Agroécologie 3 min

Phylloxéra : la génomique éclaire l’histoire de l’invasion du vignoble français et révèle une nouvelle famille de gènes

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le phylloxéra de la vigne, insecte cousin des pucerons, a dévasté le vignoble français au 19ème siècle suite à une introduction accidentelle. Le risque grave qu'il représentait est aujourd’hui maîtrisé grâce à des porte-greffes tolérants, mais l’insecte est toujours présent et peu connu. Les chercheurs d’INRAE ont coordonné un consortium international pour le séquençage et l’annotation du génome du phylloxéra. Les résultats sont publiés le 23 juillet 2020 dans BMC Biology. Ils révèlent que l’origine de l’invasion se situe en Amérique du Nord, probablement le long du cours supérieur du Mississipi. Les analyses génomiques démontrent aussi l’existence de la plus grande famille de gènes jamais identifiée dans un génome à ce jour, probablement impliquée dans l’interaction entre l’insecte et sa plante hôte. Ces connaissances nouvelles ouvrent des perspectives scientifiques pour l’amélioration de la viticulture, et plus largement sur les risques liés à l’introduction d’espèces exotiques sur un territoire.

Publié le 23 juillet 2020

illustration Phylloxéra : la génomique éclaire l’histoire de l’invasion du vignoble français et révèle une nouvelle famille de gènes
© INRAE - Marc HEVIN

Photo : dégats de phylloxera sur une feuille de vigne.

Le consortium scientifique sur le génome du phylloxéra (Daktulosphaira vitifoliae) naît en 2011 avec l’objectif d'apporter un éclairage nouveau sur l'invasion qui causa la crise phylloxérique en Europe au 19ème siècle et de mieux comprendre le potentiel d'adaptation de cet insecte grâce à la description de son génome. Le consortium piloté par INRAE a rassemblé plus de 70 scientifiques dans huit pays dont plusieurs unités de recherche du CNRS en France. A INRAE, des compétences complémentaires ont été mobilisées pour coordonner ce travail, spécialistes des maladies de la vigne, de la génomique des insectes et de la bioinformatique. Les chercheurs ont également bénéficié du soutien technique de la plateforme INRAE BIPAA (BioInformatics Platform for Agro-ecosystems Arthropods) pour accéder aux ressources génomiques sur les insectes associés aux agroécosystèmes et effectuer de nombreuses analyses.

Des révélations sur l’histoire de l’invasion

Les chercheurs ont organisé des campagnes d’échantillonnages de l’insecte en Europe et aux Etats-Unis et réalisé des analyses génomiques sur les individus. Les résultats permettent de mieux comprendre l’invasion du 19ème siècle. Ils confirment l’identification de Vitis riparia, une vigne sauvage américaine, comme source des phylloxéras qui ont envahi l'Europe. Plus précisément, les populations sauvages localisées le long du fleuve Mississipi seraient à l’origine de l’introduction du phylloxéra dans le vignoble français. Enfin, l’invasion dans le reste du monde se serait faite à partir des populations introduites en Europe. La crise phylloxérique conduisit à la destruction de la moitié du vignoble français modifiant pour longtemps l'économie et la géographie de la viticulture. C’est finalement l’utilisation de vignes américaines résistantes comme porte-greffes qui sauvera la viticulture et permettra la renaissance du vignoble européen.

Des découvertes majeures sur la biologie de l’insecte

Les analyses génomiques ont permis de révéler l’existence d’une nouvelle famille de gènes, la plus grande jamais identifiée à ce jour dans un génome. Elle regroupe en effet près de 2700 gènes (les grandes familles de gènes connues dépassant rarement 200 gènes), ce qui représente plus de 10% de l’ensemble du génome du phylloxera. Ces gènes seraient essentiels aux interactions du phylloxera avec la vigne. Ils codent pour de petites protéines sécrétées, appelées « effecteurs », qui interviendraient dans l'inactivation des défenses basiques de la plante. Dans sa région d'origine, la coévolution entre plante et insecte aurait permis à la plante de contrer ces attaques alors qu'en Europe la vigne cultivée ne disposait pas des systèmes de défense adaptés pour contrer ce nouveau ravageur et son cocktail d'effecteurs.

Les résultats obtenus ouvrent de nombreuses perspectives, comme sur l’évolution des insectes et notamment des pucerons ou sur la génétique et la sélection de porte-greffes tolérants au phylloxera, deux thématiques travaillées à INRAE. Ils contribuent également à améliorer la connaissance des invasions biologiques et de leurs conséquences potentiellement désastreuses pour l'agriculture et donc pour la société humaine et l'économie.

Référence

Claude Rispe, Fabrice Legeai, et al. The genome sequence of the grape phylloxera provides insights into the evolution, adaptation and invasion routes of an iconic pest, BMC Biology (BMCB-D-19-01125R2) – 23 juillet 2020

DOI : https://doi.org/10.1186/s12915-020-00820-5

En savoir plus sur le Phylloxera : consultez ci-joint la double page sur le sujet, parue dans Agromots  https://www.quae.com/produit/1351/9782749149745/agro-mots

 

CP_phylloxera_VF.pdfpdf - 63.01 KBExtraits-AgroMots_PagesPhylloxera.pdfpdf - 977.56 KB

Service presse INRAE

Contacts scientifiques

François Delmotte Unité mixte de recherche SAVE « Santé et agroécologie du vignoble » INRAE – Bordeaux Sciences Agro

Denis Tagu Unité mixte de recherche IGEPP « Institut de Génétique Environnement et Protection des Plantes » INRAE – Agrocampus Ouest Rennes - Université Rennes 1

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