Biodiversité 6 min

Xylella fastidiosa : nouvelles pistes de recherche

Depuis la découverte des premiers foyers de Xylella fastidiosa en Corse en 2015, l’Inra a axé ses recherches sur le développement de technologies pour accélérer la détection et l’identification de la bactérie sur le territoire. Les avancées scientifiques sur les insectes vecteurs et leurs interactions avec le milieu marquent une autre phase des travaux. Modèles et outils de détection sont communiqués aux gestionnaires des crises sanitaires, DGAL et Anses, pour améliorer les actions de prévention et adapter les analyses et mesures prophylactiques.

Publié le 26 juin 2019

illustration  Xylella fastidiosa : nouvelles pistes de recherche
© INRAE, J.-Y. Rasplus

Des feuilles brulées, qui se rabougrissent, se dessèchent, noircissent... Du vignoble californien aux plantes ornementales méditerranéennes en passant par les oliviers italiens, plus de 350 espèces végétales à travers la planète, y compris des espèces forestières, sont sensibles à la bactérie Xylella fastidiosa.
Depuis 2015, année de la première détection de Xylella en Corse et en région Paca, l’Inra s’est engagé, à la demande du ministère de l’agriculture, dans une course contre la montre. Objectif : concevoir et mettre au point les techniques de biologie moléculaire ultra modernes pour détecter la présence de cette tueuse de végétaux transmise par des insectes.
 

Pari réussi ! Car en deux années seulement, les connaissances sur Xylella ont beaucoup progressé. Il est dorénavant possible de la détecter et de l’identifier, même présente en infime quantité, sur toute une gamme de végétaux hôtes1. « Les différents outils conçus par nos chercheurs sont opérationnels et ont été diffusés aux autorités nationales compétentes chargées de la gestion des crises sanitaires pour garantir la surveillance du territoire et le suivi de l’épidémie, » explique Jean-Pierre Rossi, chef de département adjoint du département Inra Santé des Plantes et Environnement. Les scientifiques ont également commencé à retracer l’histoire évolutive de Xylella en Europe et en France. Sa grande diversité génétique illustre sa capacité à s’adapter à ses hôtes et à évoluer. Ainsi, la présence de la bactérie en France est peut-être bien antérieure à la première détection en 2015. En effet, les analyses de datation de la divergence entre les souches américaines et françaises ont révélé que les souches présentes en France se seraient séparées de leurs cousines américaines il y a 30 à 50 ans. Cette période d’introduction en France est confirmée par des travaux de modélisation sur les données de distribution spatiale des foyers de Xylella en Corse. Au-delà de la détection de la bactérie, l’Inra s’investit dans la prévention et la gestion de la maladie en privilégiant deux directions complémentaires : les insectes vecteurs et la modélisation.

La stratégie de l’insecte sentinelle

Pourquoi ne pas utiliser les insectes vecteurs pour suivre la progression de la maladie ? Présent partout avec un spectre d’hôtes allant des graminées aux arbres, le cercope des prés (Philaenus spumarius) est un vecteur efficace de la bactérie. Dans les labos Inra, avec les nouvelles méthodes de biologie moléculaire haut débit, un seul spécimen livre aux chercheurs une triple information ! L’ADN de l’insecte lui-même, celui de la bactérie qu’il porte, sa sous-espèce ou souche, et bientôt celui des végétaux sur lesquels l’insecte s’est nourri. Ces travaux constituent un tournant décisif pour la recherche. « On sera capable non seulement d’identifier l’ADN de la bactérie, mais de relier l’insecte avec la plante hôte et ainsi de mieux connaître son régime alimentaire », s’enthousiasme Jean-Pierre Rossi. À quoi cela sert-il ? « À reconstruire les réseaux trophiques et inventer les mesures prophylactiques qui nous serviront demain. »
En effet, détecter la bactérie dans une population d’insectes est utile pour identifier les zones à risque. Par exemple, en Corse, 20 % des insectes capturés en 2016 étaient contaminés. Dans le maquis à cyste, cette valeur montait à 30 %. Les cystes constituent des réservoirs, et identifier ces réservoirs, « c’est entrevoir des solutions pour tester des stratégies de gestion, par exemple la destruction de certains végétaux à proximité des cultures sensibles. L’approche par réseaux trophiques est extrêmement importante de ce point de vue ».

