Biodiversité 5 min

Agents infectieux transmis par les tiques : Anaplasma capra, une espèce bactérienne nouvellement décrite en France

Les outils de biologie moléculaire permettent de détecter dans le sang d’animaux apparemment sains de nombreux agents infectieux (virus, bactéries ou parasites), puis de les génotyper. Le nombre d’espèces caractérisées ne cesse d’augmenter, aussi bien dans la faune sauvage que dans la faune domestique. Connait-on bien toute leur diversité ?

Publié le 03 octobre 2022

illustration Agents infectieux transmis par les tiques : Anaplasma capra, une espèce bactérienne nouvellement décrite en France
© INRAE PiroGoTick

Anaplasma, agent responsable de l’anaplasmose chez de nombreux vertébrés

Anaplasma est une bactérie intracellulaire obligatoire présente dans les cellules sanguines, transmise par les tiques. Plusieurs espèces ont été caractérisées depuis plusieurs décennies car responsables de l’anaplasmose chez les animaux domestiques (D) et/ou chez l’être humain (H)  :  Anaplasma ovis (D), A. bovis (D), A. phagocytophilum (D/H), A. marginale (D), A. centrale (D) et A. platys (D). Selon l'espèce incriminée et l'hôte infecté, l’anaplasmose se traduit par des fièvres, de l'anorexie, des avortements, des baisses de production, pouvant conduire à la mort de l'hôte. Des baisses d'immunité associées à la présence de ces bactéries prédisposent les animaux infectés à d'autres infections parasitaires ou bactériennes. Ces espèces se répartissent dans le monde entier, avec des aires de distribution qui peuvent être liées à celles des espèces de tiques vectrices.

 

Une nouvelle espèce bactérienne transmise par les tiques chez les petits ruminants en Corse. Crédit photo : M.Gallois

Anaplasma capra en Europe, première mise en évidence en France


Anaplasma capra est une espèce récemment caractérisée en Chine (2015) chez les caprins puis les ovins. Décrite dans plusieurs pays d’Asie (Japon, Corée, Malaisie), elle s’avère avoir en fait une gamme d’hôtes assez étendue incluant également différentes espèces de cervidés et l’Homme. Des scientifiques de l’équipe TiBoDi de l’UMR BIOEPAR (INRAE, ONIRIS) en collaboration avec le MNHN (Muséum National d’Histoire Naturelle) ont caractérisé cette espèce pour la première fois en 2019 en Europe chez des Cervidés dans une réserve zoologique située dans la Brenne. Par la suite, grâce à une collaboration avec le GDS (Groupement de Défense Sanitaire), le GTV (Groupement Technique Vétérinaire) et des laboratoires d’analyse corses, ces chercheurs ont démontré sa présence également en contexte d’élevage ovin et caprin en Corse, avec des taux d’animaux infectés parfois importants.

Phylogénie moléculaire : deux groupes  distincts et une lignée européenne ?

Les comparaisons de séquences nucléotidiques réalisées par l’équipe et basées sur 3 gènes permettent de distinguer deux groupes ou clades distincts au sein de l’espèce Anaplasma capra. Les isolats français de cervidés, d’ovins ou de caprins sont regroupés dans un de ces deux clades, au sein d’une lignée suggérant une origine européenne récente et unique. Le clade regroupant les souches européennes est différent de celui dans lequel se trouvent les souches chinoises caractérisées chez l’Homme. Il reste donc à déterminer si les souches européennes pourraient être infectieuses pour l’Homme.

Phylogénie moléculaire sur la base du gène groEL montrant en violet les deux clades distincts chez Anaplasma capra et la lignée européenne en vert. Les souches d’origine humaine sont indiquées par un flèche rouge et un icône.

Quelles sont les tiques vectrices en Europe ?

Plusieurs espèces de tiques vectrices pourraient être responsables de la transmission d’Anaplasma capra en Asie. Mais, ces espèces ne sont pas présentes en France, aussi bien en France continentale (Brenne) qu’en Corse, deux localisations aux climats très différents, avec une faune locale et des espèces de tiques distinctes. Anaplasma capra semble donc avoir une spécificité vectorielle faible, et on soupçonne plusieurs espèces de tiques d’être les vecteurs de cette bactérie en Europe.

PARTENAIRES SCIENTIFIQUES : GDS Corse (Groupement de Défense Sanitaire du Bétail), GTV Corse (Groupement Technique Vétérinaire), Laboratoires Cismonte et Pumonte de la Collectivité de Corse, Idèle (Groupe de Travail OSCAR “avortement des petits ruminants”), MNHN (Réserve zoologique de la Haute-Touche).

PUBLICATIONS ASSOCIEES :
Jouglin, M., C. Rispe, S. Grech-Angelini, M. Gallois and L. Malandrin (2022). “Anaplasma capra in sheep and goats on Corsica Island, France: A European lineage within A. capra clade II?” Ticks and Tick Borne Diseases 13(3):101934. https://doi.org/10.1016/j.ttbdis.2022.101934

Jouglin, M., B. Blanc, N. de la Cotte, S. Bastian, K. Ortiz and L. Malandrin (2019) “First detection and molecular identification of the zoonotic Anaplasma capra in deer in France”. PLoS One 5;14(7):e0219184. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0219184.

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