Société et territoires 5 min
Yuna Chiffoleau, au long des circuits courts
Yuna Chiffoleau est directrice de recherche en sociologie au département Sciences pour l’action et le développement d'INRAE (précédemment Inra), depuis 2001. Spécialisée en sociologie économique et des réseaux, elle s’intéresse plus particulièrement aux circuits courts alimentaires, et s’attache à mesurer leur impact sur les producteurs et les consommateurs.
Publié le 27 juin 2016
Mesurer l’impact économique et social des circuits courts
Aider les populations des pays du sud à se développer, voilà ce qui a conduit Yuna Chiffoleau à devenir ingénieur agronome et à se spécialiser dans l’Agronomie tropicale. Diplômes en poche, elle part travailler en Afrique de l’Ouest et au Vietnam… et constate qu’il est vain de proposer des solutions techniques clé en main pour aider une société à se développer, si l’on ne tient pas compte de la dimension sociale. De retour en France, Yuna repart donc sur les bancs de l’école pour se former à la sociologie. Sa thèse de doctorat, elle la construit en partenariat avec des responsables de la coopération viticole, inquiets des difficultés que rencontrent certains viticulteurs, face au bouleversement des pratiques liées au passage d’une production de masse à une production de qualité, à la fin des années 90. Yuna part à la rencontre de ces populations vulnérables afin de cerner leurs contraintes, dans le but de réfléchir à des projets collectifs innovants auxquels ils pourraient adhérer. Elle prend alors conscience d’une remise en cause du modèle coopératif et propose des pistes pour son renouvellement « à partir des idées de ceux qui ne vont pas aux AG ». Lorsque Yuna intègre l’Inra en tant que chargée de recherche en sociologie en 2001, elle a une idée fixe : « j’avais pour ambition d’accompagner l’action collective innovante des groupes locaux, mais en veillant à y intégrer les personnes exclues des processus de développement ».
À la rencontre des agriculteurs en difficulté
Yuna Chiffoleau continue à suivre et accompagner le milieu rural languedocien en mutations, en observant notamment ceux qui abandonnent les circuits de distribution classiques et entreprennent de vendre eux-mêmes leur production, pour augmenter leur marge bien sûr, mais aussi pour retrouver une forme de dignité et de reconnaissance. Une inflexion qu’elle partage aussi avec des chercheurs en sciences biotechniques de l’Inra, dans le cadre de travaux sur la sélection participative pour l’agriculture biologique. « À partir de 2005, je me suis attachée à évaluer dans quelle mesure la vente directe et les circuits courts peuvent permettre de lutter contre la fragilisation à la fois économique et sociale en agriculture », précise Yuna. Elle oriente ses recherches sur le maraichage, un secteur marqué à la fois par un taux élevé de producteurs en difficulté et de projets collectifs innovants. En interaction avec des acteurs régionaux et le ministère de l’Agriculture, ses travaux visent à mieux comprendre comment ces modes de distribution peuvent permettre aux agriculteurs de se renforcer économiquement et socialement, tout en répondant aux nouvelles attentes des consommateurs.
Les circuits courts, vecteurs de transition vers des systèmes alimentaires plus durables
Pour Yuna, les circuits courts, entre marchés et innovations sociales, permettent de réfléchir à des questions centrales en sociologie économique. En révélant les mutations des systèmes alimentaires, urbains en particulier, ils sont aussi le point d’entrée pour accompagner la transition vers des systèmes plus durables. Depuis l’an dernier, Yuna co-anime le RMT Alimentation locale (Réseau mixte technologique) qui s’efforce de fédérer les acteurs impliqués dans le développement des circuits rapprochant producteurs et consommateurs, tout en valorisant les intermédiaires qui soutiennent l’agriculture locale. À ce titre, avec une de ses doctorantes, elle observe dans quelle mesure les exploitations qui rentrent en circuit court modifient leurs méthodes de production dans le sens d’une agriculture plus écologique. Mais Yuna s’intéresse aussi aux consommateurs, au-delà des déjà convaincus : « je cherche à évaluer en quoi ces nouvelles pratiques entraînent une prise de conscience des enjeux environnementaux et économiques, et les incitent à changer leurs pratiques alimentaires dans le sens du développement durable». Pour cela, elle mène des expérimentations. À l’instar du marché circuits courts à vocation pédagogique de Grabels (34), qui indique aux consommateurs l’origine des produits. L’initiative, qui a donné lieu au premier dépôt d’une marque collective par l’Inra, sous l’appellation Ici.C.Local, s’étend désormais à d’autres communes. Outre ses travaux, elle consacre beaucoup de temps à la formation d’étudiants, qu’elle associe systématiquement à ses recherches : « je m’attache notamment à faire prendre conscience aux futurs ingénieurs agronomes que leurs décisions techniques entraînent des conséquences sociales dont il doivent tenir compte ».
- 46 ans
- 1996 : Diplôme d’ingénieur en Agronomie de l’École nationale supérieure agronomique de Rennes
- 1997 : Diplôme d’Ingénieur en Agronomie tropicale du Centre national d’études agronomiques des régions chaudes de Montpellier
- 1997 : Diplôme d’études approfondies « Environnement, temps, espaces, sociétés », Université d’Orléans – AgroParisTech
- 2001 : Doctorat en sociologie, Université Paris 5
- 2001 : Chargée de recherche, UMR Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation (INRAE, Montpellier SupAgro, Cirad)
- 2000-2015 : Enseignant-chercheur consultant, Montpellier SupAgro
- 2018 : Directrice de recherche, UMR Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation (INRAE, Montpellier SupAgro, Cirad).