Biodiversité 5 min

Une bourse ERC au service de la santé des plantes

Le programme du Conseil européen de la recherche (ERC) finance la recherche exploratoire avec, pour unique critère, l'excellence scientifique. En 2022, il a accordé un financement Advanced Grant à Jean-Christophe Simon, directeur de recherche INRAE, pour son projet sur les déterminants évolutifs et moléculaires de l’alternance d’hôte qui permet aux ravageurs de cultures que sont les pucerons d’exploiter des plantes différentes selon les saisons. Explications.

Publié le 01 septembre 2022

illustration Une bourse ERC au service de la santé des plantes
© Adobe Stock

Comment les espèces s’adaptent-elles aux changements de l’environnement ? Telle est la question.

« Un premier processus relève de la sélection naturelle. Il va, sur un temps long, sélectionner les individus les plus adaptés à un nouvel environnement. Un second, la plasticité phénotypique, est la réponse, sur un temps beaucoup plus court, d’un organisme à un changement environnemental. C’est par exemple le renard polaire, dont la fourrure est blanche en hiver et brune en été », explique Jean-Christophe Simon, directeur de recherche INRAE au sein de l’Institut de génétique, environnement et protection des plantes.
« Moi je m’intéresse à un cas particulier de la plasticité phénotypique qui est le polyphénisme, c’est-à-dire la capacité d’un organisme à produire des formes très différentes selon les conditions environnementales. » Et de poursuivre : « Les abeilles forment par exemple des castes comprenant des ouvrières, des reines et des faux bourdons ; certains criquets présentent des individus ailés et d’autres dépourvus d’ailes. À l’origine, il y a une information génétique unique (ou génotype) qui est capable de produire des caractères (ou phénotypes) différents en réponse à des facteurs de l’environnement comme la température ou les ressources alimentaires. »

Un champ de recherche fascinant que Jean-Christophe Simon étudie chez les pucerons, des insectes ravageurs majeurs des cultures, à la faveur d’un projet original et ambitieux, ALTEREVO (en anglais Evolutionary and Molecular Determinants of a Nutritional Polyphenism), sélectionné pour une bourse Advanced Grant du Conseil européen de la recherche. Son but : comprendre les mécanismes qui régissent la production de formes spécialisées pour se nourrir sur des plantes distinctes et leur mise en place au cours de l’évolution.

Le programme ERC du Conseil européen de la recherche (en anglais, European Research Council ou ERC) est un programme de financement dédié à la recherche exploratoire, dont le critère de sélection est l'excellence scientifique. Les bourses Advanced Grant sont destinées à des chercheurs et chercheuses qui ont fait leurs preuves en matière de réalisations de recherche importantes au cours des 10 dernières années.

ALTEREVO, un projet et trois axes de travail

Au cours de l’évolution, les pucerons ont développé de nombreux cas de polyphénisme parmi lesquels un polyphénisme nutritionnel. Il s’agit de leur capacité à produire des formes différentes (ou morphes) qui se nourrissent, selon les saisons, sur des plantes ligneuses ou sur des plantes herbacées. ALTEREVO explore ce polyphénisme nutritionnel dans 3 directions :

  • La première concerne les mécanismes qui gouvernent ces changements de plantes hôtes et leurs déterminants environnementaux et moléculaires.
  • La deuxième s’intéresse aux symbiotes des pucerons, ces bactéries qu’ils abritent et sans lesquelles ils ne pourraient vivre, afin d’apprécier comment celles-ci contribuent, ou du moins répondent, à ce changement de plante hôte.
  • La troisième vise à reconstituer les étapes de la mise en place de ce polyphénisme au cours de l’évolution et à déterminer à partir de quel matériel génétique il a émergé. « J’ai deux hypothèses, la première suppose l’acquisition de nouveaux gènes ; la seconde repose sur l’utilisation de voies pré-existantes et la modification de leurs mécanismes de régulation », détaille Jean-Christophe Simon.

C’est finalement une approche originale que propose Jean-Christophe Simon avec ALTEREVO : elle relie les composantes évolutives, moléculaires et écologiques du polyphénisme, et prend en compte l'implication des symbiotes.

Une aventure scientifique et humaine

Une reconnaissance et des moyens, une certaine sérénité pour travailler.

En novembre 2022 débutera (officiellement) une aventure au long cours (2022-2027) accompagnée d’un financement conséquent (2,5 millions d’euros) qui va permettre de conduire un projet d’envergure avec des moyens, matériels et humains, inédits.

« À terme, ce seront trois postdoctorants, deux doctorants et un assistant de recherche qui constitueront autour de ce projet une équipe de femmes et d’hommes que j’aurai à cœur d’animer. ALTEREVO impliquera également d’autres collègues et partenaires avec lesquels j’ai l’habitude travailler. Il permettra d’engager une dynamique qui ira bien au-delà de la petite équipe formée par ALTEREVO », commente Jean-Christophe Simon.
Ce sera également pour lui l’occasion d’entrainer ses collègues. « Grâce à ALTEREVO, ils bénéficieront d’un contexte scientifique stimulant et contribueront à des recherches ambitieuses sans se soucier, pendant un certain temps du moins, de trouver des sources de financements. Ce projet participera au rayonnement de mon équipe et de mon unité et plus encore, j’espère », conclut Jean-Christophe Simon avec enthousiasme.


Mini-CV

58 ans

  • Formation
    1991 : Thèse de doctorat, Biologie et écologie des populations – Univ. Paris VI
    1987 : Master Biologie et écologie des populations – Univ. Paris VI
  • Parcours
    Depuis 2007 : Directeur de recherche, Institut de génétique environnement et protection des plantes (IGEPP), INRAE Bretagne-Normandie
    1991 : Chargé de recherche, unité Biologie des organismes et des populations pour la protection des plantes, INRAE Bretagne-Normandie
    1987 : Attaché scientifique, Laboratoire de zoologie, INRAE Bretagne-Normandie.

    2004-2011 : Directeur-adjoint puis directeur de l’unité Biologie des organismes et des populations pour la protection des plantes
    Depuis 2014 : Coresponsable du Réseau français de génomique environnementale
    Depuis 2012 : Coresponsable du Réseau français de recherche sur les pucerons.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Jean-Christophe Simon Institut de Génétique environnement et protection des plantes (INRAE, L'Institut Agro, Univ. Rennes 1)

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