Agroécologie 15 min

Qualité de l’air et agriculture

Si l’agriculture émet des substances polluantes dans l’atmosphère, elle peut également être affectée par certains polluants. La qualité de l’air est un sujet important pour le secteur agricole, qui interpelle aussi le monde de la recherche et de l’innovation et les pouvoirs publics. Réunis à l’occasion du Salon de l’agriculture 2020, des représentants de ces différentes familles d’acteurs ont fait le point sur la question.

Publié le 05 juin 2020

illustration Qualité de l’air et agriculture
© INRAE

La qualité de l’air est une préoccupation majeure, juste derrière le changement climatique, pour la population française comme européenne et son altération, une problématique d’ampleur. La pollution de l’air résulte des émissions directes de nombreux composés polluants issus de sources multiples et de leur dispersion dans l’atmosphère ainsi que des phénomènes complexes de chimie et photochimie atmosphérique susceptibles de générer des polluants secondaires. Elle concerne toutes les populations, s’affranchit des frontières tandis qu’elle est à l’origine d’effets notoires, notamment sur la santé humaine ou animale et celle des écosystèmes.

Aux côtés des transports, du secteur résidentiel ou de l’industrie, l’agriculture contribue à l’émission de composés polluants, dont l’ammoniac, les particules et les produits phytosanitaires. Si elle est source de polluants, l’agriculture est également affectée par la pollution de l’air ambiant ou par des dépôts de proximité liés aux voies de transport notamment.

Ces problématiques ont fait l’objet d’une conférence durant le dernier Salon de l’agriculture, qui a rassemblé des acteurs du monde scientifique et agricole devant un public nombreux.

Quand l’agriculture affecte la qualité de l’air, de la recherche au conseil

Dès les années 1970, le phénomène des pluies acides puis, au tournant du XXIe siècle, la mise en évidence dans l’atmosphère de particules et de composés phytosanitaires d’origine agricole témoignaient alors de l’impact des pratiques agricoles sur la qualité de l’air.

Acidification ou eutrophisation, ozone, particules fines ou produits phytosanitaires… les questions posées par la société à l’agriculture sont nombreuses. Elles traduisent une demande qui vise essentiellement à réduire les impacts de ces pollutions sur la santé et la biodiversité. Cette perspective repose sur trois grands types d’action : la réduction des émissions à la faveur de la diminution des intrants, du respect de bonnes pratiques et de la conception de systèmes alternatifs d’élevage et de cultures ; la réduction des nuisances locales liées aux activités d’élevage ou d’épandage ; une meilleure évaluation des impacts, dont les effets sur l’agriculture.

Dès les années 1990, la recherche française s’est emparée de ces questions dans l’intention d’acquérir des connaissances (sources, mécanismes), d’évaluer les émissions et d’apprécier l’effet des pratiques sur les sources et les impacts. Elle a développé des dispositifs expérimentaux, du laboratoire au champ, qui ont permis de collecter de nombreuses données et d’établir de nombreuses références. Elle a produit des avancées méthodologiques qui ont permis d’abaisser les seuils de détection et d’accéder à des concentrations plus basses et à d’autres composés. Enfin, elle a réalisé des travaux de modélisation afin de mieux comprendre les processus et leurs interactions, imaginer et évaluer l’efficacité des pratiques destinées à réduire les émissions ou améliorer la prévision de la qualité de l’air.

Grâce à un partenariat riche et diversifié, mobilisant de nombreuses disciplines et de multiples acteurs – agriculteurs, instituts techniques, chambres d’agricultures, pouvoirs publics, agences ou encore société civile, la communauté scientifique se trouve aujourd’hui dans une phase d’intégration avec de nombreux projets en cours qui considèrent essentiellement l’ammoniac et les produits phytosanitaires. Ils portent sur les liens entre pratiques agricoles et contamination de l’air ou sur les leviers d’action à différentes échelles dont celle du paysage. Ils concernent la prédiction des concentrations dans l’air à l’échelle de la région ou les déterminants de l’exposition des riverains aux produits phytosanitaires.

Quand la pollution de l’air impacte l’agriculture

Les cultures sont potentiellement exposées à un cocktail de polluants nombreux et aux effets multiples. Parmi ces polluants, l’ozone joue un rôle prépondérant. Agent oxydant ou perturbateur des équilibres hormonaux, il diffuse à l’intérieur des plantes, affectant la photosynthèse, la production et les rendements. Il altère de manière directe la qualité des produits végétaux en induisant, par exemple, des nécroses foliaires et de manière indirecte, celle des produits animaux en modifiant, par exemple, la digestibilité des aliments.

Des expérimentations menées en Île-de-France, par des équipes INRAE, ont montré qu’une augmentation de la concentration d’ozone dans l’atmosphère de 27% (de 30 à 38 ppb) entre la montaison du blé et sa récolte induit une perte de rendements de 20 %. A l’échelle européenne, une démarche similaire a révélé que les concentrations d’ozone observées en l’an 2000 ont entraîné une perte de rendements des cultures de blé de 13 % soit un manque à gagner de 3,2 milliards d’euros.

Il est désormais possible de coupler des modèles de production à des modèles économiques qui simulent le fonctionnement de l’exploitation agricole : si les politiques publiques n’empêchent pas l’augmentation de la concentration d’ozone que prévoient les modèles en 2013, la production française de blé diminuera de plus de 30 %, du fait de l’impact de l’ozone et d’un changement d’usage des terres au profit de l’orge, plus résistante à l’ozone. La superficie de ses cultures pourrait augmenter de 16 %, au détriment du blé donc, et sa production de plus de 14 %, avec une marge brute économique toutefois moindre.

 

Agriculture et qualité de l’air, c’est donc un dialogue complexe dans lequel la question de l’impact de l’agriculture sur la qualité de l’air est portée par une dynamique forte que partagent les différents acteurs du domaine et celle de l’impact de la pollution de l’air sur l’agriculture constitue un nouveau chantier, notamment pour les acteurs agricoles qui en prennent de plus en plus conscience.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Pierre Cellier UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (INRAE, AgroParisTech)

Jean-François Castell UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (INRAE, AgroParisTech)

Carole Bedos UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (INRAE, AgroParisTech)

Sophie Génermont UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (INRAE, AgroParisTech)

Le département

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