Agroécologie 4 min

Santé des plantes : des pistes pour empêcher la transmission des virus par les pucerons

Deux équipes d'INRAE ont identifié pour la première fois deux protéines jouant un rôle majeur dans la transmission des virus par les pucerons. Ces recherches ouvrent des perspectives nouvelles en santé des plantes pour lutter contre les maladies virales

Publié le 23 juillet 2018

illustration Santé des plantes : des pistes pour empêcher la transmission des virus par les pucerons
© INRAE E. Pichon

Les virus infectent de nombreuses cultures dans le monde. Ils se propagent de plante en plante par des vecteurs mobiles qui se nourrissent sur les végétaux. Ils provoquent des dégâts importants sur les plantes et génèrent des pertes économiques conséquentes. Parmi ces vecteurs, les pucerons, capables de véhiculer des centaines d’espèces de virus, sont les plus répandus. Aujourd’hui, la lutte chimique reste le principal moyen de protection des cultures, mais elle génère des effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine.

Parmi les pistes alternatives étudiées à INRAE (résistance naturelle des plantes aux virus, biocontrôle, …), la compréhension des mécanismes assurant la transmission des virus par les pucerons ouvre des perspectives prometteuses. L’identification des récepteurs viraux et la compréhension de leur fonctionnement chez ce petit insecte pourraient permettre de cibler et bloquer l’interaction virus/vecteur et empêcher ainsi la propagation des virus dans les cultures. 

Deux équipes d'INRAE (1) travaillent de concert sur deux modèles viraux, les virus dits « non circulants » localisés au niveau des pièces buccales du puceron, et les virus dits « circulants » qui transitent dans l’organisme de l’insecte. Grâce à ces modèles, les chercheurs lèvent le voile sur un domaine encore très mal connu et pourtant prometteur quant à ses applications agronomiques.

Mécanismes d'action des virus de plantes
Mécanismes d'action des virus pathogènes de plantes circulants et non-circulants qui sont transmis par les pucerons. INRAE. Véronique Brault.

Des protéines de pucerons impliquées dans la transmission de virus de plantes

Les chercheurs ont identifié deux protéines de puceron impliquées dans la transmission de virus grâce à la technique d’ARN interférence ou "gene silencing" (2). La première protéine, nommée "styline 1", est présente dans le stylet de l’insecte et la diminution de son expression affecte fortement la transmission du virus de la mosaïque du chou-fleur. La deuxième protéine est appelée "récepteur de l’éphrine". La diminution de son expression entraîne une réduction importante de la transmission du virus de la jaunisse du navet par l’insecte.
 
La mise en évidence de la styline est liée à la mise au point d’une méthode originale d’immunomarquagein situ de stylets disséqués. Combinée à des observations en microscopie à haute résolution, cette méthode a permis de découvrir un organe de très petite taille, qui a été appelé l’acrostyle. Une collection de 70 anticorps ayant la propriété de reconnaître les protéines de la cuticule du puceron a été produite. C’est ce qui a permis à l’équipe d’identifier les premières protéines réceptrices candidates caractérisées dans des pièces buccales d’insecte, dont la styline 1 au niveau de l’acrostyle.

Le récepteur de l'éphrine a été mis en évidence en isolant les protéines de pucerons qui sont capables de se fixer aux protéines de capsides du virus.

Vers de nouvelles méthodes de lutte pour réduire la transmission des virus

Ces travaux ont permis des avancées importantes sur les mécanismes moléculaires de la transmission des virus par les pucerons. Ils ont aussi conduit à la mise au point d’outils et d’approches innovantes chez ces insectes vecteurs.

Les équipes poursuivent leur travail de caractérisation des récepteurs pour d’autres virus d’intérêt agronomique. Elles cherchent notamment à savoir si la styline 1 est un récepteur générique des virus non-circulants et s’il existe d’autres récepteurs au niveau des stylets qui sont impliqués dans l’accrochage des virus.

De même, le récepteur de l’éphrine pourrait intervenir dans la transmission d’autres virus circulants, proches du virus de la jaunisse du navet, mais qui infectent les pommes de terre ou la betterave et qui sont transmis par la même espèce de puceron.

Les efforts sur l’identification des récepteurs des virus chez les pucerons devront être poursuivis pour comprendre la subtilité de leurs modes d’action et pouvoir ainsi cibler le plus spécifiquement possible l’accrochage des virus dans les pucerons. Ces études pourront à terme déboucher sur de nouvelles méthodes de lutte à grande échelle permettant de réduire l’impact des viroses au champ en bloquant la transmission par les vecteurs.  

 

(1) UMR BGPI Biologie et Génétique des Interactions Plante-Parasite, Centre INRAE Occitanie-Montpellier et UMR SVQV Santé de la Vigne et Qualité du Vin, Centre INRAE Grand Est-Colmar.

(2) Cette technique permet de diminuer l’expression d’un gène et donc la quantité de protéine correspondante dans le puceron.

 

 

Chantal Dorthe - Sarah Louise Filleux - Marilyne Uzest - Agnès Delaunay - Véronique Brault Rédactrice

Contacts

Marilyne Uzest UMR0385 BGPI Biologie et Génétique des Interactions Plante-Parasite

Véronique Brault UMR1131 SVQV Santé de la Vigne et Qualité du Vin

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