de données de CADASTRE_NH3 donnent des taux d’émission très cohérents avec les facteurs d’émission recommandés pour les inventaires par la Commission européenne. L’outil a l’avantage de refléter la gamme des variations au sein et entre les différentes régions françaises.

CADASTRE_NH3 est aussi utilisé pour produire des fonctions simplifiées de volatilisation d’ammoniac par métamodélisation à partir du modèle Volt’Air sur les jeux de données élaborés. Ces fonctions ont vocation à alimenter tout un panel d’outils que ce soit pour la réalisation d’inventaires nationaux d’émissions d’ammoniac de niveau 3, l’aide au raisonnement de la fertilisation azotée, l’évaluation environnementale, la prévision de la qualité de l’air… Les sorties de l’outil sont compatibles avec les entrées des modèles de Chimie Transport CHIMERE (INERIS et LISA) et MOCAGE (MétéoFrance).

L’utilisation de CADASTRE_NH3 a permis de mettre d’abord en évidence puis de confirmer qu’une représentation plus proche de la réalité de la variabilité spatiale et temporelle des émissions d’ammoniac contribue à améliorer des outils opérationnels de prédiction de la qualité de l’air en France (Prev’Air, plate-forme nationale de prévision de la qualité de l’air ; projet Amp’Air - Amélioration de la représentation des émissions agricoles d'ammoniac pour une meilleure prévision de la qualité de l'air en France, Ademe, 2016-2020).

L’impact de la modulation des pratiques de fertilisation (injection, apport en bande, incorporation post-application, substitution d’engrais à fort potentiel de volatilisation, fractionnement des apports, décalage des apports dans le temps) sur la qualité de l’air en France et sur l’évitement des pics de pollution observés au printemps dans certaines régions est en cours d’évaluation (Projet PolQA - Politiques d’amélioration de la qualité de l’air grâce aux pratiques agricoles, Ademe, 2016-2019).

 

A terme, l’utilisation de CADASTRE_NH3 permettra ainsi d’améliorer les plateformes nationales de prédiction de la qualité de l’air et de cibler les pratiques à promouvoir en matière de réduction de la pollution de fond et d’évitement de pics saisonniers de pollution en fonction des contextes agro-pédo-climatiques spécifiques des différentes régions.

 

Contacts

Sophie Génermont UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (INRAE, AgroParisTech)

Jean-Marc Gilliot UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (INRAE, AgroParisTech)

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