illustration Akiko Sugio, la protection des plantes au service de la sécurité alimentaire
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Agroécologie 5 min

Akiko Sugio, la protection des plantes au service de la sécurité alimentaire

Chercheuse INRAE en pathologie végétale, Akiko Sugio s’intéresse aux interactions entre les pucerons, ravageurs majeurs de cultures, et leurs plantes hôtes. Un vaste programme de travail qu’elle mène avec entrain au cœur d’une des plus grandes régions agricoles d’Europe.

Publié le 26 mai 2020

Directrice de recherche au sein de l’Institut Génétique, environnement et protection des plantes – IGEPP (INRAE, lnstitut Agro, Univ. Rennes 1) du centre de recherche INRAE Bretagne-Normandie, Akiko Sugio est, depuis longtemps, passionnée par la santé des plantes, soucieuse de contribuer à assurer une sécurité alimentaire mondiale durable. Une thématique qu’elle décline au quotidien, forte d’une expérience internationale d’envergure.

Durant ses études au Japon, Akiko s’est rapidement révélée très intéressée par les biotechnologies et la bioingénierie. Tandis que d’autres veulent piloter un avion ou enseigner, Akiko avait en tête de créer des conditions qui permettent aux hommes de vivre sur d’autres planètes que la Terre en utilisant les biotechnologies... ceci afin de solutionner les problèmes de compétition pour les ressources que nous vivons de plus en plus intensément.

De l’industrie à la recherche en biologie végétale

Les premiers travaux d’Akiko Sugio concernent les enzymes. Ce sont d’abord des enzymes de bactéries extrêmophiles, à l’Institut de technologie de Tokyo, puis, en industrie, celles d'un large éventail de microorganismes dont elle examine le potentiel d’utilisation dans les secteurs de la lessive, de l’alimentation ou encore des cosmétiques. Chemin faisant, Akiko prend le temps de déposer un brevet qui concerne une lipoxygénase d’origine fongique, une enzyme d’intérêt dans le domaine de l’alimentation, qui catalyse l’oxydation des acides gras polyinsaturés.

Ce bref passage en entreprise, durant lequel Akiko Sugio a touché du doigt les relations plantes-champignons, lui a fait résolument prendre conscience de son intérêt pour les mécanismes d'interactions entre organismes. Aux lessives et aux cosmétiques, elle préfère désormais la production d'aliments essentiels.
Akiko Sugio quitte alors le Japon pour les Etats-Unis où elle prépare un doctorat. A l’Université d’Etat du Kansas, elle travaille sur la bactériose du riz, une maladie bactérienne causée par Xanthomonas oryzae dont elle analyse les mécanismes d’invasion de l’hôte.

Lauréate d’une Bourse de mobilité Marie-Curie, Akiko part en Grande-Bretagne où elle réalise enfin son rêve : travailler dans un institut réputé dans le domaine du végétal comme l’est le Centre John Innes et renforcer ses compétences sur les interactions plantes-pathogènes. Elle y reste six ans, étudiant comment les plantes répondent aux infections de pathogènes et comment les bactéries transmises par des insectes vecteurs manipulent la plante hôte pour les attirer.

Forte de cette solide expérience professionnelle acquise dans des environnements professionnels et humains différents, Akiko aspire désormais à bénéficier d’une certaine stabilité professionnelle et à emmener sa propre équipe de recherche sur des chemins de science qui la passionnent.

Vous avez dit aphidologie ?

En 2012, elle intègre l’Inra, devenu depuis INRAE, où elle se consacre aux interactions entre les plantes et les pucerons.

Puceron du pois (Acyrthosiphon pisum)

« Les pucerons, ou aphides, sont de petits insectes herbivores qui insèrent leurs pièces buccales dans la plante et se nourrissent de la sève élaborée. Ils provoquent d’importantes pertes agricoles et transmettent des virus pathogènes aux plantes » précise Akiko.

Adaptation des insectes aux changements de l’environnement, interactions avec leurs ennemis naturels et leurs plantes-hôtes ou encore régulation biologique dans les agroécosystèmes sont autant de volets qu’explore l’équipe Écologie et génétique des insectes de l’IGEPP à laquelle Akiko Sugio appartient désormais. L’objectif de  recherche de cette équipe : élaborer des stratégies de lutte durables basées sur la protection intégrée des cultures contre les insectes ravageurs.

Akiko étudie plus particulièrement comment le puceron du pois, Acyrthosiphon pisum, manipule les plantes pour faciliter son alimentation.

« En fait, sous le terme puceron du pois, s’abritent en fait plusieurs populations, chacune spécialisée pour se nourrir sur des plantes hôtes spécifiques de la famille des légumineuses (pois, luzerne, trèfle…) » détaille-t-elle.

Akiko Sugio s’interroge sur ce que les protéines salivaires que les pucerons injectent dans la plantes induisent chez celle-ci. Elle cherche à savoir si ces mêmes protéines déterminent la spécificité de l’insecte vis-à-vis de son espèce végétale hôte. Elle s’intéresse ainsi aux mécanismes moléculaires de la spécialisation des pucerons du pois vis-à-vis de leurs plantes hôtes. Elle examine aussi les facteurs impliqués dans la résistance du pois aux pucerons. Le tout sur fond de méthodes diverses et variées, au gré de nombreuses collaborations avec ses collègues du monde de la recherche ou des instituts techniques dans la perspective de développer des alternatives à l’utilisation de pesticides pour lutter contre les pucerons

Contribuer au développement d'une production agricole durable

En cherchant à comprendre les interactions entre les plantes et leurs ravageurs, Akiko se consacre à des problématiques majeures de la production végétale - pourquoi et comment les défenses des plantes sont-elles affaiblies ou inhibées, quels sont les moyens susceptibles de protéger efficacement les plantes contre les ravageurs – continuant inlassablement d’accroître ses connaissances en biologie végétale.

A la faveur de ses séjours à travers le monde, Akiko Sugio a acquis des compétences et un savoir-faire qu’elle déploie aujourd’hui avec beaucoup d’énergie au profit de l’agroécologie et de la sécurité alimentaire. Asie, Amérique ou Europe, son parcours international lui a permis de nouer de nombreuses collaborations qu’elle continue d’entretenir et d’enrichir. Une ouverture et une curiosité qu’elle aime aussi à mettre à profit en cuisine, quand il lui reste un peu de temps.

 

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Akiko Sugio Institut de Génétique, environnement et protection des plantes (INRAE, Institut Agro, Univ. Rennes 1)

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