Du terrain au numérique : complémentarité des outils de prévention

La masse des données épidémiologiques, de structure du paysage, de distribution de la végétation, etc., récoltées sur le terrain est traitée à travers des modèles mathématiques qui permettent de tester l’impact potentiel de différents scénarios de gestion par simulation numérique. Des modèles statistiques reliant les points d’occurrence de la bactérie avec les données climatiques ont vu le jour. Ils permettent de reconstituer l’aire de distribution potentielle de Xylella. Les chercheurs ont ainsi travaillé sur trois sous-espèces présentes en Europe. « Nos chercheurs ont construit des cartes avec les données récoltées en Corse et région PACA par les services de l’état. Ils les ont consolidées avec les données de la littérature scientifique sur d'autres régions du monde pour construire des modèles robustes, » détaille Jean-Pierre Rossi. « D’autres modèles permettent de créer des cartes de risque dynamiques et de ce fait anticiper les endroits où la maladie pourrait avoir un impact agronomique fort. L’ensemble de ces résultats est utile pour organiser les mesures de surveillance et la réflexion sur la prophylaxie dans le cadre d’une gestion durable.

Une librairie de barcodes des insectes

Dès l’été 2015, les chercheurs de l’Inra ont établi une liste des vecteurs possibles en France. Des milliers de spécimens ont été prélevés. « C’est très important car les insectes pouvant transmettre la bactérie en France sont mal connus. Les informations sur les insectes vecteurs américains ne sont pas transposables car ce sont des espèces et des genres différents, » regrette Jean-Pierre Rossi.
Toutes les informations biologiques sur ces espèces sont stockées dans la base de données Arthemis développée par l’Inra. Arthemis permet notamment de tester la séquence de barcode d’un insecte quelconque en la comparant avec les séquences d’espèces connues stockées dans la base. Cet outil fiable et rapide d’identification massive des vecteurs est en outre gratuit et en accès libre.

 

X. fastidiosa - Echantillonnage et identification des insectes vecteurs. Inrae

 

1 Y compris les arbres dont certaines substances chimiques, les tanins, sont connus pour perturber les techniques d’amplification ADN. C’est le cas également de certains pigments, présents dans les yeux des insectes. Les nouvelles méthodes de biologie moléculaire ont permis de lever ces verrous technologiques.

Les unités Inra impliquées

  • Sur le site d’Angers, une équipe de l’Institut de Recherches en Horticulture et Semences travaille sur la biologie de la bactérie, sa diversité génétique, son évolution et son pouvoir pathogène. Elle conçoit des outils de détection et d’identification de la bactérie et caractérise la gamme de plantes hôtes des souches isolées en France et en Italie. Les résultats et méthodes issues de ce laboratoire sont reconnus par la communauté scientifique internationale et le monde professionnel. Elle conserve et met à disposition la plus grande collection de souches de Xylella, qu’elles aient été isolées en Amérique ou en France.
  • À Montpellier, le Centre de Biologie pour la Gestion des Populations se concentre sur l’identification des insectes vecteurs, de leurs plantes alimentaires et de la souche bactérienne portée. Le laboratoire a établi la liste des vecteurs potentiels en France et Europe, construit un outil pour leur identification en masse et diffusé le protocole pour l’amélioration et la robotisation des protocoles d’extraction. On doit également à cette équipe le développement de librairies de barcode des vecteurs et la base de données, ouverte à tous, Arthemis DB@se.
  • Sur le site d’Avignon, l’unité Biostatistique et Processus Spatiaux est chargée des aspects liés à la modélisation en vue de la prévision et la gestion du risque. Les modèles sont précieux pour comprendre la diffusion de la bactérie en lien avec le climat et le paysage et in fine pour dresser une cartographie des zones à risques.

Dès 2016, les différentes équipes ont commencé à publier les résultats de leurs recherches sur Xylella fastidiosa soit : 4 publications sur les modèles mathématiques ; 2 autres sur les bactéries et leur diversité ; une sur les insectes sentinelles.

Collaborations européennes

L’Inra est fortement impliqué dans plusieurs projets de recherches européens visant à :
- l’amélioration des connaissances par le soutien de programmes de recherche appliquée,
- le renforcement de la surveillance pour assurer la détection précoce et l’éradication rapide des éventuels nouveaux foyers,
- le renforcement des actions de sensibilisation et d'information.

En savoir plus :
> Projet XF-ACTORS : Xylella Fastidiosa Active Containment Through a multidisciplinary-Oriented Research Strategy.
> Projet POnTE : Pest Organisms Threatening Europe.

> Projet PROMODE : Harmonized protocol for monitoring and detection of Xylella fastidiosa in its host plants and its vectors (réseau Euphresco).
>
Projet CURE-Xf : Capacity Building and Raising Awareness in Europe and in Third Countries to Cope with Xylella fastidiosa.

 

Patricia Léveillé Rédactrice

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